La machine à écrire d’Agatha Christie et le manuscrit de son dernier Hercule Poirot, gardé des décennies durant dans un coffre-fort, sont au coeur d’une exposition au Royaume-Uni à partir de samedi qui plonge dans la noirceur des polars.
La page de garde du fragile manuscrit porte son titre, « Curtain » (« Rideau », paru en français sous le titre « Hercule Poirot quitte la scène »), écrit de la main d’Agatha Christie, ainsi que son nom et son adresse, Greenway House, dans le Devon (sud-est de l’Angleterre). « Elle l’a écrit pour que sa fille Rosalind ait un pécule, « de quoi se remonter en revenant des obsèques » », raconte Nicola Upson, auteure de romans policiers et commissaire de l’exposition « Murder by the Book » à la bibliothèque de l’université de Cambridge.
Le dernier Hercule Poirot, dans lequel le célèbre détective créé par Agatha Christie meurt, a été écrit au début des années 1940, pendant la Seconde Guerre mondiale, au cas où elle ne survivrait pas.
A l’époque, « rien n’était garanti », explique à l’AFP la commissaire de l’exposition, qui se tient jusqu’au 24 août. Or, Agatha Christie vivra 30 ans de plus et poursuivra l’écriture des aventures d’Hercule Poirot. Mais sa fin déjà écrite, les craintes de fuite ont conduit à ce que le texte soit mis sous clé.
Une du New York Times
Le sort de l’enquêteur belge, lors de sa sortie en 1975, a été vu comme si significatif qu’il a été marqué par une Une en forme de nécrologie dans le New York Times.
Si la romancière voulait d’abord que le livre sorte après sa mort, « il a finalement été publié quatre mois avant sa propre mort en janvier 1976, ainsi quand on lit les derniers mots de Poirot dans ce livre, ils ressemblent un peu à un adieu de Christie à ses lecteurs, c’est assez poignant », poursuit la commissaire.
La romancière, qui a aussi écrit la série des Miss Marple, détient le record absolu pour un auteur de fiction, avec 300 millions de livres vendus tout au long de sa vie.
Près d’un demi-siècle après sa mort, des objets comme son imposant dictaphone en plastique beige des années 1950 et sa machine à écrire portative Remington de 1937, noire aux touches rondes – sur laquelle elle a écrit l’un de ses livres les plus célèbres « And Then There Were None » (« Dix Petits Nègres », rebaptisé « Ils étaient Dix » dans sa nouvelle traduction française) exercent encore un pouvoir de fascination. Ces objets ont été les « premiers témoins de ces pensées et de ces histoires », souligne Nicola Upso, auteure de la série des Josephine Tey.
Choses plus noires
L’exposition s’étend dans la bibliothèque riche d’un million de premières éditions de fictions – toujours dans leurs couvertures originales – à travers près de 100 de ses exemplaires les plus célèbres ou marquants de l’histoire du roman policier britannique. Il s’agit selon la commissaire de ne pas se pencher seulement sur le genre du « cosy mystery » (« crime au coin du feu »), mais aussi « les choses noires », les ressorts de la fiction où il est « question de violence et de mort en fin de compte ».
Des classiques oubliés comme « A Pin to See the Peepshow » de F. Tennyson Jesse, inspiré de la condamnation et l’exécution en 1923 d’Edith Thompson et Frederick Bywaters. Dans le roman écrit en 1934, l’héroïne Julia Almond connaît un sort similaire dans ce qui a été décrit comme la fiction « la plus horrible » du genre, et a eu une influence sur l’abolition de la peine de mort au Royaume-Uni une vingtaine d’années plus tard.
Aux côtés de personnages comme Miss Marple, Hercule Poirot et le Sherlock Holmes d’Arthur Conan Doyle, l’exposition aborde des oeuvres plus récentes comme Jane Tennison de Lynda La Plante et l’Inspecteur Morse de Colin Dexter.
Malgré les changements de style au fil des décennies, l’essence de l’écriture d’un bon polar reste la même, souligne la commissaire: « des personnages, une atmosphère réaliste, et une histoire forte, avec un début, un milieu et une fin, pas nécessairement dans cet ordre ».