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L’huile de palme menace la survie des orangs-outans


À Bornéo, la population des orangs-outans a diminué de moitié en moins de vingt ans en raison de la destruction de leur habitat naturel. (Photo: AFP)

Il faut durcir les normes de certification de l’huile de palme durable, aujourd’hui trop « faibles », pour mieux protéger l’orang-outan, plaide Marc Ancrenaz, spécialiste de ce grand singe d’Asie en danger critique d’extinction.

Marc Ancrenaz est un vétérinaire français basé depuis 1998 à Sabah, l’un des deux Etats de Malaisie sur l’île de Bornéo, où il dirige l’ONG Hutan. Le nombre de ces primates a diminué de moitié depuis 1999 sur l’île de Bornéo, selon des chercheurs. Il en resterait entre 70 000 et 100 000. Deux autres espèces vivent sur l’île indonésienne de Sumatra et leur situation est aussi critique.

« Le déclin actuel des populations est beaucoup plus rapide que ce qu’on pensait », s’alarme Marc Ancrenaz. Les orangs-outans souffrent de la disparition de leur habitat naturel, la forêt, détruite pour laisser la place à des palmeraies ou des mines, et de la chasse. « L’orang-outan a besoin de la forêt pour survivre », explique le scientifique. Le singe passe en effet beaucoup de temps dans les arbres.

A Sabah, 28% du territoire est protégé et 75% des orangs-outans vivent dans ces territoires, rapporte Marc Ancrenaz. Mais « sur Bornéo on pense que 75% des populations actuelles vivent en dehors des aires protégées », constate-t-il. « Il faut aussi s’occuper de ces populations. » D’où la nécessité, selon le scientifique, de travailler avec l’industrie de l’huile de palme, malgré les critiques récurrentes d’ONG pour son rôle dans la déforestation massive en Indonésie et en Malaisie.

Selon le WWF, l’exploitation de cette huile, utilisée aussi bien dans l’agroalimentaire que dans les biocarburants ou les cosmétiques, serait responsable de 90% de la déforestation en Indonésie et en Malaisie. Ce chiffre est contesté par des chercheurs qui pointent du doigt d’autres activités agricoles.

«Etre pragmatique»
« J’essaye d’être pragmatique », reconnaît le primatologue. Il juge inefficace la création d’aires protégées isolées les unes des autres – « on créerait des zoos » – et illusoire de tabler sur un arrêt du développement agricole. « Tout n’est pas rose, quelques industriels jouent le jeu, certains n’en ont rien à faire, d’autres sont très mauvais », reconnaît-il. Mais certains « veulent faire avancer les choses ».

Une des clés est de renforcer les normes de certification de l’huile de palme « durable » de la RSPO (Table ronde pour une huile de palme durable). En 2004, producteurs, industriels, distributeurs et ONG ont créé cette association pour réduire l’impact sur l’environnement, épargner les forêts primaires ou encore respecter les droits des travailleurs et des communautés locales. Son ONG en fait partie depuis 2013, aux côtés de WWF ou encore Oxfam international.

Aujourd’hui, l’huile de palme ainsi certifiée représenterait 25% du marché, selon l’alliance française pour l’huile de palme durable, qui regroupe des industriels comme Ferrero, Unilever ou Nestlé. « Certains industrielsvont plus loin que la RSPO car aujourd’hui la RSPO, c’est trop faible », précise Marc Ancrenaz au sujet de ce label controversé.

Un pesticide interdit en Europe

« On essaye d’améliorer les critères RSPO » qui doivent être révisés en 2018, confirme une porte-parole de l’alliance française pour l’huile de palme durable. Cette norme par exemple n’interdit pas l’usage du pesticide paraquat, banni en Europe pour sa dangerosité. Le gouvernement indonésien, au contraire, pousserait l’Union européenne, qui consomme 80% de l’huile de palme durable, à abandonner l’application de normes environnementales strictes pour cette industrie.

Pour protéger les orangs-outans, Marc Ancrenaz plaide pour « des zones protégées reliées par des corridors » avec des zones tampons, couplées à des zones de forêts dispersées dans le paysage et dans les plantations pour permettre aux animaux de circuler. Il faut « authentifier les zones clés pour la biodiversité » et renforcer « le couvert forestier dans les plantations », souligne-t-il. « Dans l’idéal il faudrait au moins entre 10 et 20% de forêts dans les zones agricoles. Actuellement on est à 2%. »

Le Quotidien/AFP

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