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Les frères Boateng au théâtre : des banlieues de Berlin à la gloire mondiale


Nyamandi Mushayavanhu, Daniel Mandolini et Tamer Arslan (de g. à d.) interprètent les frères Boateng sur scène, à Berlin, dans la pièce Peng-Peng Boateng. (photo AFP)

Jérôme le champion exemplaire, Kevin-Prince le rebelle, George le rappeur : une pièce de théâtre créée à Berlin retrace la vie des trois frères Boateng, gamins germano-ghanéens sortis de quartiers mal famés de la capitale pour devenir, chacun à sa façon, stars et symboles d’une Allemagne multiculturelle.

Librement adaptée du livre d’un journaliste sportif, la pièce de théâtre Peng-Peng Boateng montre comment leurs caractères, beaucoup plus que leurs talents, ont forgé les destinées de ces trois hommes, demi-frères par leur père africain. Si la pièce s’était appelée Le Bon, la brute et le truand , Jérôme aurait été le bon, à coup sûr. Car c’est ce «petit», que l’on voit timide et effacé dans les premières scènes de son enfance, qui va devenir la star internationale, champion du monde de football avec l’Allemagne, multimillionnaire, récemment invité par la chancelière Angela Merkel, après avoir été attaqué par l’extrême droite pour sa couleur de peau.

« Les gens le trouvent bon comme footballeur. Mais ils ne veulent pas d’un Boateng comme voisin », avait lancé en juin un responsable du parti populiste AfD, suscitant une très vive réprobation en Allemagne. George et Kevin ont grandi à Wedding, une banlieue difficile de Berlin. Jérôme dans un quartier plus calme, Wilmersdorf. La vie les a forgés différents. « George est pour ainsi dire le « méchant » et Kevin est dur aussi », décrypte l’acteur Nyamandi Mushayavanhu (qui joue Jérôme sur scène), « mais ce n’est pas si simple, si l’on creuse un peu ».

Jérôme Boateng. (photo AFP)

Jérôme Boateng. (photo AFP)

Allemagne 1 Ghana 0

Dans une scène terrible qui l’oppose à Kevin, on voit Jérôme accepter la discipline de fer du football allemand, la souffrance de l’entraînement, les règles de vie draconiennes, pour gagner la confiance de l’entraîneur, avoir sa chance de joueur au plus haut niveau, et devenir international. Le personnage de Kevin en revanche, est sinon «la brute», du moins «le rebelle». « Ici, si on veut réussir, on devient soit dealer de drogue, soit footballeur » , dit le personnage au début de la pièce.

Exclu de l’équipe nationale allemande de foot des moins de 21  ans pour une sortie nocturne interdite, il se révolte, pleure, crie. Puis, incapable d’accepter la sanction, sourd aux suppliques de son frère, décide de ne plus jamais jouer pour son pays, et de porter le maillot du pays de son père, le Ghana, où il n’a jamais vécu. « L e personnage de Kevin est le plus intéressant », assure Tamer Aslan, qui l’incarne sur scène, « on voit vraiment en lui le battant, le vrai guerrier. Quoi qu’il arrive, il continue son chemin. L’Allemagne ne veut plus de moi? O.  K., eh bien, je jouerai pour le Ghana, mais je continuerai à jouer ».

Football… sans ballon

La pièce rappelle d’ailleurs cet épisode unique de l’histoire du football, lorsque Jérôme et Kevin sont devenus les premiers frères –  et à ce jour les seuls  – à jouer l’un contre l’autre un match de Coupe du monde, Allemagne-Ghana (1-0), lors du premier tour du Mondial-2010 en Afrique du Sud. Aujourd’hui, Jérôme est un pilier du Bayern Munich, l’un des plus grands clubs du monde, avec qui il a remporté tous les titres possibles du football.

Kevin-Prince joue lui pour la modeste équipe espagnole de Las Palmas, après une carrière beaucoup plus chaotique, marquée par sept changements de club en dix ans. George est moins connu. Aîné de la fratrie, il mène une honnête carrière de rappeur, mais il a connu la prison dans sa jeunesse («le truand»), à la suite d’une bagarre, et n’a jamais su se couler dans le moule pour réussir dans le football.

« George est le meilleur de nous trois sur le terrain », dit pourtant le jeune Jérôme, dans l’une des scènes de leur enfance. Question de caractère, de personnalité, encore. Malgré les tentatives de la metteur en scène Nicole Oder, l’équipe de Peng-Peng Boateng n’a pas réussi à rencontrer les trois frères, et les acteurs admettent qu’ils ont travaillé de façon libre sur leurs personnages. « Nous avons partiellement improvisé à partir du livre », confie ainsi Nicole Oder. « En fait, nous avons développé une sorte de docufiction. »

Durant la plus grande partie de l’histoire, les frères jouent au football. Sous la direction d’un danseur-chorégraphe, les acteurs réussissent une extraordinaire performance physique… sans ballon. « Nous avons choisi de traduire les gestes du football par la danse », dévoile encore la metteur en scène.

« Transcrire sur scène l’énergie physique du football était un immense défi pour nous », admet le chorégraphe Raphael Hillebrand. Mais sa création est très convaincante, avec une gestuelle harmonieuse qui évoque vraiment celle du football, y compris dans ses phases de « combat », et qui demande aux acteurs un énorme effort physique durant la pièce, qui dure… 90 minutes, évidemment.

Le Quotidien / AFP

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