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Le déclin du pub, symbole culturel britannique


Victimes de la crise du pouvoir d’achat, les pubs, où les Britanniques se réunissent autour de pintes de bière, ferment en nombre ces dernières années, au grand dam des amoureux de ces lieux emblématiques du Royaume-Uni.

Selon l’association britannique de la bière et des pubs (BBPA), le Royaume-Uni comptait quelque 60 000 pubs en 2000. Depuis, leur nombre n’a cessé de se réduire, tombant à 45 800 en 2022. L’organisation explique cette chute par la pandémie de Covid-19, synonyme de longs confinements au Royaume-Uni, suivie de la flambée des prix de l’énergie qui a pesé sur les coûts des pubs et entraîné une chute du pouvoir d’achat des Britanniques.

«Il y aura un moment où cette diminution cessera, quand nous nous rapprocherons du nombre de pubs nécessaires pour répondre à la demande», veut croire Nick Fish, en charge des statistiques pour la BBPA. Paul Richard Jennings, historien et ancien professeur de l’université de Bradford, n’est pas surpris par cette diminution, mais il ne croit pas que les pubs sont menacés de disparition. «Les gens boivent moins, car ils ont d’autres manières d’occuper leur temps libre et de dépenser leur argent», explique le spécialiste, auteur de plusieurs ouvrages sur ces établissements.

En 1869, les pubs atteignaient le nombre colossal de 118 499 en Angleterre et au pays de Galles. Mais au XXe siècle, «des changements urbains massifs se sont produits avec la démolition des bidonvilles – et avec eux, celle de nombreux pubs», raconte Paul Richard Jennings.

«Aujourd’hui, il existe d’autres lieux pour aller boire un coup, et beaucoup de gens préfèrent acheter au supermarché plutôt qu’au pub pour économiser de l’argent», souligne l’historien. En parallèle, les coûts de fonctionnement des pubs n’ont cessé de grimper, avec des factures d’énergie de plus en plus élevées. «Et avec la crise du coût de la vie, les gens y limitent leurs dépenses», ajoute-t-il.

Certains cherchent à sauvegarder la culture du pub, qui remonte aux tavernes de l’époque romaine. En 1393, le roi Richard II a obligé les propriétaires à placer des pancartes à l’entrée de ces lieux, qui sont devenues partie intégrante de l’imaginaire du pub et sont pour certaines exposées dans des musées. La dénomination «pub», abréviation de «public house», est arrivée un peu plus tard, vers le milieu du XIXe siècle, explique Paul Richard Jennings.

Parmi la jungle des pubs au Royaume-Uni, certains sont devenus des attractions touristiques et le National Trust, l’association britannique en charge de la gestion des sites historiques et naturels, a racheté 39 établissements, comme le George Inn, au sud de Londres, qui aurait compté Charles Dickens parmi ses clients.

Certains se disputent le titre du plus ancien du Royaume-Uni. À Londres, The Prospect of Whitby, dont la création remonte à 1520, est généralement considéré comme le plus vieux des 3 500 pubs de la capitale, malgré de vifs débats.

Des entreprises comme Liquid History Tours misent sur cette dimension patrimoniale et proposent des visites guidées dédiées aux pubs. «Peut-être que certains d’entre eux devront s’adapter au monde qui les entoure, mais il y aura toujours une place pour un pub classique. Que serait Londres sans eux?», interroge son directeur, John Warland.

Pete Brown, auteur de nombreux ouvrages sur le sujet, pense que la société prône une consommation d’alcool plus raisonnable qu’auparavant, et que «les pubs ont connu leur apogée à l’époque où les foyers n’étaient pas des lieux agréables».

Il relève aussi qu’environ la moitié des établissements appartiennent à des sociétés immobilières, pour qui il est plus rentable de remplacer un pub par un supermarché ou des appartements. Il ne perd cependant pas espoir : «Ils ne disparaîtront jamais vraiment, car ils font partie de notre identité. Nous en aurons moins, mais peut-être qu’ainsi, nous les chérirons plus.»