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L’Amérique noire a son musée


Le musée national de l'Histoire et de la Culture afro-américaines (NMAAHC) doit ouvrir en septembre prochain. (Photo : AFP)

Un nouveau musée à Washington offre une plongée saisissante dans la face noire des États-Unis. Des cabanes d’esclaves, réminiscences de la traite négrière, à Martin Luther King, symbole de la lutte des Noirs pour les droits civiques, un nouveau musée de Washington offre un

panorama de la tumultueuse relation qu’entretiennent les États-Unis avec leur communauté afro-américaine.

Le musée national de l’Histoire et de la Culture afro-américaines, un imposant bloc couleur bronze posé sur la grande artère au cœur de la capitale américaine, doit ouvrir ses portes au public le 24 septembre. Son inauguration, aussi attendue que symbolique dans un pays où les tensions raciales sont toujours latentes, est le fruit d’un projet centenaire longtemps repoussé. Le président Barack Obama, premier président noir des États-Unis, viendra couper le ruban lors de l’ouverture du NMAAHC, actuellement en chantier.

L’édifice se divise en deux parties : la première souterraine, consacrée à l’histoire et l’émancipation des Noirs; la seconde, aux étages supérieurs, à la culture et à la société. Dès l’entrée dans le hall du bâtiment, le visiteur est invité à emprunter un ascenseur qui le fait descendre dans les entrailles de l’histoire américaine, en commençant par sa face la plus sombre : la traite négrière. Il se trouve alors devant une cabane d’esclaves en bois patiné, typique du début des années 1800, importée de l’ancienne plantation de Point of Pine, en Caroline du Sud et minutieusement restaurée planche après planche. Ce genre d’objet, qui fait partie de l’exposition «esclavage et liberté», invite à «penser à l’énergie des personnes qui y vivaient», explique Mary Elliott, curatrice au musée. Mais aussi, dit-elle, à l’esclavage, qui a pris ses racines avec l’installation en Virginie des premiers colons britanniques et fin 1865, avec l’adoption du 13e amendement de la Constitution américaine, né des ravages de la guerre de Sécession et de la proclamation d’émancipation.

Chuck Berry et les Jackson Five

Une tour de guet de la prison Angola en Louisiane, qui servait dans les années 1930 et qui tient son surnom des esclaves originaire du pays d’Afrique australe qui travaillaient sur l’ancienne plantation, ainsi que la voiture d’un train qui opérait sous la ségrégation font également partie des plus de 30 000 objets à exposer. Plus haut, le visiteur arrive à l’étage consacré à la lutte des Noirs américains pour l’obtention de leurs droits civiques, qui fait une large place au pasteur baptiste Martin Luther King, ainsi qu’aux mouvements qui ont lutté pour l’émancipation des Noirs.

Le musée, toutefois, ne se veut pas une critique de l’histoire américaine. Se dessine, au fil de la visite, «le début de la culture que nous avons construite ensemble», explique Ralph Appelbaum, un des architectes du projet. «À mesure que vous avancez, vous voyez de plus en plus de symboles d’intégration, de liberté, dit-il, sous l’avion suspendu des Tuskegee airmen, surnom donné à un groupe de pilotes noirs originaires de l’Alabama et qui ont combattu dans l’aviation américaine durant la Seconde Guerre mondiale.

L’architecture du bâtiment de quelque 37 000 m2, elle, est une «interprétation de cette histoire version XXIe siècle», souligne David Adjaye, autre architecte qui a salué la position «unique» du musée, entouré d’un concentré d’histoire américaine : Maison-Blanche, obélisque du Washington Monument, Capitole… La seconde partie du NMAAHC, qui compte huit des onze expositions, est consacrée au sport, à la musique, aux arts visuels, à la nourriture ou encore à la culture populaire.

L’idée est de remonter «aux origines de ces pratiques et traditions, dont beaucoup sont héritées de moments historiques comme l’esclavage ou le mouvement pour les droits civiques», explique Joanne Hippolite, conservatrice de ces expositions, évoquant notamment des gestes entrés dans le quotidien des noirs américains comme le «fist bump», consistant à se saluer en se cognant le poing.

Finir la visite par cette partie culturelle, où l’on peut voir l’emblématique Cadillac rouge du guitariste Chuck Berry ou encore des objets liés aux Jackson Five est une façon «de célébrer la contribution des Noirs dans l’histoire américaine», confie-t-elle. «Cela tire vers le haut et montre la ténacité des Noirs américains», ajoute Joanne Hippolite, au dernier étage du musée où des vitrines encore vides aux noms de Michael Jackson, Duke Ellington, Ray Charles, Prince ou Ella Fitzgerald n’attendent que d’être garnies.

Cet étage, qui offre une vue panoramique imprenable sur les plus beaux musées de Washington, est également un lieu propice à la réflexion sur l’histoire américaine, expliquent les responsables du NMAAHC. Peut-être pour poursuivre celle de Felix Haywood, fils d’esclaves, qui orne les murs du musée : «Nous étions libres, soudainement, nous étions libres. Mais nous ne savions pas ce qui allait se passer ensuite.»

Le Quotidien/AFP

http://nmaahc.si.edu

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