Le Cercle Cité propose un voyage temporel à travers le Luxembourg, sans DeLorean… L’exposition «Jochen Herling, le photographe» transporte les visiteurs!
Il y a trois ans, Jochen Herling est venu vers nous, il nous a dit: « Écoutez, j’ai un certain nombre d’archives, j’aimerais qu’elles soient à l’abri »», explique avec entrain Martine Theisen, directrice de la Photothèque. L’occasion était trop belle, alors, par reconnaissance, l’institution de la Ville de Luxembourg lui consacre une exposition au Cercle Cité.
Le reporter-photographe livre 300 000 négatifs, témoignages du Luxembourg du XXe siècle. Parmi eux, 118 seulement seront sélectionnés pour l’exposition. «Nous connaissons nos clients, nous savons ce qu’ils recherchent», expose Martine Theisen. Elle ajoute: «L’artiste nous a laissé la main libre pour tout. Nous avons fait des choix, mais quand on les lui a montrés, il était très sceptique. Finalement, quand il a vu le résultat final, il nous a remerciés.»
En effet, au premier coup d’œil, la succession des photographies semble anarchique, voire incohérente… et pourtant. Les impressions, tantôt sous verre, tantôt sur panneau, s’enchaînent à la perfection, chacune est à sa place.
Un voyage temporel
Comme pour symboliser l’entrée dans une faille temporelle, trois clichés de passants dans des ruelles ouvrent la voie. Ensuite, la candeur enfantine se mêle à la grande précarité des populations immigrées et à la xénophobie des années 70 au Luxembourg.
Pour comprendre une société, il faut connaître son environnement, des prises de vue panoramiques de la capitale, dont un triptyque, délivrent une vision globale de la commune au début des années 80. Les contrastes sont saisissants, la modernité de la tour du Kirchberg se confronte à la luxueuse demeure d’enfance de Robert Schuman et aux bâtisses sommaires d’une population, encore, rurale.
Bien que le premier choc pétrolier mette un terme aux Trente Glorieuses, la douceur de vivre de ces années de renaissance demeure. Les clichés montrent des Luxembourgeois amusés, entre fêtes foraines, cafés, courses automobiles et défilés militaires. Le photographe de presse immortalise également les sportifs, artistes, et politiques de son temps. L’équipe nationale de football fréquente, ici, la reine Élisabeth ou encore Jean-Paul Belmondo.
Cependant, le Luxembourg d’après les Trente Glorieuses, c’est également la désindustrialisation, les conflits sociaux, l’extrême instabilité sociale. À Lasauvage, le temps semble s’être arrêté à la fin des années 50.
Nostalgie
Jochen Herling conte le Luxembourg des années 70 et 80, à tel point que le spectateur en oublie l’aspect artistique de son travail. Une série de «doubles expositions» vient rappeler le talent du photographe. Il faut également ajouter une photographie en clair-obscur d’un moine bénédictin de l’abbaye de Clervaux.
Oh, nostalgie! «Le public est intéressé, vraiment, et ce qui m’étonne toujours, c’est qu’il y a beaucoup de jeunes qui viennent», se réjouit Martine Theisen. L’exposition résonne comme une démarche ethnologique et historique : montrer hier pour comprendre aujourd’hui. Toutefois, il ne faudrait pas se tourner exclusivement vers le passé, se scléroser dans une époque qui n’est plus la sienne.
En l’espèce, ce voyage temporel offert par Jochen Herling est une douce parenthèse. Aussi, l’artiste savourera un moment de partage avec ses «adeptes» le 8 septembre prochain. «Nous lui offrons l’honneur de montrer ses photos», conclut Martine Theisen.
Cercle Cité – Luxembourg
Jusqu’au 9 septembre.
Rencontre avec Jochen Herling le samedi 8 septembre 10 h 30.
Mathilde Ledroit