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[Littérature] Louise Glück, poétesse du monde qui passe


Décédée en octobre, Louise Glück inspirait admiration, respect et reconnaissance. (Photo : katherine wolkoff)

Quelques semaines après la disparition de Louise Glück, Gallimard publie un recueil de cette maîtresse des éloges du silence, de l’obscurité et de l’inachevé.

Une petite centaine de pages pour quinze moments de grâce et de plaisir. Quinze poèmes en version bilingue pour un Recueil collectif de recettes d’hiver, qui paraît peu après la mort à 80 ans, le 13 octobre dernier, de la poétesse américaine Louise Glück, prix Pulitzer 1993 et prix Nobel de littérature 2020. Avec ce Recueil collectif…, l’éditeur français nous annonce une auteure qui «laisse une place de plus en plus grande à la narration. Dans ces poèmes qui prennent parfois des allures de fables, l’individualité des voix qui s’expriment s’estompe au profit d’une présence au monde plus collective».

En ouverture de recueil, on découvre Poème : «Le jour et la nuit arrivent / main dans la main comme un garçon et une fille / s’arrêtant seulement pour manger des baies sauvages dans un plat / décoré de peintures d’oiseaux…» Les oiseaux ou le garçon et la fille vont gravir une montagne couverte de glace, s’envoler au loin. Suivent Le Déni de la mort («Tout est changement, dit-il, et tout est relié. / Également tout revient, mais ce qui revient n’est pas / ce qui est parti…») puis le poème qui donne son titre à l’ouvrage : «Le livre contient / seulement des recettes d’hiver, quand la vie est dure. Au printemps, / n’importe qui peut faire un bon plat».

Les mots se gravent dans l’esprit : «Et le monde passe, / tous les mondes, chacun plus beau que le précédent»… Femme d’élégance, Louise Glück observe et raconte la vie, la mémoire et le rêve. Il y a, dans les pages de la poétesse américaine, des bonsaïs que l’on taille, un passeport abandonné, la lumière joyeuse du soleil, de petites princesses jouant à l’arrière d’une voiture… Bien entendu, tout finit… puis revient. Hiver, printemps… Un recommencement cyclique, et pourtant jamais à l’identique. Dans ce Recueil collectif de recettes d’hiver, tout y est rapporté, consigné avec une précision d’horloger, avec une concision qui a en ennemi la redondance. Rien n’y est certain, tout y est possible…

Femme d’élégance, Louise Glück est porte-plume du « désespoir » lyrique

Au fil de ses textes, poèmes et recueils, en maîtresse des éloges du silence, de l’obscurité («Dans la nuit je peux voir mon âme», écrit-elle) et de l’inachevé, en porte-plume du «désespoir» lyrique, Louise Glück a toujours gardé le cap. Elle inspirait admiration, respect et reconnaissance. Ainsi, à sa disparition, le grand écrivain sud-africain J. M. Coetzee lui rendait hommage : «Ce qui me frappait, c’était la manière dont sa poésie allait son chemin en dehors des modes. Au contraire de ses contemporains, qui se plaisaient à exhiber leurs difficultés en tant que poètes, les siennes constituaient les fondations de son œuvre, sans jamais être apparentes dans son art.»

Dans la foulée de ce merveilleux Recueil collectif de recettes d’hiver, on (re)lira également avec bonheur trois de ses plus célèbres ouvrages, L’Iris sauvage (1992), Meadowlands (1996) et Averno (2006), réunis et réédités ces temps-ci en un seul volume par Gallimard. Une fois encore, comme le précise la traductrice Marie Olivier, le lyrisme de l’auteure, que l’on peut rapprocher d’«une traversée et (d’)une mise à l’épreuve du corps, celui du texte, mais aussi le nôtre, fait de chair et de sang», illumine toutes les pages. Avec Louise Glück, toutes les émotions humaines – simples, fugaces, profondes… – sont au rendez-vous.

Louise Glück, Recueil collectif de recettes d’hiver. Gallimard