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[Littérature] Jean-Christophe Grangé soigne son karma


Jean-Christophe Grangé. (photo Richard Dumas)

Encore aujourd’hui, près de trente ans plus tard, il n’en revient toujours pas d’avoir publié un livre sur le vol des cigognes. Et trois décennies, à 61 ans, il publie son dix-septième roman au joli titre, Rouge karma.

Né à deux pas de Paris, Jean-Christophe Grangé figure, après chaque sortie de livre, parmi les meilleurs vendeurs d’ouvrages en France. Le best-seller est devenu l’ordinaire chez cet auteur qui a débuté dans la vie active comme rédacteur publicitaire avant de devenir journaliste puis écrivain. La liste de ses succès donne le vertige : Les Rivières pourpres (1998), L’Empire des loups (2003), Miserere (2008), La Terre des morts (2018) ou encore Les Promises (2021).

À peine arrivé sur les rayons des librairies, Rouge karma figure tout en haut des tops des ventes ! Face à ce succès, avec le sourire, l’auteur glisse dans un long entretien au magazine Lire : «Je suis une espèce de rock star en Turquie. Vraiment ! Si je viens signer au salon du livre d’Istanbul, on le ferme parce que le lieu n’est plus rempli que par mes fans! On m’a exfiltré un jour d’une librairie, parce que les gens qui n’avaient pas encore leur dédicace ne voulaient plus partir. On m’a fait passer par le parking. Et ils m’attendaient à mon hôtel. Je ne m’explique pas ce phénomène.» Un regret, toutefois : l’auteur français n’a pas le succès qu’il souhaiterait au Japon, où il vit une bonne partie de l’année.

Dans Les Promises avec le Berlin des années 1930 et la montée du nazisme, Jean-Christophe Grangé avait fait un pas de côté et exploré, pour la première fois, un décor historique pour placer son histoire et son intrigue. Deux ans plus tard, il revient à la même méthode. En effet, avec Rouge karma, il ouvre son thriller sur Paris en plein Mai-1968. On y trouve Hervé Jouhandeau, historien de formation. Il «émergea de l’épais brouillard, pavé en main, à la manière d’un discobole. Dans ces moments-là, se comparer aux athlètes de l’Antiquité ne lui faisait pas peur. Les yeux brouillés de larmes, il vit, à moins de cent mètres, le mur des CRS. Casques à cimier, impers ceinturés, boucliers ressemblant à s’y méprendre à des couvercles de poubelles. S’arrêtant parmi les nappes de gaz lacrymogène, il se cambra, arma son bras puis plaça le pavé dans le creux de son épaule. Un héros du stade, on vous dit».

Mes livres laissent entendre que le mal à l’état naturel n’existe pas

Mais alors que Paris est à feu et à sang, que la Cinquième République vacille sur ses fondations, Hervé qui découvre le corps d’une jeune fille, une copine atrocement mutilée avec des morsures, dans une position de yoga. Il appelle la police, plus précisément Jean-Louis, son demi-frère, un flic socialiste et traumatisé par la guerre d’Algérie. Nicole se joint à Jean-Louis et Hervé pour l’enquête.  Pour les trois enquêteurs, mille et mille questions surgissent. Qui derrière ce crime ? Maos, hippies, yogis ? Le trio interroge, tâtonne, et bientôt trouve : le mobile des meurtres (car il y en a eu d’autres) est au bout du monde, en Inde.

De Calcutta à Bénarès, les aventuriers remontent alors le temps et l’espace, qui n’ont clairement pas la même signification qu’à Paris, tout comme la liberté et l’égalité d’ailleurs. Quelle ne sera pas leur stupéfaction quand, sur les bords du Gange, entre palais délabrés et corps morts qui brûlent, ils mettent à jour la vérité… À moins que celle-ci ne trouve toute sa cohérence à Rome, sous les dorures et la pourpre du Vatican… On leur avait promis le grand soir, ils «auraient pu être des enfants de leur siècle. Ils seront les enfants de leur propre karma. Un karma rouge sang, comme un cœur prêt à éclater», nous avait prévenus l’éditeur.

Maître du thriller influencé par Dashiell Hammett et Sébastien Japrisot, qui a ouvert l’espace littéraire à Maxime Chattam, Franck Thilliez ou encore Bernard Minier, Jean-Christophe Grangé se veut rassurant, malgré cette nouvelle enquête aussi sanglante que palpitante : «Mes livres peuvent sembler très noirs, mais il y a tout de même un fond d’optimisme, car ils laissent entendre que le mal à l’état naturel n’existe pas.» À la suite de ce thriller épicé, il avoue déjà travailler sur son dix-huitième polar : cette fois, il promènera son histoire dans les années 1980 cinglées par le sida.