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La vie de Malcolm X à l’opéra de New York


Dans l’opéra composé par Anthony Davis, le leader noir américain est interprété par le baryton Will Liverman.

La vie de Malcolm X, icône de la cause des personnes noires aux États-Unis et assassiné en 1965, est revisitée sur la scène du prestigieux Metropolitan Opera de New York.

L’opéra X : The Life and Times of Malcolm X est une reprise d’une première version au milieu des années 1980 dans un nouveau style afrofuturiste, un courant de pensée et esthétique qui traverse l’histoire de l’art afro-américain depuis les années 1960. La pièce avait été très peu jouée avant d’être remontée en 2021 à Detroit, dans le nord du pays, puis cet automne à New York, la capitale culturelle américaine. Au Luxembourg, les cinémas Kinepolis retransmettront demain une captation de l’œuvre dans le cadre du programme Met Opera Live.

Au Met Opera, à Manhattan, l’œuvre est composée par Anthony Davis, le livret écrit par Thulani Davis, avec Robert O’Hara à la direction, et le baryton Will Liverman dans le rôle-titre. Elle retrace les trente-neuf années de la vie de Malcolm Little, né en 1925, devenu Malcolm X, l’un des militants radicaux des droits civiques les plus influents avant son assassinat en février 1965, dans le quartier new-yorkais de Harlem. Sa mort violente – pour laquelle deux hommes noirs américains furent innocentés en 2021 et dédommagés il y a tout juste un an, après vingt années de prison – fut un coup de tonnerre et une tragédie, expliquent des experts.

«Héros tragique»

La reprise de l’opéra s’essaie à l’esthétique afrofuturiste : une énorme réplique d’un vaisseau spatial tournoie au-dessus de la scène sur laquelle les artistes du chœur portent des vêtements d’inspiration précoloniale, mêlés à une mode tirée de la science-fiction. La musique opératique – du classique contemporain avec des accents de jazz – est accompagnée d’une troupe de danseurs.

Pour le compositeur Anthony Davis, «il ne s’agit pas d’essayer de faire un portrait fidèle de Malcolm, mais de tenter de mettre en scène toutes les idées et les concepts pour lesquels il était si impliqué». Car, selon le musicien, «Malcolm est un héros tragique».

Près de soixante ans après la disparition de l’ancien leader du groupe radical Nation of Islam et trois ans après les manifestations du mouvement Black Lives Matter, cet opéra revêt une dimension politique. Selon Anthony Davis, «le réveil auquel on a assisté après George Floyd (NDLR : tué par un policier blanc à Minneapolis en mai 2020) a relancé l’urgence de faire mieux en matière de diversité dans le milieu de la musique classique». Jusqu’à récemment, «tant de gens, d’idées et de styles esthétiques étaient sur la touche», déplore l’artiste, qui pense que les États-Unis sont désormais «plus ouverts». L’histoire de Malcolm X est «une tranche de l’Amérique qui n’est pas toujours racontée», notamment sur le «racisme», estime Anthony Davis.

«Éduquer les gens»

Pour Leah Hawkins, la chanteuse soprano qui incarne à la fois Louise Little, la mère de Malcolm X, et la femme du leader, Betty Shabazz, une telle expérience artistique noire sur scène «est quelque chose qui devrait être normal (…) auquel le public devrait s’habituer (…) et non pas un évènement exceptionnel». Le mouvement s’enclenche lentement dans le milieu de la musique classique, reconnaît Leah Hawkins.

Le Met Opera a mis un point d’honneur à accueillir davantage de productions contemporaines et issues de la diversité comme Fire en 2021 et Champion en 2022, toutes les deux composées par le trompettiste Terence Blanchard. Ce dernier avait d’ailleurs signé en 1993 l’album The Malcolm X Jazz Suite, en addition à sa bande originale de la fresque biographique Malcolm X (1992), de Spike Lee – dont Blanchard est le compositeur habituel –, avec Denzel Washington dans le rôle-titre.

L’opéra X a aussi des vertus éducatives, disent Anthony Davis et Leah Hawkins. «Je connais plein de gens qui n’ont jamais lu L’Autobiographie de Malcolm X, qui ne savent rien de son histoire», admet la chanteuse, qui «pense qu’il est important de porter sur scène un tel personnage afin d’éduquer les gens». C’est d’autant plus indispensable, renchérit Anthony Davis, dans un pays hyperpolarisé sur les questions de société et qui se fracture entre progressistes et conservateurs, entre différents groupes culturels. Et ce, à tout juste un an de l’élection présidentielle.

L’opéra sera retransmis samedi à 18 h 55 aux Kinepolis Kirchberg et Belval, ainsi qu’à l’Utopia.