Accueil | Culture | DZ Galerie Metz : la dernière frontière de l’art

DZ Galerie Metz : la dernière frontière de l’art


Ngalyipi Jukurrpa de Judy Watson. Cette artiste australienne née en 1925 compte parmi les grandes signatures de l'art aborigène. Ses œuvres ont notamment été exposées au Metropolitan Museum of Art de New York.

DZ Galerie Metz a ouvert ses portes en novembre dans la capitale lorraine. Il s’agit du seul lieu consacré aux arts d’Océanie dans la Grande Région. Elle invite à une singulière découverte tout au long de ce week-end.

La galerie spécialisée dans les arts d’Océanie s’associera samedi et dimanche à «Parcours d’artistes», un événement invitant à la rencontre avec des dizaines d’artistes.

Pour les Occidentaux, la Papouasie-Nouvelle-Guinée est le dernier continent. Celui dont on ignore presque tout, enveloppé du mystère de ses forêts tropicales et de la formidable diversité de ses 7 millions d’habitants. «C’est la dernière frontière, the last frontier, comme le proclame le slogan partout présent en Papouasie», dit Didier Zanette. Pour ce Français de 51 ans, la Papouasie est terre d’aventures, d’explorations et avant tout de rencontres humaines nourries d’une insatiable passion pour l’art.

Débarqué en Nouvelle Calédonie en 1990 avec un diplôme d’ingénieur agronome en poche, Didier Zanette se reconvertit dans la banque avant de tout plaquer en 2003 pour vivre pleinement sa passion des arts aborigènes et d’Océanie. Après Nouméa, Nice et Paris, il a ouvert en novembre dernier DZ Galerie Metz. Il s’agit du seul lieu consacré aux arts aborigènes et d’Océanie dans la Grande Région. Sa vocation, initialement éphémère, pourrait bien s’inscrire dans la durée.

Frontières perméables

Tout comme elle s’inscrira ce week-end dans le mouvement artistique messin en ouvrant ses portes dans le cadre de «Parcours d’artistes», événement annuel rassemblant plus de 160 créateurs autour de leurs ateliers ou de divers lieux publics de la capitale lorraine.

Ce qui frappe de prime abord lorsque l’on pousse la porte de DZ Galerie, c’est l’étonnante diversité d’œuvres guidant le visiteur à travers les trois niveaux de la galerie. L’invitation au voyage est immédiate. Sculptures et masques rituels côtoient pirogues, pagaies, lances, plats en bois ou coiffes bigarrées. Autant d’objets usuels ayant en commun d’être richement décorés, finement façonnés, emblématiques de cultures dans lesquelles les frontières entre vie quotidienne et art sont totalement perméables. Certaines œuvres sont contemporaines, d’autres anciennes. «Elles peuvent dater de la fin du XIXe siècle, pas davantage, indique Didier Zanette. Les matériaux utilisés, comme le bois ou les fibres, survivent rarement plus d’un siècle.»

C’est l’acte de peindre qui est important

Les toiles aux couleurs vives de peintres contemporains aborigènes captivent le regard. C’est dynamique, joli, fascinant. «Parfois hypnotique», poursuit Lena Ray, responsable de DZ Galerie Metz. «Cela nous paraît parfaitement abstrait, alors que pour les aborigènes c’est tout à fait figuratif : telle forme peut représenter un point d’eau, telle ligne une piste», énonce-t-elle. Pour les peintres aborigènes, l’acte de peindre revêt davantage d’importance que le résultat final, explique Lena Ray. «Ils perpétuent l’histoire, les mythes en se servant de symboles dont les secrets ne sont parfois connus que de seuls initiés.»

Une photo prise lors d'une cérémonie en Papouasie. En parallèle à son activité de galeriste, Didier Zanette est aussi photographe. Ses tirages sont actuellement exposés à DZ Galerie Metz.

Une photo prise lors d’une cérémonie en Papouasie. En parallèle à son activité de galeriste, Didier Zanette est aussi photographe. Ses tirages sont actuellement exposés à DZ Galerie Metz.

Pour les aborigènes, l’utilisation de la toile et de l’acrylique n’est qu’une nouvelle façon de projeter le «Temps des rêves», ces mythologies parfois millénaires transmises par les anciens aux nouvelles générations qui les enrichissent de leurs propres expériences. Surgi sur la scène de l’art contemporain dans les années 70, l’art aborigène s’est au fil des ans ouvert aux femmes – à qui il était traditionnellement interdit de peindre – et s’est imposé dans les plus prestigieux musées et galeries de la planète.

Sur le marché de l’art, les œuvres aborigènes ont connu des fortunes diverses. L’art contemporain aborigène a été l’objet d’un engouement grandissant dans les années 90, notamment sous l’effet de ventes spécialisées conduites par Sotheby’s. La crise de 2008 conjuguée à une surabondance d’œuvres de qualité inégale avait provoqué une forte baisse des cotes. Depuis 2014, le marché est fortement reparti à la hausse, tandis que la valeur de l’art de Papouasie ne cesse de croître.

50 000 ans d’histoire  

L’art aborigène a-t-il laissé l’empreinte picturale la plus ancienne sur Terre ? C’est ce que semblent indiquer des recherches archéologiques menées dans le nord de l’Australie faisant remonter à plus de 50 000 ans des œuvres gravées dans la roche. À titre de comparaison, l’art pariétal de la grotte Chauvet est daté de 36 000 ans et celle de Lascaux a été peinte il y a 18 000 ans.

Les toiles aborigènes exposées chez DZ Galerie sont achetées à la source par Didier Zanette auprès des artistes des déserts australiens. Le galeriste se conforme à une charte par laquelle il garantit des prix équitables aux peintres et le respect de leur démarche artistique. Cette rencontre avec les artistes est aussi à la source des expéditions que Didier Zanette mène en Papouasie.

Naviguant de village en village sur des fleuves, il est généralement accompagné d’une dizaine de personnes dans un pays qui «n’est pas sans risque» et où il faut bien s’entourer d’habitants locaux «car on y parle plus de 800 langues».Didier Zanette s’anime facilement sur le sujet des arts de l’arc mélanésien dont il célèbre «la vraie singularité, la richesse des couleurs à base de pigments naturels». Son objectif, dit-il, est «d’initier les gens, de partager ma passion». Cela tombe bien : tout au long de ce week-end, il sera présent à DZ Galerie Metz. Il faut en profiter, car en globe-trotteur de l’art, il ne tient jamais longtemps en place.

Fabien Grasser

www.dz-galerie.com

PUBLIER UN COMMENTAIRE

*

Votre adresse email ne sera pas publiée. Vos données sont recueillies conformément à la législation en vigueur sur la Protection des données personnelles. Pour en savoir sur notre politique de protection des données personnelles, cliquez-ici.