Un paradoxe. Une hyperstar. Un mythe. Les superlatifs foisonnent… et pourtant, depuis une vingtaine d’années, le retrait de la vie publique.
Tout juste quelques apparitions, de loin en loin, à Londres ou à Marseille, avec sa petite famille. L’homme a vendu des albums de chansons par millions, et aujourd’hui encore, ce sont pas moins d’une centaine de passages par jour à la radio, ce qui lui assurerait, dit-on, un revenu annuel d’environ 2 millions d’euros!
Bien sûr, des tâcherons de la «fast bio» (sort de biographie écrite à la va-que-je-te-pousse, ni faite ni à faire) ont déjà œuvré sur le sujet mais les résultats furent pitoyables, on s’en doute. Alors, quand un historien de la trempe d’Ivan Jablonka prend à bras-le-corps le sujet, en l’occurrence le chanteur français Jean-Jacques Goldman, on passe dans d’autres sphères. Les plus hautes.
Après quelques livres de belle importance – entre autres, Histoire des grands-parents que je n’ai pas eus (2012), Laëtitia ou la fin des hommes (2016), En camping-car (2018) ou Un garçon comme vous et moi (2021), Ivan Jablonka, 49 ans, signe avec Goldman l’un des livres-évènements de la rentrée littéraire. Oui, voici un livre important qui, sur près de 400 pages et édité dans la belle collection «La Librairie du XXIe siècle», raconte une époque : les années 1980 qu’en France, on a appelées «les années fric».
C’étaient les années de l’avènement de la gauche au pouvoir avec l’élection de François Mitterrand en 1981 à la présidence de la République, de la libération des ondes et de l’explosion des radios libres… et aussi, en 1982, la première télévision d’un jeune homme de 20 ans : étudiant habitant la proche banlieue parisienne, veste grise, chemise blanche, cravate et jeans, Jean-Jacques Goldman est invité dans Champs-Élysées, l’émission du samedi soir en direct sur Antenne 2 et animée par Michel Drucker. Il est venu en scooter. Pétrifié par le trac, le jeune homme vient y interpréter une des chansons de son premier album, Il suffira d’un signe.
Goldman incarne une France qui était fière d’elle-même
En ouverture de son livre, pour mieux préciser sa méthode de travail, Ivan Jablonka cite l’historien et musicologue Henre-Irénée Marrou : «Je n’aborde pas la chanson populaire du dehors, « comme une chose », ainsi que le fait le savant; elle fait partie de ma culture et représente une valeur pour moi (…) Je cherche à mieux connaître la chanson populaire pour avoir des raisons de mieux l’aimer». Ivan Jablonka ne craint pas de glisser qu’il apprécie les chansons de Jean-Jacques Goldman – elles constituent une formidable matériau de réflexion et d’analyse sur une période de l’histoire de France et expliquent, à leur manière, une époque.
Le travail de l’historien peut, là, être rapproché de Mythologies, ce livre publié en 1957 dans lequel Roland Barthes évoque aussi bien le Tour de France cycliste que la photogénie électorale ou encore le vin et le lait, le plastique bourgeois, le strip-tease… Pour Ivan Jablonka, aucun doute : «Goldman incarne une France qui était fière d’elle-même». C’étaient nos années Goldman, même si, aujourd’hui, demeure une énigme : comment est-il possible qu’un artiste retiré des affaires peut-il être, depuis douze ans, la personnalité préférée des Français(es)?
Chanteur à succès populaires, il est le meilleur sujet pour une étude sociohistorique – son histoire personnelle, sa judéité, ses textes, ses engagements, sa popularité et son statut de star alors qu’il a toujours entretenu le vœu d’être antistar… Alors, Ivan Jablonka a plongé dans «l’archéologie d’une époque». Pour ce livre, il a contacté Jean-Jacques Goldman et son entourage pour les rencontrer, il n’a pas reçu de réponse. Et, définitif, il explique : «Pour faire de la chanson son vrai métier, Goldman a dû la transposer dans l’univers qui était le sien : artisan, populaire, français…». Loin des yeux, près du cœur.
Ivan Jablonka – « Goldman »
Seuil
j’ai grandi avec ses chansons écouté par la famille
je suis neutre sans avis a son sujet
je n’écoute pas personellement sa musique
je constate que l’article ne le fait pas
je tiens néamoins a signaler que Goldman est opposé a ce livre et le critique trés vivement
l’artiste vous invite a ne pas l’acheter