En plein débat sur le Brexit, une toile du street artiste Banksy représentant le Parlement britannique peuplé de singes a été adjugée 9,9 millions de livres (11,1 millions d’euros) jeudi soir à Londres, une enchère record pour l’artiste britannique qui a pulvérisé l’estimation.
Le précédent record pour une œuvre de Banksy, dont la véritable identité reste un mystère, était de 1,87 million de dollars (1,7 million d’euros), en 2008 à New York. « Prix record pour une peinture de Banksy atteint ce soir. Dommage elle ne m’appartenait plus », a réagi l’artiste sur Instagram. Il l’avait vendu en 2011 à celui qui s’en est séparé jeudi.
La toile, de 2,50 m par 4,2 m sans son cadre, était estimée entre 1,5 et deux millions de livres sterling (entre 1,7 et 2,25 millions d’euros). Elle a été adjugée après 13 minutes « d’enchères disputées » où « dix collectionneurs » ont fait s’envoler le prix, a indiqué Sotheby’s. L’identité de l’acquéreur n’a pas été divulguée.
Cette peinture dystopienne met en scène des chimpanzés assis sur les banquettes vertes de la Chambre des communes, en lieu et place des députés britanniques. La vente est survenue à moins d’un mois de la date prévue du Brexit, le 31 octobre, dans un pays toujours très divisé, plus de trois ans après le référendum de juin 2016 décidant du divorce avec l’Union européenne. La semaine dernière, la Chambre des communes a été le lieu d’échanges particulièrement vifs entre le Premier ministre conservateur Boris Johnson et les députés de l’opposition, du jamais vu en 22 ans, selon le président de la chambre basse.
Œuvre très politique
« Il n’y a jamais eu de meilleur moment pour mettre en vente ce tableau », avait déclaré lors de la présentation de l’œuvre Alex Branczik, chef du département d’art contemporain Europe de Sotheby’s, qualifiant de « feuilleton quotidien » les scènes de ces derniers mois et semaines au Parlement. Pour lui, l’œuvre de Banksy souligne « la régression de la plus ancienne démocratie parlementaire du monde dans une attitude tribale et animale ».
Le tableau avait à l’origine été exposé en 2009 au musée de Bristol, d’où Banksy est originaire. Mais cette année, l’artiste né ou née en 1973, a « de nouveau exposé l’œuvre pour coïncider avec la date du Brexit, prévue initialement le 29 mars 2019, 10 ans après sa première exposition », a expliqué Alex Branczik. L’exposition a attiré 300 000 visiteurs. « Je pense qu’il n’y a aucun doute quant à ses opinions politiques mais le vrai génie de Banksy est sa capacité à réduire cet incroyable débat complexe à une seule, simple image », a observé l’expert de Sotheby’s.
Auparavant baptisé Question Time (« La séance des questions »), en référence à la séance hebdomadaire des questions au Premier ministre, le tableau a été retravaillé par l’artiste, qui a notamment changé le sens de la banane de l’un des chimpanzés. Le tableau a été rebaptisé par dérision Devolved Parliament (« Parlement dévolu »). Ce titre fait référence à la dévolution des pouvoirs au Royaume-Uni qui attribue des compétences du Parlement de Westminster – comme l’éducation, les transports ou la santé -, à des assemblées régionales (Écosse, Irlande du Nord et Pays de Galles).
En remplaçant les députés par des primates, Banksy présente sa propre théorie de l’évolution parlementaire.
LQ/AFP