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Le Pompidou-Metz au quotidien en BD


L'ancien libraire du Pompidou sort une BD pour raconter son quotidien au musée d'une façon décalée (Dessin : Charlie Zanello)

Durant six années passées en tant que libraire au Centre Pompidou-Metz, Charlie Zanello a collecté des anecdotes humoristiques de son quotidien dans ce musée d’Art contemporain.

Depuis l’inauguration du musée au printemps 2010, l’auteur, qui se présente sous les traits d’un personnage «naïf et glandeur», a erré dans les couloirs de l’institution, fréquenté artistes, commissaires, touristes, personnes égarées et autres amateurs d’art. Il dresse un portrait humoristique de ce haut lieu culturel et du métier, difficile, de libraire.

Comment en êtes-vous arrivé à réaliser cet ouvrage?
Charlie Zanello : J’ai une manie, celle de prendre des notes et faire des dessins durant mon temps de travail. D’ailleurs, je me faisais régulièrement engueuler pour ça (il rit). Je n’avais aucune idée derrière la tête. À l’époque, ça me nourrissait pour d’éventuelles idées de gags chez Fluide glacial, rien de plus. Seulement, après six ans passés au Centre Pompidou-Metz, j’ai remarqué que j’avais beaucoup de matière, un tas d’anecdotes, que j’ai finalement rassemblées pour en faire un récit. En tout cas, il n’y avait rien de prémédité là-dedans.
Que cherchiez-vous avec cet ouvrage? Poser le regard du salarié un peu détaché, glandeur et gaffeur, sur ce haut lieu culturel?
Disons que j’avais le cul entre deux chaises : j’étais autant en contact avec le public qu’avec les représentants de l’institution, et le tout, sans être reconnu, ni par l’un ni par l’autre… C’est ce décalage-là que je voulais révéler à travers ce personnage, ce mec naïf, glandeur, curieux mais souvent à côté de la plaque. L’idée reste de parler d’art, de musée, mais avec un regard transversal.

L’art traîne avec lui un côté pompeux pas très engageant

Cette expérience vous a-t-elle conforté dans l’idée que vous aviez de l’art contemporain?
À mes yeux, l’art contemporain ne veut pas dire grand-chose, mais oui, j’aime la création, l’acte de réaliser quelque chose. Dès qu’il y avait une nouvelle exposition, j’étais toujours très intéressé. D’ailleurs, comme je pouvais assister à la mise en place des créations, à l’instar de celles de Kawamata, il n’était pas rare que je préfère cette étape de réalisation que le résultat final… Ce n’est pas très sympathique ce que je dis, sûrement, mais l’art draine avec lui un côté pompeux pas très engageant.
Est-ce un écho que vous avez régulièrement entendu du public?
C’est aussi ce qui m’a motivé à faire ce livre. Il y a en effet peu d’espace consacré aux visiteurs pour qu’ils expriment ce qu’ils ont ressenti durant l’exposition. Du coup, à la librairie, on était les premiers interlocuteurs du public qui, quand il a quelque chose à dire, c’est souvent pour râler… Bref, c’est sur nous que ça retombait (il rit). Des réactions qui en disent souvent plus sur les expositions que les discours lisses et officiels…
Pensez-vous à une exposition en particulier?
Oui, celle du FRAC Lorraine! Sur le papier, je trouvais ça marrant d’aller découvrir des œuvres d’art dans le noir. Par contre, ça a rendu le public agressif! Il se plaignait de ne rien voir, de n’être pas à l’aise… De plus, il n’y avait jamais de pile dans les lampes de poche! Le mec dans la BD qui crie : « Voilà où nous mène l’art contemporain : dans l’obscurité et l’ignorance », on l’a vécu. Ça me semble important de montrer ce point de vue.
D’ailleurs, parmi toutes ces anecdotes, où s’arrête la réalité et où débute la fiction?
Toutes les histoires compilées dans Dedans le Centre Pompidou-Metz se basent sur une part de vérité, comme une phrase ou une situation vécue… Après, c’est plus ou moins extrapolé. Il y a des choses racontées telles quelles car suffisamment surréalistes pour ne pas avoir besoin de forcer le trait. D’autres sont un peu plus exagérées.
Si dans votre ouvrage les œuvres sont en couleur, le reste est gris-beige. Est-ce pour exprimer une forme de morosité au quotidien?
D’abord, c’était pour marquer le décalage entre l’art et le quotidien. Ensuite, avec cet aspect « carton », il y avait, chez moi, une envie de faire un clin d’œil à l’architecture de Shigeru Ban et aux livres, forcément. Enfin, et c’est vrai, dans ce genre d’institution assez ronflante – où pour changer une ampoule ou peindre un mur, il faut faire une demande en six exemplaires à un illustre inconnu – on doit trouver des petits trucs pour essayer de rendre le quotidien moins ennuyeux.
Le Centre Pompidou-Metz s’est-il manifesté de quelque manière que ce soit par rapport à votre BD?
Il a été contacté assez tôt car il y avait des autorisations à demander par rapport aux œuvres d’art, de l’architecture et même du nom « Centre Pompidou », qui est en réalité une marque. Mais c’est l’éditeur qui s’est chargé de cela. Disons que tout le monde nous a laissé faire, même si les contacts n’ont pas été ultra-enthousiastes. Au final, je ne sais pas vraiment ce qu’ils en ont pensé, même si j’ai été autorisé à faire des dédicaces dans la librairie du musée. Certains livres étaient réservés à des membres « haut placés » du Centre Pompidou-Metz, mais ni Emma Lavigne ni Laurent Le Bon n’ont réclamé leur exemplaire… Dommage.
Comptez-vous vous faire embaucher par le Mudam? Il y aurait aussi des choses à raconter…
(Il rigole) Ce que je raconte n’est, en effet, pas forcément propre au Centre Pompidou-Metz, mais aux grosses institutions, avec de forts enjeux financiers, politiques. Ça pourrait effectivement se passer au Mudam, au Louvre Lens ou ailleurs.

Entretien avec Grégory Cimatti

Dedans le centre Pompidou-Metz,  de Charlie Zanello. Éd. Dargaud.

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