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[Interview] Hyphen Hyphen : alors, on danse ? 


Le trio d’Hyphen Hyphen, bête de scène et architecte d’une pop tout en énergie, célèbre son retour avec un nouvel album et une tournée qui passe par le Luxembourg demain. Confidences d’Adam, bien décidé à renouer avec les bonnes habitudes.

Suivre la trajectoire d’Hyphen Hyphen équivaut à embarquer dans un grand huit : il y eut d’abord le succès d’HH (2015), deuxième album défendu sur scène à travers une tournée de près de 200 dates, dont de nombreuses à guichets fermés. Et pour cause : le trio jouit d’une belle réputation, celle d’électriser les foules.

Mais après la folle accélération, vint le coup d’arrêt, comme pour beaucoup, dû à la crise sanitaire. Une période difficile, sans public et sans lien social (Hyphen Hyphen signifie «trait d’union»), qui a toutefois permis au groupe de souffler et de penser à la suite.

Celle-ci prend la forme d’un nouveau disque, C’est la vie, sorti il y a quelques jours, soutenu par Glen Ballard, collaborateur d’Alanis Morissette, Katy Perry ou Michael Jackson. Douze titres directs et énergiques, taillés pour le dancefloor (dont un a servi d’hymne à l’Euro féminin de football) avec, en creux, toute une palette d’émotions et de messages (notamment en soutien à la communauté queer).

Bien évidemment, l’offrande est suivie d’une flopée de concerts, dont un, dès demain, à l’Atelier. Adam (Romain Adamo de son vrai nom) laisse ses deux copines Santa et Line au repos, et parle pour trois.

Hyphen Hyphen est un groupe résolument taillé pour la scène. D’où vient cette obsession? 

Adam : C’est là d’où tout est parti, depuis le lycée quand on s’est rencontrés. On débordait d’énergie et on avait plein de choses à dire. La musique, d’abord, puis la scène, c’étaient les deux moyens que l’on a trouvés pour canaliser toutes nos envies.

Par rapport à d’autres, c’est quoi votre petit plus en live?

D’abord, notre amitié. On a un lien très fort tous les trois. On est très complices et je pense que ça s’observe en concert. Ensuite, on a toujours cru en nos rêves. On n’a jamais vu cela comme un passe-temps, un simple hobby. Dès le début, on s’est fixé un objectif : mener ce projet le plus loin possible, quoi qu’il arrive. Regarder au plus loin, c’est un moteur et une motivation qui vous poussent à réaliser de grandes choses tous les jours.

N’y a-t-il pas, aussi, un petit côté punk qui s’exprime chez vous?

(Il rit) Oui, c’est évident. On aime semer la pagaille! Ça tient à la musique que l’on écoutait quand on a formé le groupe, cette vague dansante des années 2000 qui empruntait les codes du punk, avec des groupes comme The Klaxons, Gossip, Late of the Pier… On a commencé avec eux! D’ailleurs, sur le nouvel album, on trouve plein de clins d’œil à cette époque-là. Des chansons comme Lie! ou Voices In My Head sont un peu des hommages adolescents.

Vous avez débuté votre nouvelle tournée il y a tout juste deux semaines. Comment se sont passées les retrouvailles avec le public? 

C’était incroyable! C’est qu’on oublie vite les sensations que procure la scène. Mais dès la fin du premier concert, on s’est souvenu de la raison pour laquelle on faisait de la musique. C’était assez dingue. Il y avait une sorte de folie générale. Tout le monde était heureux de se retrouver! Et c’est d’autant plus excitant que l’on défend aujourd’hui de nouveaux morceaux et que l’on s’appuie sur une scénographie différente, bien plus colossale qu’avant d’ailleurs.

Au risque de perdre cette approche naturelle?

Non, c’est une question d’équilibre, de complément. On ne voulait pas d’une scénographie qui nous écrase, avec de gros écrans et des habillages vidéo qui détournent trop le regard du public. On reste les acteurs principaux du concert !

C’est l’espoir qui anime ce groupe depuis toujours

Durant les deux années de chaos sanitaire, était-ce justement difficile d’être séparé du public?

C’est certain, c’était difficile. Mais en même temps, ça a aussi été bénéfique pour le groupe. La scène, on ne l’a jamais arrêtée depuis le lycée. On était dans un rythme effréné, on acceptait toutes les propositions… S’il n’y avait pas eu cet arrêt brutal, on aurait sûrement continué à tourner. Physiquement et mentalement, cette pause, bien que forcée, est arrivée au bon moment. C’est d’autant plus vrai que l’on a chacun traversé des périodes difficiles sur un plan personnel. Là, on a pu souffler, se reconstruire, et faire cet album.

Mais quand on cherche à créer du lien, ça doit être un crève-cœur, non?

Ça l’a été, oui, mais il reste les réseaux sociaux, bien que je n’en sois pas fan. Par ce biais, on a quand même conservé un lien avec notre public. On a reçu des messages de soutien, d’amour… Ce n’est pas comme en vrai, disons-le comme ça, mais à défaut, ça permet de garder des contacts et d’échanger.

Enregistrer alors ce nouveau disque dans les conditions du live, était-ce un moyen de retrouver l’âme du groupe? 

Totalement. C’était une volonté! On a souvent entendu le public dire qu’il préférait nous entendre sur scène que sur disque. En réponse, on a eu envie de capturer, en studio, l’essence même du live.

Musicalement, vous avez senti la différence?

Clairement. Il y a plus d’humain, plus de jeu! Sur HH, c’était une autre approche : on a eu une attitude de producteurs, avec des coupes, des rajouts… Là, on a remarqué que pas mal de choses fonctionnaient telles quelles, que ça sonnait juste sans retouches. L’émotion y est plus claire, plus sensible.

Ce dernier disque a toutefois été « coupé » de moitié parce que la première version était « trop déprimante », selon vos termes. Est-il donc difficile d’être léger par les temps qui courent? 

C’est certain, le monde est dans un mauvais état, et ça va de mal en pis. Alors oui, une partie de l’album, les premiers morceaux en réalité, était extrêmement déprimante. C’était le résultat de ce qui se passait autour de nous, la pandémie, le flou qui l’accompagnait, les soucis personnels… Mais au bout d’un moment, on s’est dit que ce n’était pas ce que l’on voulait faire passer au public. Il faut tendre vers la lumière! On a envie que les gens dansent avec nous, et pas de les enfoncer encore plus en profondeur après ce bazar généralisé.

Le titre C’est la vie, est-ce à voir comme un appel à la « positive attitude », l’ADN même d’Hyphen Hyphen? 

Oui, il y a de ça. De se dire que quoi qu’il arrive dans la vie, il faut avancer, se battre. Il ne faut pas se morfondre, mais essayer de transformer nos peines en feux de joie.

On aime semer la pagaille !

Les douze titres de l’album sont de nature dansante, solaire. Est-ce le meilleur des moyens pour se libérer, vous comme le public, du poids des problèmes?

C’est totalement ça, même si les morceaux ne sont pas tout le temps joyeux. Cela s’observe notamment dans les textes où il y a une forte part de mélancolie. On n’arrive pas à s’en détacher, car on n’est jamais totalement heureux!

Est-ce le rôle d’un artiste, selon vous, de rendre le climat anxiogène plus léger? 

À partir du moment où l’on a la parole et que l’on a des choses à défendre, oui, c’est important de l’utiliser. Il y a des causes qui nous tiennent à cœur et qu’il est important de défendre. Mais plus simplement, si on arrive à faire oublier aux gens, ne serait-ce que l’espace d’un instant, le chaos du monde, c’est déjà gagné.

Est-ce compliqué de transmettre une énergie positive tout en défendant des thèmes qui ne prêtent pas à sourire?

(Il réfléchit) Les deux s’imbriquent bien. Comme je l’ai déjà dit, on est une bande de personnes un peu tristes, un peu bancales, mais on essaye d’oublier ça avec la musique. C’est l’espoir qui anime ce groupe depuis toujours. Ça se ressent jusque dans les harmonies que l’on utilise : elles sont toujours très ouvertes, jamais fermées. Alors oui, la vie est pleine de peines, de failles, de cicatrices, mais malgré tout, il y a toujours moyen d’aller de l’avant.

À l’automne, vous partez pour les États-Unis, après une première tentative avortée en 2020. Espérez-vous que le public américain soit aussi réceptif à votre musique que celui français et européen? 

On l’espère! C’est un but, un rêve d’adolescent. Mais on a déjà pu s’en faire une petite idée en juin dernier, quand on a joué en plein cœur de Central Park à New York, dans le cadre d’une soirée qui mettait en avant des groupes français. Ce qu’on a senti immédiatement, c’est que les spectateurs comprenaient toutes les paroles. Ce qui, heureusement, ne les a pas empêchés de danser, même sous la pluie!

C’est la vie,
d’Hyphen Hyphen.

Le groupe est en concert à l’Atelier (Luxembourg) demain, à partir de 20 h.
Support : Élia Rose

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