Violons, trompettes, harpe et violoncelle émaillent les toiles de Marc Chagall, témoignant de l’importance de la musique dans son art, aux côtés de la danse et du cirque, dans un imaginaire foisonnant auquel la Philharmonie de Paris rend hommage avec une exposition du 13 octobre au 31 janvier. Quelques repères :
Le violon de l’enfance
Que de violons dans les toiles de Chagall! L’instrument fait partie de son histoire familiale: il nait en juillet 1887 dans une famille juive hassidique de Vitebsk au Bélarus, son frère joue de la mandoline et son oncle du violon. Dans la tradition hassidique – un courant prônant le renouveau du judaïsme – musique, danse et transe sont des voies d’accès au divin. Certaines figures de sa jeunesse vont s’ériger en archétypes et peupler ses toiles, ainsi le festif orchestre klezmer (tradition musicale des juifs ashkénazes), l’oiseau, symbole d’inspiration, ou le violoniste, qui figure le juif errant.
Le plafond de l’Opéra de Paris
L’exposition débute par une salle entière dédiée au plafond de l’Opéra Garnier commandé en 1963 par le ministre de la Culture André Malraux, et remonte ensuite le temps vers les années de jeunesse à Vitebsk. Une chronologie inversée qui peut dérouter, mais qui s’explique par la hauteur de plafond nécessaire pour projeter un film exceptionnel: grâce à un drone, les moindres détails du plafond de l’Opéra ont été numérisés en haute définition par Google. Montées en travelling, les images zooment sur la toile peinte en hommage à 14 compositeurs, avec la musique correspondante: Carmen pour Bizet, La Flûte enchantée pour Mozart etc.
Le plafond, qui recouvre l’oeuvre d’origine du peintre Jules-Eugène Lenepveu, avait déclenché une belle polémique à l’époque, et Malraux avait dû consentir à ce que l’oeuvre soit démontable, raconte le directeur du Musée de la musique Eric de Visscher.
Décors et costumes
Chagall a fabriqué de nombreux décors et costumes pour l’opéra, et parmi les 270 oeuvres exposées, plusieurs dizaines sont des costumes somptueux prêtés par le Metropolitan Opera de New York («L’Oiseau de feu», «La Flûte enchantée»), l’Opéra de Paris («Daphnis et Chloé») et des collections particulières.
Cirque
Le cirque, comme métaphore du monde, est un thème récurrent de l’oeuvre de Chagall, qu’il s’agisse du magnifique tableau «Commedia dell’arte» prêté par le Théâtre de Francfort pour l’exposition, du «Cirque bleu» ou du «Nu mauve», une toile étonnante où le peintre a mêlé du sable à l’huile comme liant pour obtenir un aspect rugueux et «crissant».
Coq, chèvre, cheval à tête d’homme
Les animaux, auquel Chagall prête des caractéristique humaines, sont légion dans les toiles de Chagall: un anthropomorphisme qui prend racine dans la tradition juive hassidique. Le visiteur fera un détour par l’atelier des enfants, «La petite boîte à Chagall» pour jouer avec un écran qui transforme la figure humaine en animal lorsqu’on s’approche.
«Je cherche un grand mur»
Dans les années 60, Chagall se consacre à la réalisation de grands projets décoratifs. Dans un geste de réconciliation, lui, le juif qui avait dû quitter la France occupée pour New York réalise un grand panneau pour le foyer du Théâtre de Francfort, «Commedia dell’arte».
A New York, il réalise deux immenses panneaux en 1966 pour le Lincoln Center, «Le Triomphe de la musique» et «Les sources», qui donnent leur nom aux deux expositions organisées en parallèle cet automne, à la Philharmonie et à la Piscine de Roubaix (24 octobre au 31 janvier).
La boîte à Chagall
L’exposition se clôt sur les panneaux décoratifs réalisés par Chagall en 1920 pour le Théâtre d’Art juif de Moscou, à l’époque un instrument d’affirmation de la culture yiddish en Russie. Les décors, surnommés «la boîte à Chagall», sont un hymne coloré à la danse, la musique et la culture yiddish. Ils ont échappé miraculeusement à la terreur stalinienne, entrant en 1949 sous un titre erroné dans les collections de la Galerie nationale Tretiakov de Moscou.
AFP/M.R.