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L’autre New York d’Evelyn Hofer


Les vues de New York par Evelyn Hofer, loin des images de cartes postales, sont réalisées «avec la même attention» que ses portraits, note Jérôme Sother, codirecteur du Centre d’art GwinZegal. (Photo : afp)

La photographe germano-américaine Evelyn Hofer s’est installée après-guerre à New York, une ville qu’elle immortalisera par d’innombrables portraits, dont 55 sont présentés dans une rare exposition à Guingamp.

Trois femmes noires souriantes sortant d’une église pentecôtiste à Harlem, un policier blanc en tenue d’hiver posant dans la 59e rue devant une immense publicité pour une boisson avec le slogan «Enjoy life» («Profitez de la vie»), un jeune homme noir sur sa bicyclette fixant l’objectif avec le Queensboro Bridge en toile de fond…

«Une photographe qu’on n’a pas vue en France, c’est important de la faire découvrir!», s’exclame Jérôme Sother, codirecteur du Centre d’art GwinZegal, à Guingamp, en Bretagne, en présentant Evelyn Hofer (1922-2009), artiste méconnue, très exigeante techniquement et «précurseure en matière d’utilisation de la couleur».

Comme ses contemporains William Klein et Robert Frank, la photographe germano-américaine travaille pendant un temps, à ses débuts, pour l’univers de la mode, notamment pour les magazines Harper’s Bazaar et Vogue. «Mais le monde de la mode ne l’intéressait pas trop», note Jérôme Sother.

L’art de la lenteur

Techniquement, quand Klein et Frank font le choix de l’appareil Leica, beaucoup plus maniable pour saisir les foules ou les visages à la volée, Evelyn Hofer reste fidèle à la plus encombrante chambre photographique. Travailler ainsi, «ça prend du temps. Il faut ouvrir sa valise, monter son trépied, faire votre composition… Cette lenteur, elle devait l’aimer», considère le codirecteur du Centre d’art GwinZegal. «Elle a photographié jusqu’en 1997 et jusqu’à la fin, elle a travaillé à la chambre», souligne-t-il.

Autre énorme différence : contrairement au Leica, impossible de prendre des photos à la sauvette avec la chambre. Chaque photo est négociée et «exige une vraie relation avec le modèle (…) C’est l’époque de la lutte pour les droits civiques. Elle va dans le Bronx, à Harlem. Une femme blanche dans ces quartiers, je ne sais pas si c’était très habituel», s’interroge Jérôme Sother.

Sans renoncer pour autant au noir et blanc, elle introduit rapidement la couleur, «réservée jusqu’alors à la publicité ou à la mode et exclue du champ des arts». Elle le fait bien avant William Eggleston, né en 1939 et considéré comme précurseur en matière d’introduction de la couleur dans le domaine artistique, ou avant Stephen Shore, né en 1947 et jouissant de la même réputation.

«Elle photographie les gens simples»

Ce qu’elle montre, «ce n’est pas la carte postale de New York, mais la ville des petits commerces, des petites gens, c’est un New York à l’échelle humaine (…) Elle photographie les gens simples, pas le monde des banquiers. Il y a une grande dignité dans tous les modèles», commente Jérôme Sother. «Sa force réside plutôt dans les portraits, mais quand elle photographie des natures mortes ou des vues architecturales, elle le fait comme elle le ferait pour des humains, avec la même attention», insiste-t-il.

Une photographe globe-trotteuse

Avec sa famille, Evelyn Hofer quitte l’Allemagne lors de la montée du nazisme. D’abord pour la Suisse, où elle apprend la photographie, puis en Espagne. L’arrivée au pouvoir de Franco pousse la famille à émigrer à nouveau, cette fois de l’autre côté de l’Atlantique, au Mexique. Quelques années plus tard, à 24 ans, elle part seule s’installer à New York, où elle passera la plus grande partie de sa vie.

Souvent dans le cadre de commandes, elle a aussi parcouru le Liban, Istanbul, Dublin ou le Pays basque, des deux côtés de la frontière. Evelyn Hofer a également saisi de nombreux artistes : Sonia Delaunay, Richard Lindner, Andy Warhol, Balthus… Ou parfois, tout simplement, leur cadre de vie ou une évocation, comme ce fut le cas avec Frida Kahlo, Diego Rivera ou Marlene Dietrich.

«New York – Evelyn Hofer», jusqu’au 16 octobre. Centre d’art GwinZegal – Guingamp.

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