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La Réunion, une flore unique à préserver


Unique au monde, la flore de l’île de La Réunion est en grande partie menacée de disparition. La faute au dérèglement climatique, à la pression de l’homme, mais surtout aux espèces invasives empiétant des espaces naturels jusqu’alors préservés.

«Regardez cet arbuste avec ses fleurs jaunes : il est très beau. Mais il serait bien mieux sur les côtes bretonnes», dans l’ouest de la France métropolitaine, s’exclame Dominique Oudin, directeur du Conservatoire botanique national du Mascarin (CBNM).

Sur le massif du Maïdo, au cœur du parc national de La Réunion, l’ajonc d’Europe semble par endroits comme chez lui, menaçant la flore endémique. La Réunion «est un milieu unique au monde, mais il est envahi», résume Dominique Oudin.

Espèce exotique la plus emblématique au-dessus de 1 000 mètres d’altitude, l’ajonc d’Europe n’est pas le plus invasif : la liane papillon, venue d’Asie, étouffe les dernières forêts sèches de l’île. Le tulipier du Gabon a envahi les terres agricoles.

Les milliers de visiteurs qui fréquentent chaque jour ce site offrant une vue imprenable sur le cirque de Mafate, classé comme une large partie de l’île au patrimoine immatériel de l’Unesco, passent à côté sans y prendre garde. Le caractère exceptionnel de la flore de La Réunion est en partie ce qui lui vaut son inscription à l’Unesco.

Sur les 963 espèces de plantes «indigènes» recensées sur l’île, 382 sont endémiques à la sous-région (l’archipel des Mascareignes, avec les îles Maurice et Rodrigues), dont 230 uniques à La Réunion. «Deux-cent-trente, c’est aussi le nombre de plantes endémiques de toute la France hexagonale», précise Dominique Oudin.

Mais fin 2023, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a réévalué sa liste rouge des espèces menacées, fruit d’un travail mené sous la coordination du CBNM. Le résultat est inquiétant : entre 2010 et 2023, le taux d’espèces menacées est passé de 30 % à 41 %.

Une quarantaine de plantes ont déjà disparu. Au rayon des menaces, sont citées la sécheresse et la pression humaine, alors que La Réunion a accueilli plus de 550 000 visiteurs en 2023, un record selon l’Observatoire régional du tourisme. Mais les espèces exotiques restent l’ennemi numéro un.

Tout n’est pas désespéré pour autant. «Vous avez encore des espaces préservés de l’invasion», assure Janik Payet, responsable de l’antenne Ouest du parc national de La Réunion. Du Maïdo, un sentier mène au massif du Grand Bénare : «On l’appelle le triangle d’or parce que là-haut, il y a encore une biodiversité exceptionnelle», avec peu d’invasives et «plus de 80 % d’endémicité».

Pour y accéder, le parc a installé des dispositifs de biosécurité nettoyant les semelles des randonneurs, susceptibles de transporter des graines. Mais la lutte contre les plantes invasives, menace identifiée dès la fin des années 1970, a longtemps été menée de façon désordonnée et n’était pas «à la hauteur de l’enjeu», résume Janik Payet.

Il a fallu un électrochoc pour que l’île se mobilise : le classement en 2017 par l’Unesco de La Réunion parmi les sites suscitant une «préoccupation importante» en raison de son mauvais état de préservation. Un programme d’action impliquant collectivités et acteurs de la biodiversité de La Réunion, baptisé ReMiNat (pour «Restauration des milieux naturels»), a alors été mis en place.

Des zones d’actions prioritaires ont été définies et différentes techniques de restauration sont étudiées. C’est ce qui est fait au Maïdo, où un incendie accidentel en 2020 a paradoxalement permis de «repartir à zéro» sur ce site considéré comme perdu.

«Mais il faut que les gens qui vivent et viennent à La Réunion y participent», insiste Dominique Oudin, espérant une «prise de conscience». Ce à quoi essaye d’arriver Jacques Fournel : à 1 100 mètres d’altitude, cet ancien botaniste ne cultive que des plantes endémiques, dont certaines serviront à replanter le Maïdo.

Depuis quelques années, plusieurs pépiniéristes se sont lancés sur ce segment. Tan rouge, bois de poivre, fleurs jaunes… «Tout ce qui vient de La Réunion, je le plante», explique Jacques Fournel. «Il faut être actif. Parce que si on ne fait rien, c’est un patrimoine qui disparaît.»