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Les dix meilleurs livres de la rentrée littéraire 2017


Au programme sont annoncés, pour ces mois de janvier et février 2017, pas moins de 517 titres francophones et étrangers. Parmi tous, Le Quotidien en a, cette semaine, retenu dix. Bonne lecture!

Deux livres marquent tout particulièrement ces nombreuses sorties : d’abord celui de la toujours mystérieuse auteur italienne Elena Ferrante, Celle qui fuit et celle qui reste (Gallimard), troisième volet de L’Amie prodigieuse. Ensuite celui d’Asli Erdogan, un recueil d’articles de cette romancière turque, libérée le 29 décembre 2016 après cinq mois de prison à Istanbul.

Toujours aussi intrigante…

490_0008_14712686_0106_ferranteAprès L’Amie prodigieuse et Le Nouveau Nom , voici donc Celle qui fuit et celle qui reste , le troisième et très attendu volume de la tétralogie de l’Italienne Elena Ferrante. Bien sûr, et ça remplit des pages et des pages, on ne sait toujours rien de l’identité véritable de celle (ou de celui) qui se cache derrière cette Elena Ferrante, mais est-ce là le plus important? Nombreux sont ceux qui préfèrent simplement lire les mots de l’Italienne – plus de cinq millions de livres vendus pour les deux premiers tomes de la saga napolitaine.

Dans Celle qui fuit et celle qui reste , on retrouve Elena et Lila. On rappelle qu’enfants des quartiers populaires de Naples, les deux ont passé un pacte, la beauté et la prestance pour Lila Cerrulo, l’ordinaire et le conformisme pour Elena Greco. Au début de Celle qui… , Elena boucle de belles études à Pise, fréquente le monde intellectuel des années 1970 et signe son premier roman autobiographique. Lila est restée «au pays», ouvrière dans une usine de salaison, harcelée par son patron. En deux décennies, le jeu social a bousculé le pacte qu’avaient scellé Elena et Lila. Une fois encore, Elena Ferrante mêle de façon étincelante deux histoires, l’intime de deux femmes et la politique d’un pays. Elle n’oublie pas de mettre également une bonne dose de romanesque dans cette saga familiale, tout en rappelant ce que découvrent Elena et Lila : «La liberté n’est jamais acquise pour une femme…»

Celle qui fuit et celle qui reste , d’Elena Ferrante. Gallimard.

Erdogan contre Erdogan

490_0008_14712685_0106_erdoganUn livre-événement. Un recueil de vingt-sept textes réunis sous le titre Le silence même n’est plus à toi , emprunté au poète grec Georges Séferis, prix Nobel de littérature 1963. L’auteur turque, Asli Erdogan, est sortie de prison le 29 décembre dernier – elle est en liberté conditionnelle dans l’attente de son procès d’ici la fin de ce mois de janvier. Ce qui lui est reproché? Son soutien au PKK, le Parti kurde, considéré terroriste par le régime d’Ankara.

Un soutien évident aux yeux du président Erdogan (aucun lien de parenté avec l’écrivain) puisque Asli Erdogan écrit, depuis une dizaine d’années, des chroniques dans Özgün Güden , un quotidien soutenant les revendications kurdes et dont la justice turque a ordonné la fermeture et l’arrestation des collaborateurs pour «appartenance à une organisation terroriste». Les vingt-sept textes retenus devaient paraître réunis en un recueil avant le procès – l’éditeur turc y a renoncé.

L’éditeur français Actes Sud a maintenu la parution. Dès lors, le livre d’Asli Erdogan prend aussi une valeur de document. Avec des mots tout aussi forts que fulgurants. Avec des pages aux allures de témoignages d’un quotidien, d’une vie qui vont d’oppression en répression. Le silence même n’est plus à toi n’est pas le livre d’une combattante infatigable, il est aussi le livre d’un grand et indispensable écrivain.

Le silence même n’est plus à toi , d’Asli Erdogan. Actes Sud.

Devoir de mémoire

490_0008_14712695_0106_barraud« Aider les vivants, libérer les morts », voilà ce qui a poussé la comédienne Marie Barraud à écrire son premier roman, Nous, les passeurs . Elle dit aussi  : « J’ai pensé que je devais le faire pour apaiser mon père. Ces mots, c’est moi qu’ils ont libérée .» Pendant des mois, à l’issue d’un voyage en mer Baltique avec son frère Benjamin, elle a enquêté sur ce grand-père dont qu’elle n’a pas connu. Cet homme médecin, disparu à la fin de la Seconde Guerre mondiale lors du bombardement du paquebot Cap Arcona par l’aviation britannique. Durant le conflit, Albert Barraud s’était engagé dans la Résistance, fut arrêté par les Allemands et fait prisonnier. Dans le camp, il protégea les autres prisonniers. «Seuls ne meurent vraiment que ceux que l’on oublie», écrit Marie Barraud qui, asigne le roman de la mémoire, de la transmission.

Nous, les passeurs , de Marie Barraud. Robert Laffont.

En quête d’Eldorado

490_0008_14712701_0106_pierredahomeyUn des beaux et prometteurs premiers romans de cette rentrée d’hiver. L’auteur? Néhémy Pierre-Dahomey, 30  ans, né à Port-au-Prince (Haïti) et installé depuis quatre ans à Paris où il poursuit des études de philosophie. Rapatriés , son roman sur le destin des boat people d’Haïti, « symbolise un début et un aboutissement », confie-t-il.

En ouverture : «Belli marchait, vaillante et décidée, sur ce sentier aussi simple qu’un calvaire.» Belli, c’est Belliqueuse Louissaint, jeune Haïtienne qui tente une traversée clandestine de son pays vers les États-Unis. Elle n’y arrivera pas, reviendra au pays, fera adopter ses deux filles –  Luciole, qui disparaît en Amérique du Nord, et Bélial qui rejoint la France. Quelques années plus tard, l’une des deux revient en Haïti mais doit, lors des retrouvailles, affronter l’ultime exil de sa mère…

Rapatriés , de Néhémy Pierre-Dahomey. Seuil.

Le feu d’une vie

490_0008_14712698_0106_ferey«Personne ne m’attendait mais j’étais prêt à remonter sur le ring pour casser la gueule du destin. C’est ce qu’on se dit quand on se bat contre soi-même.» Des mots extraits de Pourvu que ça brûle de Caryl Férey. On le connaît bien pour ses best-sellers ( Haka , Utu , Zulu , Mapuche ou encore Condor ). À 49 ans, l’auteur de thrillers impeccables et imparables fait une pause et rédige un texte autobiographique.

Ça donne un carnet de route furieusement rock’n’roll avec étapes en Nouvelle-Zélande, en Australie, en Indonésie, au Chili ou encore aux États-Unis. Un carnet où il raconte ses voyages et expériences qui, depuis presque trente ans, donnent de la matière à ses livres. Un carnet follement électrique dans lequel Caryl Férey rappelle, joliment, qu’«au-dessus du gouffre, la vie ne tient qu’à un fil». Qu’importe! Pourvu que ça brûle…

Pourvu que ça brûle , de Caryl Férey. Albin Michel.

Sacré scénario à Tahiti!

490_0008_14712694_0106_akrichElle est née à Paris, de parents polynésien et tunisien, a vécu son adolescence à Tahiti, étudié la littérature à Paris, travaillé à New York sur un scénario avec Jerry Schatzberg, publié un premier roman – Un mot sur Irène (2015)…  À tout juste 30  ans, Anne Akrich est de retour avec un second roman, Il faut se méfier des hommes nus . Un livre qui a tout pour se retrouver parmi les meilleures ventes de cette année nouvelle.

Il y a d’abord le décor : Tahiti (loin, bien loin des cartes postales idylliques de l’office du tourisme), Marlon Brando bien sûr, et aussi Cheyenne, une jeune femme qui revient à Tahiti, où elle a vécu, pour écrire un scénario sur le grand acteur américain et où elle va aller de mauvaise surprise en mauvaise surprise. On y ajoute un acteur qui doit jouer Brando et qui fait sa diva, des producteurs qui veulent changer la fin du scénario de Cheyenne… et tout ça (et tant d’autres choses encore) donne un délicieux roman remarquablement rythmé, furieusement cinéphile.

Il faut se méfier des hommes nus , d’Anne Akrich. Julliard. Bourgois.

Lucia Berlin sans ménage

490_0008_14712697_0106_berlinUn hebdomadaire américain est catégorique : «Lucia Berlin est le meilleur écrivain dont vous n’avez jamais entendu parler.» C’était vrai jusqu’alors – c’en est fini avec la parution de Manuel à l’usage des femmes de ménage , un recueil de quarante-trois nouvelles courant sur plus de 500 pages. C’est âpre, c’est poignant, et ce Manuel prouve que Lucia Berlin (1936-2004), morte en solitaire dans un mobile home à 68 ans, est certainement l’une des meilleures nouvellistes de la littérature américaine. Dans ses mots, résonne une parentèle avec Raymond Carver ou encore Alice Munro.

Dans ce recueil posthume, Lucia Berlin raconte son destin, ses vies multiples (ses trois divorces, ses quatre enfants, ses jobs de secrétaire médicale, standardiste, femme de ménage ou encore professeur…). C’est beau, oui, quand elle écrit, par exemple : «Il y avait de la panique dans mes yeux. Je les ai sondés, avant d’en revenir à mes mains. (…) J’y voyais des enfants, des hommes et des jardins.»

Manuel à l’usage des femmes de ménage , de Lucia Berlin. Grasset.

En compagnie de John Lennon

490_0008_14712696_0106_barryMai 1978, John Lennon décide de voyager incognito jusqu’à l’île de Dorinish (dont il est le propriétaire), au large de la côte ouest irlandaise. À l’époque, côté cœur, avec Yoko Ono, ça va mieux, mais il y a énormément de choses qui ne fonctionnent pas chez l’ex-Beatle (panne d’inspiration, lassitude du tourbillon de cette vie qu’il mène depuis 1961…). Il part donc pour son île où il va pousser un cri rédempteur, le fameux «cri primal» que lui a enseigné le psychologue américain Arthur Janov.

Et voilà Lennon embarqué dans un voyage improbable, tout imaginé par l’écrivain irlandais Kevin Barry qui, avec L’œuf de Lennon , signe son second roman. Dans les mots de l’écrivain, il y a ce qui était la marque de fabrique de Lennon : le magnétisme, l’hypnotisme. L’écriture est délicatement stylisée, au service d’une prose riche, d’une poésie puissante, d’une imagination débordante, d’un humour joliment irlandais…

L’Œuf de Lennon , de Kevin Barry. Buchet-Chastel.

Sur les traces d’un «salopard»

490_0008_14712699_0106_israelElle est scénariste et réalisatrice. Elle est aussi romancière. En cette rentrée d’hiver, Barbara Israël publie donc son quatrième roman, Saint Salopard , titre aussi joli qu’énigmatique. Un roman d’intelligence et de grâce, un texte dans lequel, souvent, la bassesse est portée à son niveau d’excellence.

Après Pop Heart , Miss Saturne et Nos vies rêvées , l’auteur née à Nice et vivant à Paris s’intéresse à Maurice Sachs, écrivain français qui eut son quart d’heure de célébrité dans les années 1920 et qui mourut dans des conditions toujours pas élucidées à Hambourg en avril 1945, sûrement abattu d’une balle dans la tête par un SS. Maligne, Barbara Israël imagine ce «saint Salopard» écrivant des lettres de l’au-delà à ses parents, à Jean Cocteau (qu’il a abusé et volé), à la romancière Violette Leduc, à Coco Chanel, au grand poète Max Jacob et à quelques autres qui lui répondent. C’est lyrique, cynique, mesquin, bas… Bref, un grand roman épistolaire!

Saint Salopard , de Barbara Israël. Flammarion.

Les années 80 vues du balcon

490_0008_14712700_0106_murphyJournaliste au New York Times , Tim Murphy suit depuis de longues années la politique, la culture et les questions LGBT (personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres). Romancier, il est comparé outre-Atlantique à Tom Wolfe, Donna Tartt ( Le Chardonneret ) ou encore Garth Risk Hallberg ( City on Fire ).

Pour la première fois, il est traduit en français avec L’immeuble Christodora – pas moins de 450 pages pour un roman kaléidoscopique. Dans Greenwich Village, à New York, un vieux building. Y vivent quelques personnes un peu bohèmes, pas vraiment bourgeoises, même si l’embourgeoisement pointe le bout de son nez dans le quartier.

Murphy a écrit la saga du New York des années 1980 (les années sida) et de demain, avec son lot de hipsters. C’est furieusement social, follement épique, flottant dans une ville en permanente évolution entre le poids du passé et l’espoir du lendemain…

L’Immeuble Christodora , de Tim Murphy. Plon.

Serge Bressan

2 plusieurs commentaires

  1. Oui, mais vous pourriez aussi ajouter sans soucis par exemple Peggy dans les phares de Marie-Ève Lacasse et La Vie magnifique de Frank Dragon, de Stéphane Arfi. Et aussi Nous, les passeurs , de Marie Barraud.

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