Tim Burton est de retour avec Big Eyes, l’histoire d’une femme qui peint des jeunes filles aux yeux tristes… Un film certes fréquentable, mais sérieux et bancal.
Amy Adams a reçu le Golden Globe de la meilleure actrice dans une comédie pour son rôle de Margaret Keane. (Photos DR)
Margaret Keane a peint des petites filles avec de grands yeux tristes – ces yeux disproportionnés qu’on a vus, dans le passé, chez différents personnages « burtoniens » dans The Nightmare Before Christmas, Corpse Bride ou encore Charlie and the Chocolate Factory…
Et voilà donc Big Eyes, un film sur ces yeux qui hantent toutes les toiles de Margaret Keane dont Burton est tellement fan qu’il en collectionne les œuvres… Mais la vie de la peintre, ce n’est pas seulement ces grands yeux tristes sur les toiles, c’est aussi le couple qu’elle forme avec Walter Keane, son mari. Walter, mari et aussi (surtout ?) margoulin.
Parce que le lascar ne s’est pas démonté : il a fait bosser sa femme, lui a fait peindre des quantités de toiles avec ces fillettes aux « big eyes » pour ensuite signer ces toiles de son nom à lui… Et que tout le monde achetait, comme le rappelle l’affiche du film de Tim Burton !
> Fréquentable, mais sans génie
Big Eyes, c’est le film d’une histoire scandaleuse et vraie au carrefour des années 1950-60. De cette peintre qui s’est installée, avec sa fille à San Francisco en 1955, a pratiqué une forme d’art populaire qui se voulait opposé à la peinture élitiste.
De cette femme, flouée par son mari bateleur génial et surtout escroc qui connaîtra la gloire pour des tableaux signés Walter Keane, alors que tous avaient été réalisés par Margaret… Et tout le monde a été dupé. Trop fort, Walter Keane ! Tout est donc réuni dans ces destins pour donner matière à un beau et grand film – mais il aura fallu au final pas moins de dix longues années pour que l’affaire devienne un long métrage et arrive sur les écrans.
Originellement, Big Eyes devait être réalisé par les scénaristes Scott Alexander et Larry Karaszewski – et les rôles de Margaret et Walter Keane devaient être interprétés par Kate Hudson et Thomas Haden Church. Un changement de stratégie fit remplacer les deux comédiens par Reese Witherspoon et Ryan Reynolds… Finalement, la production approchera Christoph Waltz pour le rôle masculin – il acceptera mais à une condition, que Big Eyes soit réalisé par Tim Burton. Le réalisateur dira oui et appellera Amy Adams pour le rôle de Margaret.
Mais Burton a dû faire face à une contrainte inattendue : lui qui était habitué aux budgets XXL (150 millions de dollars pour Charlie and the Chocolate Factory en 2005 et pour Dark Shadows en 2012, 200 millions de dollars pour Alice in Wonderland en 2010), a dû se contenter cette fois d’une enveloppe de 10 millions de dollars. Est-ce là l’explication à cette sensation étrange quand on voit Big Eyes, pourtant bien servi par Amy Adams (Golden Globe de la meilleure actrice dans une comédie en janvier dernier) et Christoph Waltz ?
Qu’est-il arrivé à notre cher Tim Burton, celui qui brillait de mille feux de folie et d’inventivité quand il a réalisé Edward Scissorhands ou Mars Attacks ? Oui, cette fois, on recherche désespérément Tim Burton… Sur l’écran, on a un film certes fréquentable et appuyant sur le côté intimiste de l’histoire des Keane, mais aussi et surtout, appliqué, sérieux, sans vibration et bancal. Comme si Tim Burton avait juste assuré le contrat, sans forcer le génie !
De notre correspondant à Paris, Serge Bressan