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Festival hip-hop au Luxembourg : Fatal Fury prépare un gros crew


K-mel (à gauche) et ses camarades soutiennent une philosophie : «Toujours sortir de sa zone de confort.» (Photo DR)

Ce week-end, la Breakin’ Convention, plus grand festival mondial de danse hip-hop, arrive au Luxembourg. L’occasion de faire le point sur la discipline au pays avec l’un de ses représentants majeurs : Fatal Fury.

Depuis 2007, K-mel danse et se réinvente, encore et encore. Avec ses deux frères (Mugen, 29 ans, et Nordine, 23 ans), et un quatrième larron (Nouré, 23 ans), ils forment le noyau dur de Fatal Fury, collectif «d’enragés» sympathiques, qui s’inspirent des arts martiaux et de la culture orientale. Anciens pensionnaires de Hamilius, dont il ne reste aujourd’hui que des ruines poussiéreuses, ils s’entraînent aujourd’hui dans des clubs de fitness, la Maison des jeunes de Hesperange et à Bonnevoie (Hariko).

Une flexibilité forcée qui ne porte en rien atteinte à leur passion intacte pour le breakdance, dont ils sont les humbles représentants au Luxembourg. Un statut qu’ils auront à cœur de prouver à la Breakin’ Convention, qui prendre ses quartiers au Grand Théâtre tout le week-end. L’occasion pour K-mel d’évoquer une discipline où le combat est de tous les instants, surtout pour exister. Rencontre.

Quelle est l’histoire de Fatal Fury ?

K-mel : Avant ça, il y a eu Project X, en 2007. On était une bonne dizaine de danseurs actifs au Luxembourg, en compétition quasiment tous les week-ends. On en a gagné d’ailleurs quelques-unes… Dans ce collectif, on trouvait des Marocains, des Vietnamiens, des Philippins, des Chinois et un Yougoslave. Bref, un groupe ethnique, par hasard, très enraciné en Orient. On squattait, comme beaucoup, le centre Hamilius, car c’était compliqué de trouver des salles pour nous accueillir. Le Grand-Duché a toujours eu du mal à reconnaître le breakdance, une discipline de rue qui doit, apparemment, rester dans la rue… Les clichés sont toujours difficiles à combattre.

Que s’est-il passé ensuite ?

Les aléas de la vie… Certains ont arrêté la danse, d’autres se sont éloignés de nos convictions. Désormais, on est encore huit sous l’appellation de Fatal Fury, histoire de renouveler le groupe, lui donner un coup de fraîcheur. Un nouveau départ, en somme. Mais les gens se souviennent encore de nous en tant que Project X, même si au niveau technique, on est devenus bien plus forts. À nous de nous imposer !

Dans ce groupe, on trouve deux de vos frères. D’où vient cette passion familiale pour la danse ?

Notre mère passait tout le temps de la musique, et on dansait souvent. Et il y avait le sport, aussi, notamment une connexion pour les arts martiaux. On regardait tous les films de Jean-Claude Van Damme, Jackie Chan et Bruce Lee ! Mais pour pratiquer le karaté ou le taekwondo, il fallait des moyens! C’est alors qu’un jour, je suis tombé sur des gens en train de danser. Comme ils semblaient méfiants, je suis resté en retrait. J’ai regardé, appris, puis intégré ce groupe. Parallèlement, mes frères, et même ma sœur, se sont également lancés dans la danse. Sans le vouloir, on a suivi la même trajectoire.

Quelle est votre philosophie personnelle du breakdance ?

C’est bien plus que de la danse ! À mes yeux, c’est surtout un moyen d’expression. Certains le font avec un stylo ou un pinceau, nous, c’est avec le mouvement. L’important derrière cette pratique, outre l’esprit de compétition qui nous animait au départ, c’est justement la maîtrise du corps et de l’esprit. Ça nous a ouverts sur tout ce qui est yoga, taoïsme, bouddhisme… Avant, on était à fond dans la technique. Aujourd’hui, le plus important, c’est de trouver sa propre voie, sa philosophie, sa liberté. Qu’importe les modes et les communautés. Nous, on privilégie l’expérience artistique, articulée autour de cet adage : « Mieux vaut connaître les bases pour mieux les briser. »

Votre nom, Fatal Fury, évoque un ancien jeu de bagarre. Pour vous, le breakdance, est-ce alors une question de combat ?

Bien sûr. Nos chorégraphies s’inspirent justement de combats, des arts martiaux. Sur scène, la furie nous caractérise bien. On est comme enragés ! Paradoxalement, durant un battle (NDLR : terme désignant une compétition entre rappeurs), on est les derniers à se montrer agressifs avec nos adversaires, les provoquer, les intimider. Non, nous, on est dans notre bulle, entre transe et dynamisme. Surtout si la musique nous parle… Parlons donc plutôt de combats intérieurs.

Quels sons vous font danser ?

Beaucoup de funk, mais plein d’autres choses, comme des sons expérimentaux, essentiellement instrumentaux, parfois indéfinissables. On aime aussi le rap à l’ancienne, mais les percussions, par contre, nous ennuient. On n’est pas des DJ, mais on fait nos petits mélanges : on accélère certains morceaux, on en colle d’autres ensemble… On fait comme on peut, mais il nous faut surtout de la subtilité !

Depuis quelques années, on trouve, au Grand-Duché, de plus en plus de manifestations consacrées au hip-hop, que l’on parle de danse, de chant ou de graffiti. Est-ce pour autant suffisant pour s’émanciper ?

Ça se développe, certes, et c’est très bien comme ça. Mais ça reste souvent des évènements sclérosés, sans génie, et leur objectif n’est clairement pas de faire évoluer les danseurs à un niveau individuel. Bien sûr que ces rencontres créent une émulation, mais il faudrait plus d’audace pour faire avancer les choses. Bref, travailler plus sur le fond que sur la forme, et subventionner les gens qui défendent de vraies idées, de nouveaux concepts. Mais pour ce faire, il faut savoir prendre des risques, ce qui n’est pas le cas au Luxembourg. Mais ça, ce n’est que mon avis personnel.

Ce week-end, la Breakin’ Convention arrive au pays. Que pensez-vous d’un tel évènement ?

J’avais déjà entendu le nom auparavant sans trop savoir de quoi il en retournait. J’ai eu l’occasion de manger avec Jonzi D, son créateur, qui m’a expliqué son idée. Et ça m’a ravi tout de suite, simplement parce qu’il incite les collectifs à venir avec leur création sur une scène professionnelle, ce qui est une grande chance pour tous. On n’est pas juste là pour boucher un trou et faire passer le temps, comme ça a pu déjà être le cas dans des lieux dits « respectables » : là, les artistes sont au centre et respectés.

Dans le hip-hop, on trouve deux états d’esprit : ceux qui veulent que cet art reste dans la rue, et ceux qui cherchent de la reconnaissance dans des hauts lieux artistiques. Avant de jouer sur la scène du Grand Théâtre, où vous situez-vous ?

Entre les deux ! À mes yeux, chaque artiste, quel qu’il soit, a sa place sur une scène. Et l’origine importe peu : un art vient de l’intérieur. C’est une idée, une envie, un ressenti que l’on a en soi. Après, c’est une question de choix, à savoir où on le développe, et avec qui on veut le partager !

Entretien avec Grégory Cimatti

Le programme du week-end

La Breakin’ Convention, au Sadler’s Wells à Londres, est considérée comme le plus grand festival mondial de danse hip-hop, mettant en vedette les meilleurs performeurs du monde entier… et du carrefour d’à côté ! L’évènement s’exporte aujourd’hui : organisée et animée par Jonzi D, pionnier du genre en Grande-Bretagne, la manifestation proposera au Grand Théâtre de Luxembourg un généreux week-end de performances réunissant des groupes champions du monde de street dance. Sur scène, mais aussi dans, et en dehors du théâtre, ateliers de danse, graffiti, DJ et sessions «freestyle» animeront ce rendez-vous.

L’objectif du festival, né en 2004, est, selon son créateur, de pousser plus loin la pratique du breakdance. Mieux : développer la recherche d’une langue théâtrale propre dans le milieu du hip-hop. Outre les nombreuses réjouissances, il réunit, sous la même bannière, artistes internationaux et locaux, dans l’objectif avoué d’un enrichissement respectif.

Ainsi, durant deux jours, le public pourra découvrir les représentants du cru : Fatal Fury, donc, mais également LX Crew, Press Play Dance Crew, Kendra Horsburgh BGDC, tout comme deux collectifs issus de la Grande Région : The Dancer’s et Okus Lab. À leurs côtés, des maîtres d’une discipline aux ramifications et genres multiples : Next Level Squad (États-Unis), ProMotion et Birdgang Dance Company (Grande-Bretagne), The Ruggeds (Pays-Bas), Wang Ramirez (France/Allemagne), Antoinette Gomis (France), Iron Skulls Co (Espagne), Favela Compagnie (France/Brésil) et Storm (Allemagne).

Grand Théâtre – Luxembourg. Samedi et dimanche dès 17h. Plus d’infos sur breakinconvention.com

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