Même si Tahiti, Moorea ou Bora Bora continuent de faire rêver, les touristes sautent de moins en moins le pas : trop isolée, trop chère, la Polynésie accueille moins de visiteurs aujourd’hui qu’il y a vingt ans.
Des plages isolées et une destination coûteuse font de l’archipel polynésien un paradis boudé par les touristes. (Photos : DR)
« Les essais nucléaires sous Chirac ont fait du tort à la destination », explique un dirigeant d’un tour-opérateur spécialisé sur la région. En 1995, la collectivité avait attiré 172 100 touristes. En 2000, « il y a eu une embellie pour la destination grâce à une augmentation des capacités aériennes depuis l’Europe », une année record, avec 233 300 visiteurs. Mais en 2013, ils n’étaient plus que 164 400.
Malgré l’image paradisiaque de l’archipel, son principal marché émetteur, les États-Unis, a connu une forte baisse suite aux attentats du 11 septembre 2001. Côté européen, les touristes « sont venus moins nombreux depuis la crise », avec surtout « des Français, les autres francophones et les Italiens ».
Le coût du trajet et le coût du séjour sont les principaux freins à l’essor du tourisme local. « Pour aller à Tahiti, il faut du temps et de l’argent », explique l’opérateur français. « Or la Polynésie, c’est cher. La zone souffre d’être en euros, alors que les autres îles du Pacifique sont en dollar. En Polynésie, on paie facilement 30 euros pour une pizza et une bière, ou 3 euros pour un yaourt ».
Selon lui, « la Polynésie reste essentiellement une destination de couples ». Peu de familles tentent l’aventure d’un voyage aussi long — il faut 24 heures pour s’y rendre depuis la France — et coûteux.
> Deux fois moins cher ailleurs
« Sur la zone, la concurrence directe de Tahiti c’est Hawaï, où tout est beaucoup moins cher » et où les touristes se rendent en plus grand nombre : près de 8 millions s’y arrêtent tous les ans. « La Polynésie est aussi en concurrence avec les Seychelles et les Maldives, qui sont plus près de l’Europe et moins chères, continue le spécialiste. On a vu une très forte progression de la clientèle aux Maldives depuis dix ans. » Plages de rêve, bungalows sur pilotis, tout y est, « mais c’est deux fois moins cher que la Polynésie ». Pareil pour les Seychelles qui profitent en plus « depuis la France de toutes les rotations aériennes via Dubaï ».
Cette baisse de fréquentation est lourde de conséquences pour l’archipel, qui a perdu sept hôtels entre 2009 et 2013, faute de demande, alors que le tourisme reste le premier secteur économique de la Polynésie. 16% de l’emploi salarié y est consacré, avec 2 700 entreprises et 9 800 employés.
Parallèlement, la Polynésie est de moins en moins desservie par les lignes aériennes. « On avait, à l’époque, Air France qui desservait la Polynésie, explique-t-il, mais aussi Corsair, qui faisait 5 ou 6 rotations par semaine, et la compagnie AOM. Ensuite, la réduction des capacités aériennes et la crise ont fait baisser le nombre de touristes en partance d’Europe ». Aujourd’hui, seules Air France et la compagnie locale Air Tahiti Nui proposent des vols, ne partant que de Los Angeles ou de Paris.
Le gouvernement local espère relancer le secteur et mise sur la venue de 200 000 touristes en 2015 et 300 000 en 2018. Dans ce but, il souhaite entamer la construction d’un grand complexe hôtelier, sur la côte Ouest de Tahiti et s’ouvrir à de nouveaux marchés, comme la Chine, avec des vols directs. Des négociations sont en cours avec la compagnie Hainan Airlines.
L’objectif est de s’imposer comme un « hub » (NDLR : une plateforme de correspondance) dans le Pacifique, en devenant une escale entre la Chine et le Chili. La création d’une ligne aérienne entre ces deux pays ferait gagner un temps considérable sur le trajet entre Asie et Amérique du Sud.
AFP