Les guides culinaires n’ont plus honte de recommander le burger, « incontournable » même dans les palaces et sur les grandes tables : 40 ans après l’arrivée de McDonald’s, la France s’est approprié par la « gastronomisation » ce symbole de la malbouffe américaine.
En 2011, Louis Frack et Anthony Darré ont lancé la chaîne Bioburger pour « faire quelque chose de meilleur avec le burger qu’on adore » à base de bons produits sourcés, avec des formules à moins de 12 euros. Bioburger, qui possède plusieurs restaurants à Paris, compte en posséder 30 d’ici 2022 dans toute la France.
Quand ils étaient enfants, McDo signifiait pour eux la fête, « sortie loisir de la semaine ou anniversaire avec les copains », mais aussi un plaisir coupable. Pendant leurs études dans une école de commerce à la Défense, quartier des affaires de Paris, ils y retournaient faute d’offre alternative dans la restauration rapide. C’est comme cela qu’est né le concept du burger bio.
« En termes caloriques, c’est comme n’importe quel burger, on l’assume pleinement, c’est un produit de plaisir. On n’y trouve pas de pesticides, mais on n’allège ni en sucre ni en gras, autrement on n’aurait pas eu le succès qu’on a », explique Anthony Darré.
Pour le chef étoilé Jean-François Piège, le burger « a beaucoup évolué en 40 ans dans la diversité de ses recettes, dans la qualité de ses ingrédients et dans son lieu de consommation » et fait désormais partie des « incontournables ».
Homard, truffe ou foie gras
Le burger est sur la carte de son restaurant spécialisé dans la viande « Clover Grill », lieu où il a « toute sa place ».
« Il n’y a pas de gêne de parler du burger, » déclare Jacques Bally, président de Gault&Millau, deuxième guide gastronomique mondial après Michelin. « Dans le room service des plus beaux palaces, les burgers sont en top leaders des ventes avec les spaghetti bolognese et la salade Cesar », ajoute-t-il.
« Aujourd’hui, le burger est servi sur de très belles tables (…) et la structure même du burger, c’est un cumul de produits qui peuvent être à eux seuls des produits d’exception », souligne Jacques Bally.
Burgers aux homards, à la truffe ou aux cuisses de grenouilles : certains misent sur les ingrédients de luxe, d’autres préfèrent trouver des mariages parfaits avec des produits de base, comme Anthony Verset qui a remporté la Coupe de France du burger en 2019.
Il a remplacé le bacon originel par de la poitrine de porc confite au four pendant six heures, coloré le pain au vin et grillé le fromage au chalumeau. « On peut faire des burgers avec de la truffe, du foie gras (…) Mais avec des produits peu chers, on peut réaliser un ingrédient qui prendra le dessus face à la truffe », selon lui.
Plus populaire que le jambon-beurre
Globalement hostiles à l’américanisation, les Français sont devenus contre toute attente les premiers consommateurs du burger au monde par habitant derrière les États-Unis. De quoi étonner ceux qui « disaient dans les années 70 que McDo n’avait pas d’avenir en France », souligne Loïc Bienassis, de l’Institut européen de l’Histoire et des cultures de l’alimentation.
Le burger a séduit les Français par son côté universel et a supplanté le traditionnel sandwich jambon-beurre. Le hot-dog, un autre classique du fast-food, n’a en revanche pas connu le même succès.
« Les Français se le sont réapproprié, soit en raffinant la recette, soit en estimant que la qualité se trouve dans le produit » et en le consommant différemment des Américains, souvent assis, en compagnie, aux heures du déjeuner et dans le cadre d’un repas entrée-plat-dessert, souligne Loïc Bienassis.
« On n’a pas vraiment créé des lieux de vie autour du jambon-beurre; il n’a jamais été assimilé au plaisir, l’environnement fait qu’on le mange sur le pouce, ce n’est pas très sympathique », soutient Louis Frack de Bioburger. Idem pour le hot-dog « qui ne constitue pas un repas complet », selon Anthony Darré.
Succès du végétarien
A l’heure où les spécialistes du climat et diététiciens préconisent un régime « bon pour la planète » avec beaucoup moins de viande rouge, le burger se porte paradoxalement bien, même si la demande pour du végétarien est en forte hausse.
« Le marché de la viande à la découpe chute, les Français mangent de moins en moins d’entrecôtes, par contre le hamburger explose. Inconsciemment, il n’y a pas cette idée de manger une pièce de bœuf », explique Louis Frack.
Les ventes des burgers avec un steak au tofu cuisiné à la provençale ont grimpé de 3 à 12% chez Bioburger et les associés se sont fixé l’objectif d’inventer un nouveau burger végétarien aussi bon et juteux que le classique.
LQ/AFP