Fubar
de Nick Santora
avec Arnold Schwarzenegger, Monica Barbaro, Milan Carter…
Genre action / comédie
Durée 8 X 50 mn
Netflix
Après la gloire et les lauriers des années 1980-90, il fallait que les vieilles stars d’Hollywood se fassent au petit écran, nouvelle manne qui permet, au minimum, d’entretenir une notoriété en déclin. Parmi les gros bras aux cheveux désormais grisonnants, deux anciennes vedettes poursuivent leur rivalité à distance : Sylvester Stallone et Arnold Schwarzenegger. Pour le premier, des succès longs comme le bras (Rocky, Rambo, Cobra…) et un rôle de loser attachant dans une récente série (Tulsa King sur Paramount+). Le second, lui, tout aussi auréolé d’un glorieux passé fait de rôles devenus mythiques (Conan le Barbare, Terminator, Predator…), a choisi la plateforme Netflix pour signer son acte de renaissance. Ou plutôt sa résistance face à l’inexorable obsolescence.
Voici Fubar qui, en huit épisodes, le plonge dans ce qu’il connaît le mieux (logique en sa qualité de producteur exécutif) : la comédie d’action. Cigare au bec, barbe poivre et sel et muscles moins saillants, le «chêne autrichien» fait ici dans la réédite, repartant grossièrement sur les mêmes bases d’une précédente réussite : True Lies (1994). Avec, ça compte, Nick Santora (créateur de la série Scorpion) à la place de James Cameron à la réalisation. L’histoire a en effet des airs de déjà-vu, soit celle d’un homme qui doit jongler entre sa vie de mari, de père de famille et d’agent secret. Un adage lie cette triple identité : «Aimer, c’est souffrir!», comme le rappelle régulièrement la série. «Schwarzy» va donc passer par tous les états pour sauver les apparences et les siens. Un supplice d’ailleurs partagé par le spectateur.
On replace : on a donc Luke Brunner qui, après 40 ans de carrière à la CIA, compte bien prendre sa retraite, partir sur les mers avec son navire («pas un bateau») et reconquérir le cœur de son ex-femme. Mais à 65 ans (pour de vrai, «Schwarzy» en a dix de plus), comme Danny Glover dans Lethal Weapon, on lui confie une toute dernière mission qui va le mettre dans une situation périlleuse. Doublement. En Amérique du Sud, il retrouve un certain Boro Polonia, dont il a tué le père et qu’il a élevé, par remords, comme un fils (ce qui ne l’a pas empêché de finir trafiquant d’armes). Pire : il découvre que l’espionne infiltrée sur place n’est autre que sa fille Emma (Monica Barbaro, découverte dans le dernier Top Gun), elle aussi de l’agence de renseignement américaine.
Les mensonges et les trahisons d’une vie refont alors surface, tandis que le duo dépenaillé part dans de dangereuses missions, notamment dans l’ancien bloc soviétique. Pour les accompagner dans ce périple, une sacrée équipe : un jeune geek à la coupe afro affectueusement surnommé «tonton» Barry, aussi à l’aise avec la technologie qu’un Tony Stark; Roo, lesbienne robuste et têtue qui joue encore à chat-bite; Aldon, beau gosse et dragueur (c’est apparemment son principal talent) et Tina, une tête bien faite débarquée de la NSA. Ensemble, pour confisquer à l’affreux méchant latino sa valise nucléaire, ils vont faire comme dans les franchises Mission Impossible ou James Bond : monter sur un train lancé à pleine vitesse, sauter d’un hélicoptère, noyauter une prison, tricher au poker, jouer du flingue, et se sortir d’un bunker.
Avouons-le, Fubar (que l’on pourrait traduire par «mal barré») a quelques bonnes idées : en premier lieu, ses références à l’acteur massif (l’amour de son personnage pour Danny DeVito, sa salle de musculation qui lui sert de couverture…) et à d’autres blockbusters. Ensuite, ses (rares) élans contemporains, comme ce féminisme qui colle à la peau de sa fille, bien décidée à s’affranchir des idées un brin «réactionnaires» d’un père poule et d’affirmer son indépendance. Enfin, de bonnes scènes (tout aussi rares), comme celles en mode thérapeutique avec marionnettes et psy à l’appui. Mais ça fait maigre au regard de la durée de l’épreuve (6 h 30 au total), alors qu’un film, même rallongé, aurait largement suffi.
Car la série, engluée plus de 30 ans en arrière, ne cherche pas à réinventer le genre, à lui donner une autre dynamique. Tout sonne creux : la plupart des blagues (souvent graveleuses et en dessous de la ceinture) comme les moments d’action pure, qui font l’effet d’un pétard mouillé (le budget «effets spéciaux» est peut-être parti dans le cachet de sa star). Sans oublier que sur la longueur, les différents épisodes, bâtis quasi à l’identique, montrent toute la pauvreté du scénario, construit principalement sur des questions œdipiennes de filiations, d’amours manquées, de ruptures et de querelles familiales. Comme le fait remarquer l’une des pontes de la CIA, «vous agissez comme des enfants!». C’est bien l’effet que laisse Fubar, dont la puérilité n’empêche pourtant pas d’envisager une suite. Avec son air perdu, à côté de la plaque, un peu « has been», «Schwarzy» prouve une chose : que la vieillesse reste le plus mauvais rôle pour un acteur.