Giovanni Gastel, neveu du cinéaste Luchino Visconti, est, depuis les années 80, l’une des coqueluches de la photographie de mode en Italie. Son travail est dévoilé depuis jeudi à la galerie Clairefontaine. Entretien.
Une sélection de 40 photos permet de saisir son œuvre : un art du portrait, sobre, inspiré des peintures de la Renaissance, mais aussi des mises en scène baroques, jusqu’à des clichés plus «classiques» en noir et blanc. Avec lui, chaque image transpire l’élégance et le luxe du milieu de la mode, mais reste hantée par la nostalgie. De l’héritage familiale aux bouleversements de son métier, Giovanni Gastel raconte plus de 40 ans de carrière.
Quel bon vent vous amène au Luxembourg? C’est une première, non?
Giovanni Gastel : Tout à fait. J’ai voyagé des années et des années durant à travers le monde, mais je ne m’étais jamais arrêté au Luxembourg. Il était temps! Cette venue, je la dois à l’amitié entre mon galeriste, Valerio Tazzetti, et Marita Ruiter, de la galerie Clairefontaine. Et le moins que je puisse dire, c’est qu’on a été très bien accueilli. Rapidement, on est tombés d’accord sur les photos à exposer.
En sélectionner 40 sur 2 000 000, ce n’est pas une mince affaire…
Oui, mais avec presque 50 années de carrière au compteur, ça s’accumule (il rit). Encore aujourd’hui, je fais mes dix photos par jour! C’est une moyenne à laquelle je ne déroge jamais.
Vous souvenez-vous encore de la première?
Je me souviens de la première vendue, à l’âge de 16 ans. Quelqu’un m’avait donné 10 dollars pour des portraits. J’étais tellement étonné que je suis allé voir ma mère, les sous en poche, en lui disant : « C’est toi qui a arrangé cela? Tu voulais me faire plaisir? »… À partir de ce moment-là, en tout cas, je me suis vu devenir professionnel.
Jusque-là, vous aviez déjà touché à d’autres formes d’art, mais c’est finalement de la photographie dont vous êtes tombé amoureux…
Mais chez les Visconti, l’art est quelque chose d’important, d’essentiel. À 12 ans, j’avais déjà fait l’acteur, et à 15, j’écrivais de la poésie. C’est une discipline qui me plaisait, et je me voyais bien en vivre. C’est là que je suis tombé amoureux d’une fille, qui ne semblait pas trop apprécier mes lectures. Elle me disait : « Giovanni, tu me casses les couilles avec tes poèmes. Tu ne veux pas faire de la photo, vu tes talents! »… Je l’ai écouté et elle m’a plaqué pour un notaire (il rit). Bon, j’ai quand même continué à écrire – et à publier – de la poésie. Ça ne m’a jamais lâché.
Vous aviez déclaré, il y a quelques années : « J’essaye de mettre de la poésie dans mes photographies ». Est-ce une philosophie?
Une façon de vivre, même! Je n’ai jamais bien compris la réalité qui m’entoure, les règles de ce monde. J’aime cette phrase de Leibniz : « Je vis dans le meilleur de mon possible »… C’est totalement ça! Une chambre noire, c’est l’occasion de reconstruire un petit monde parallèle, avec des codes que j’aurai fixés. Entrer en studio, c’est se donner la possibilité d’une autre réalité.
Quel est le poids de votre héritage familial sur votre travail?
Ma famille, c’est un fait, ne m’a jamais trop contraint à quoi que ce soit. Bon, c’est vrai, mon père, issu de la petite bourgeoisie, insistait pour que je m’investisse et réussisse mes études. Avec ma mère, de la haute aristocratie, c’était différent : elle venait me voir au lit, le matin, en me demandant : « T’as envie d’aller à l’école? ». Bref, quand j’ai choisi de d’être photographe, il n’y a pas eu de grands débats. Mon père m’a juste donné un miroir et un peigne en me disant : « Comme tu vas prendre toute ta vie des gens en photo, voilà ce qu’il faut pour le client! ».
Retrouvez l’intégralité de l’interview dans votre journal du 27 janvier.
Grégory Cimatti