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L’économiste français Thomas Piketty appelle à écouter la gauche radicale


Aux yeux de Thomas Piketty, la solution se trouve dans la "gauche dite radicale", expression qui regroupe dans sa bouche le parti grec Syriza, l'espagnol Podemos ou encore Bernie Sanders. (photo AFP)

L’économiste français Thomas Piketty, auteur du best-seller mondial « Le Capital au 21ème siècle », a appelé à écouter les propositions de la gauche radicale, face à la poussée du populisme et de la xénophobie qu’incarnent selon lui Donald Trump ou Marine Le Pen.

piketty2« Donald Trump? C’est la réponse nationaliste et raciste au défi de la mondialisation », déplore M. Piketty dans un entretien accordé à l’AFP à l’occasion de la parution de son nouveau livre « Aux urnes, citoyens! ».

Cette « réponse consiste à désigner des boucs-émissaires parmi les travailleurs émigrés ou les musulmans. C’est Trump aux Etats-Unis, c’est Marine Le Pen en France. On la retrouve en Hongrie ou encore en Pologne », ajoute l’économiste.

A ses yeux, la solution se trouve de l’autre côté de l’échiquier politique, portée par la « gauche dite radicale », expression qui regroupe dans sa bouche le parti grec Syriza, l’espagnol Podemos ou encore Bernie Sanders, qui a tenu tête à Hillary Clinton lors des primaires démocrates aux Etats-Unis.

« On a voulu repousser les propositions de la gauche dite radicale. Eh bien voilà, on se retrouve avec la droite nationaliste et populiste », dit-il, appelant les dirigeants européens à cesser « de mettre un signe égal entre ces différentes réactions à la mondialisation ».

Pour lui, « la grande différence entre la gauche radicale et la droite populiste et xénophobe est que la gauche radicale est fondamentalement internationaliste ».

Son livre retrace notamment les échecs de la politique européenne depuis le début de la crise.

L’économiste dénonce les règles « absurdes » et « trop rigides » du pacte de stabilité européen, comme la limite de 3% de déficit public, « qui ont contourné la démocratie et cassé la croissance en 2012-2013 ».

Il regrette le « dialogue de sourds dans la zone euro entre, d’un côté, le statu-quo actuel et complet (…) et de l’autre ceux qui veulent tout envoyer promener. C’est entre les deux que l’on a besoin de cet espace de débat », assure-t-il.

L’économiste plaide pour une Europe plus démocratique. Il se dit « persuadé que l’on aurait (alors) eu moins d’austérité, plus de croissance et moins de chômage ».

Il propose notamment un parlement européen avec une représentation basée sur la population de chaque pays.

L’Allemagne aurait alors 27% de députés, qui ne seraient pas tous partisans de la politique économique d’Angela Merkel et dfe son « dogmatique » ministre des Finances.

« Nous sortirions enfin de l’affrontement Etat contre Etat » lors des réunions de l’eurogroupe pour donner lieu « à un affrontement d’idées » public au sein du parlement.

Le Quotidien / AFP

« Aux urnes citoyens! », Thomas Piketty, aux éditions Les Liens qui libèrent (LLL).

Pour Piketty, la France a eu un comportement « égoïste » en 2012

L’économiste français Thomas Piketty a regretté l’incapacité de la France à renégocier en profondeur en 2012 le traité de stabilité budgétaire européen, y voyant un comportement « égoïste » du gouvernement français.

La France a raté le coche en 2012 lors de l’arrivée à l’Elysée de François Hollande, a dit M. Piketty. « C’est dommage parce que l’Italie, l’Espagne et d’autres pays de la zone euro, attendaient la France » à ce moment-là. Or, elle a eu un comportement « égoïste », dénonce-t-il.

M. Hollande avait promis, lors de la campagne pour l’élection présidentielle, de renégocier ce texte voulu par l’Allemagne et par son prédécesseur à l’Elysée, Nicolas Sarkozy. Il s’était rallié à ce texte visant à renforcer la discipline budgétaire dans la zone euro après l’ajout d’un volet « croissance » de 120 milliards d’euros.

La France « s’est dit qu’elle était du bon côté de la barrière avec des taux d’intérêts très bas, proches de 0% comme l’Allemagne. Et tant pis pour l’Italie et l’Espagne », relate l’économiste. « Sauf que c’est un choix égoïste pour lesquels il y a une responsabilité historique très forte des dirigeants français et allemands », prévient-il.

Il dénonce les règles « absurdes » du Pacte de stabilité, ses « règles automatiques trop rigides », comme le 3% de déficit public, « qui ont contourné la démocratie et cassé la croissance en 2012-2013 ».

Il qualifie de « grande erreur » de la part de l’Allemagne, « soutenue par la France », « d’avoir humilié Syriza et Alexis Tsipras en Grèce l’an dernier pour éviter qu’ils fassent des émules », ailleurs en Europe, notamment en Espagne où Podemos gagnait du terrain à ce moment-là.

« Oui, ça a marché: l’Espagne est aujourd’hui ingouvernable », ironise M. Piketty, regrettant que les propositions de gauche aient été ainsi « balayées ».

Dans cette situation, M. Piketty, qui se déclare partisan de l’euro, plaide pour une Europe plus démocratique. « Je suis persuadé que l’on aurait eu moins d’austérité, plus de croissance et moins de chômage, si on avait eu une démocratisation de la zone euro plus tôt », assure-t-il.

« Souvent, on dit que les dirigeants ne sont pas à la hauteur, mais le problème c’est que ce sont les institutions qui sont mauvaises », dit-il, proposant notamment un parlement européen avec une représentation basée sur la population de chaque pays.

L’Allemagne aurait alors 27% de députés, qui ne seraient pas tous partisans de la politique économique d’Angela Merkel et de son « dogmatique » ministre des Finances, Wolfgang Schäuble. Pour l’économiste, les autres pays pourraient prendre alors des décisions à la majorité simple.