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Kant, le « traître russophobe », déchaîne les passions dans sa ville natale


Signe de la tension autour du choix de ce nom, trois lieux liés à l'illustre philosophe allemand ont été vandalisés par des jets de peinture, dont sa tombe. (illustration AFP)

Le philosophe Emmanuel Kant est au cœur d’une étrange polémique dans sa ville natale de Kaliningrad, où il a été accusé sans raison évidente de « russophobie » alors qu’il dominait un sondage en ligne destiné à choisir le nom de l’aéroport de la ville.

Le philosophe né en 1724 a passé la majeure partie de sa vie dans la ville prussienne de Königsberg, renommée Kaliningrad après son occupation par l’Union soviétique pendant la Seconde Guerre mondiale. Kaliningrad est aujourd’hui la principale ville d’une enclave russe qui porte son nom, entre la Pologne et la Lituanie. Jusqu’à récemment, un sondage en ligne plaçait le philosophe en tête des noms susceptibles d’être choisis pour baptiser l’aéroport de la ville, rénové pour le Mondial-2018.

Mais cela a provoqué la colère de responsables locaux qui ont accusé le philosophe de « russophobie » malgré l’absence de tout élément historique témoignant d’un quelconque ressentiment envers l’Empire russe.

Dans une vidéo publiée lundi et devenue virale, un homme identifié par les médias locaux comme le vice-amiral Igor Moukhametchine, chef d’État-Major de la flotte russe de la Baltique, appelle dans un discours les militaires à voter contre Emmanuel Kant, l’accusant d’avoir « trahi sa patrie » mais semblant surtout reprocher au philosophe d’être allemand. « Il s’est humilié pour obtenir un département à l’université, afin qu’il puisse enseigner et écrire des livres étranges que personne présent ici n’a lu », éructe le militaire.

Sa tombe vandalisée

Le philosophe, figure centrale de la pensée occidentale, a ensuite dégringolé dans le sondage, clos le 1er décembre : c’est l’impératrice Elisabeth Petrovna, dont l’armée a brièvement capturé la ville en 1758, avant de l’abandonner cinq ans plus tard, qui l’a emporté. Pendant cette brève période de règne russe, Emmanuel Kant a demandé à l’impératrice de le laisser enseigner à l’université locale, mais sa lettre n’a jamais été délivrée.

Signe de la tension autour du choix de ce nom, trois lieux liés à l’illustre philosophe allemand ont été vandalisés par des jets de peinture : sa tombe, un monument au philosophe et une plaque commémorant le lieu où se trouvait autrefois sa maison. Des tracts éparpillés autour du monument se réjouissaient que « le nom de l’Allemand Kant ne ternira pas notre aéroport ». « Pour les habitants de Kaliningrad, pour les gens qui réfléchissent, Kant n’est citoyen d’aucun pays, il est un individu de portée planétaire », a déclaré le porte-parole de la cathédrale de Kaliningrad, qui abrite la tombe du philosophe.

LQ/AFP