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Le metal rugit à la Philharmonie de Paris


Le groupe ukrainien Jinjer, mené par Tatiana Shmayluk, représente une tendance du genre à mettre en avant les femmes, y compris dans les branches les plus extrêmes du metal. (Photo : afp)

Le metal pose ses bottes cloutées et ses gros riffs à la Philharmonie de Paris via une exposition évènement, entre instruments emblématiques et œuvres d’art, parmi 500 objets présentés au public.

Depuis sa genèse, il y a près de cinquante ans», le metal «résiste à toute institutionnalisation, mais le nombre de ses adeptes ne faiblit pas» : l’observation est donnée par un carton explicatif à l’entrée de l’exposition dédiée au genre musical, inaugurée vendredi à la Philharmonie de Paris. Pour commencer, un incontournable et une surprise. Sous une vitrine, il y a la guitare iconique de Tony Iommi, de Black Sabbath. Ce groupe anglais formé à Birmingham en 1968 est la matrice de ce genre musical. Et juste à côté, une sculpture d’Auguste Rodin, L’Éternelle Idole, version en plâtre patiné (1889) prêtée par le musée Rodin de Paris. La formation menée par Ozzy Osbourne s’en est inspirée, avec deux acteurs posant d’après l’œuvre, aux corps peints couleur bronze, pour la pochette de The Eternal Idol (1987).

L’exposition traverse ainsi les passerelles entre le metal et d’autres univers. Qu’ils soient classiques, comme ces pochettes inspirées de tableaux des peintres Jérôme Bosch ou Goya, ou tendance science-fiction, avec Hans Ruedi Giger, créateur des monstres du film Alien (Ridley Scott, 1979). «Le chanteur de Korn lui a commandé un pied de micro», précise l’historien de l’art Milan Garcin, un des commissaires de l’exposition. L’artiste suisse, mort en 2014, a régulièrement réalisé des pochettes d’albums pour des groupes de metal, des Américains de Danzig à ses compatriotes de Triptykon. Sont aussi exposées la guillotine de scène d’Alice Cooper et la célèbre basse-hache de Gene Simmons, du groupe Kiss, parmi les 500 objets présentés.

L’exposition se nomme «Metal, Diabolus in musica», clin d’œil à l’imagerie sataniste véhiculée (et à un album du groupe Slayer). «À la fin des années 1960, en Angleterre ou aux États-Unis, la société est très marquée par la religion, le christianisme, c’est une chape de plomb sur les mœurs et le metal, en opposition, cherche à échapper à ces contraintes», analyse Milan Garcin. Références à l’apocalypse et provocations abondent. Le leader du groupe Behemoth apparaît en antéchrist, tenant entre ses mains un christ en croix miniature reconverti en lance-pierre.

Femmes et pop culture

L’exposition déroule aussi les fils des différentes familles du metal. Son catalogue, coédité par la Philharmonie et Gründ, évoque même le «funk metal» du groupe afro-américain Living Colour. Les visiteurs néophytes découvriront le metal symphonique. Une frange où les chanteuses furent mises en avant. «C’est bien, mais ça ne doit pas occulter les femmes au premier plan dans le death, le hardcore, le black», des branches dites extrêmes, énumère Corentin Charbonnier, docteur en anthropologie, chercheur sur la musique metal, également commissaire de l’exposition. Jinjer, groupe ukrainien du label Napalm Records, est ainsi mené par Tatiana Shmayluk : une vidéo «live» du groupe défile sur un grand écran aux allures de vitraux de cathédrale.

Le metal a ses festivals attitrés, comme le Hellfest en France (180 groupes, 240 000 festivaliers en 2023), mais infuse aussi ailleurs. Ainsi, les Francofolies de La Rochelle proposent une soirée metal depuis quelques années. «Certaines barrières sont tombées pour le heavy metal ou le thrash metal, qui sont entrés dans la pop culture, on pense à la série Stranger Things», décrit Milan Garcin. Le morceau Master of Puppets (1986) de Metallica a intégré cette série à succès. Un pur titre metal, avec une structure complexe, loin de la ballade Nothing Else Matters qui a permis à ce groupe phare de passer sur les radios à grande écoute en 1991, dix ans après sa création, en Californie, autour du guitariste et chanteur James Hetfield et du batteur danois Lars Ulrich.

«Culture locale»

Et, non, les artistes ne viennent pas seulement des continents européen ou américain (au sens large, puisque Sepultura, autre groupe à l’influence énorme, est originaire du Brésil). «Le metal existe partout, avec une acceptation et une représentation différentes, en lien avec la culture locale», décortique Corentin Charbonnier.

Le metal existe partout, avec une acceptation et une représentation différentes

Le groupe Arka’n Asrafokor est né, lui, au Togo, et un dispositif interactif de l’exposition permet d’écouter des collectifs comme The Hu, formé à Oulan-Bator, en Mongolie. L’accent est également mis sur la contre-culture Marock, une communauté du Botswana qui adopte les codes vestimentaires du metal américain. Enfin, l’exposition rappelle que le metal brasse aussi des thèmes d’actualité, comme Global Warming (2005), titre sur le réchauffement climatique de Gojira, groupe français à l’aura internationale.

Jusqu’au 29 septembre.
Cité de la musique – Paris.