Après avoir incarné la femme fantasmée dans Emmanuelle, l’actrice Noémie Merlant prend la caméra et dézingue le mâle toxique dans une comédie trash débridée.
Dans Les femmes au balcon, un trio explosif de femmes, emmené par l’actrice-réalisatrice Noémie Merlant, règle ses comptes avec le patriarcat dans un cocktail ébouriffant entre gore, drame et comédie. Ces trois amies et colocataires, incarnées par Souheila Yacoub, Sanda Codreanu et donc Noémie Merlant (qui en est à sa seconde réalisation après Mi iubita, mon amour en 2021), passent en mode tornade dans un Marseille caniculaire quand l’une d’elles croise un mâle toxique et agresseur.
Le patriarcat, qui prend différents visages dans cette fiction, peut dès lors compter ses abattis. Judith Godrèche, voix du mouvement #MeToo, avait salué, pendant le festival de Cannes où le film était présenté, un «geste libérateur». Ce long-métrage est un «mélange de plein de choses : à partir du mouvement #MeToo, ça a délié la parole, les prises de conscience, et c’est comme si mon regard avait changé sur la dynamique de cette société patriarcale, sur mon rôle là-dedans», éclaire Noémie Merlant.
«Plus de diktats»
L’actrice-réalisatrice a alors été prise d’une «sorte d’étouffement», qui frappe d’ailleurs un des personnages. «Il fallait que des choses sortent! Je me suis enfuie de chez moi, j’ai vécu chez Sanda et ses soeurs, dans un cocon libérateur : on parlait de nos traumatismes, viols, agressions plus ou moins fortes», déroule-t-elle pudiquement. «On en a parlé avec bienveillance, dans l’écoute, et avec un humour que Sanda a énormément dans la vie», poursuit Noémie Merlant, révélée dans Portrait de la jeune fille en feu, réalisé par Céline Sciamma.
Il fallait que des choses sortent!
Cette dernière a d’ailleurs participé à l’écriture, tout comme Sanda Codreanu (qui jouait déjà dans le premier long métrage de Noémie Merlant). Cet humour permet «de mettre à distance l’agresseur, de s’emparer du sujet, d’ouvrir un dialogue», développe la réalisatrice. «Et nos corps étaient libres, entre femmes. Il n’y avait pas de radars qui sexualisent, plus de diktats, tout se relâchait… J’avais envie de filmer ça». La liberté pour les femmes à disposer de leur corps traverse le film, de même que le droit à la pudeur : deux héroïnes se dénudent parfois, pas la troisième.
«Double peine»
L’action est débridée. «Il y a du gore, de la rage, de la violence, mais elles sont dans la défense, pas dans la vengeance, elles veulent juste stopper les agresseurs», analyse Noémie Merlant. «Le gore a ce côté cathartique qui permet, avec humour, d’explorer la violence et la vulgarité féminine. C’est là où le film est important». «On a l’habitude de la victime parfaite, qui n’est plus dans l’action. Elle est terrassée, ça arrive et on ne juge pas. Celle qui n’a plus de vie, on va la croire, mais c’est la double peine. Celle qui continue à se déshabiller, à faire l’amour, on ne la croit pas. On dit : « elle l’a bien cherché »», explique-t-elle.
Pour Noémie Merlant, c’était important de montrer ces femmes-là, «victimes mais toujours dans une dynamique qui donne de l’espoir, de la vie». «Je n’ai jamais été en rage ou en violence dans ma vie, je les ai mis dans le film. Je ne sais pas dire non dans la vie ou alors on ne m’entend pas dire non». Au moment où la réalisatrice commence à culpabiliser en interview, Souheila Yacoub (Dune II) la rassure : «Ce n’est pas toi qui fait mal, c’est le monde dans lequel on vit qui fait mal».
Une solidarité visible à l’écran dans le trio principal, porté par un beau souffle. «Ce qui transparaît est une forme de vérité. On était dans cette cohésion, cette sororité, sur et hors du plateau», avance Sanda Codreanu, qui connaît Noémie Merlant depuis plus de quinze ans. Le tandem a eu l’intelligence de laisser une grande place à Souheila Yacoub, nouvelle dans la bande. «J’ai retrouvé une liberté de jeu que je n’avais pas eue depuis longtemps». Ça se voit aussi à l’écran.
Les Femmes au balcon, de Noémie Merlant.