C’est devenu une habitude : la Villa Vauban de Luxembourg, à un rythme régulier, exhume sa collection. Cette fois, elle donne un coup de projecteur sur des peintures, sculptures et gravures du XVIIe au XXe siècles.
« Portrait d’Agatha van der Horn, épouse de Cornelis Guldewagen », de Jan de Bray (1626-1697). (Photos : DR)
Que fait donc ce centaure, à la fière posture, dans les jardins de la Villa Vauban ? Il se met en évidence, pardi ! Un symbole quand on connaît la politique du musée qui, avec son cycle « Les collections en mouvement », dépoussière des œuvres à la visibilité réduite pour les mettre en lumière. Ce bronze, signé par l’artiste français François-Xavier Lalanne (1927-2008), ami de Max Ernst et héritier de Brancusi, se morfondait depuis trente ans devant l’église des Capucins. Le voilà aujourd’hui sur une nouvelle terre censée l’éloigner de l’indifférence cruelle des badauds.
À l’intérieur, au rez-de-chaussée de l’établissement, d’autres sculptures (des XIXe et XXe siècles) profitent elles aussi d’un nouveau coup de projecteur. Et même si la réunion est un brin foutraque – on saute sans crier gare du classicisme gréco-romain au romantisme – elle a le mérite de souligner trois aspects essentiels de la discipline : d’abord la différence des matériaux – entre les marbres (chers à Lorenzo Nencini) et les bronzes (des sculpteurs locaux Claus Cito et Auguste Trémont).
> La gravure comme une « photocopie » d’époque
Ensuite le glissement du figuratif vers l’abstraction, confrontant ici la faune d’Auguste Trémont aux formes arrondies suggestives du duo luxembourgeois Jean-Pierre Georg et Lucien Wercollier. Enfin, l’approche des surfaces est aussi révélée, entre celle classique – la sculpture est lisse et d’une seule pièce – et celle contemporaine – où elle relève plutôt de l’assemblage, comme l’illustre le « totem » de Bettina Scholl-Sabbatini (Oiseau Maya). Le tout baigne, en plus, dans la lumière du jour (la Villa Vauban a en effet rétracté le volet du plafond vitré), ce qui ne gâche rien, même si cet agrément sera plus efficace en été…
Au sous-sol (une bonne partie du musée est consacrée aux aquarelles de Sosthène Weis), la visite se poursuit à travers un choix d’environ 50 tableaux et une trentaine de gravures, dont des scènes de genre et des paysages néerlandais du XVIIe siècle et de nombreux portraits de différentes époques. Si l’établissement explique que plusieurs œuvres n’ont « jamais été exposées », certaines se rappellent toutefois aux bons souvenirs du public, comme ce Bœuf écorché de David Teniers le Jeune (1610-1690), déjà visible à l’occasion de l’exposition « Les animaux dans l’art », fin 2013.
Pour le coup, son assiduité devrait cette fois marquer les esprits, car le travail de ce même artiste est décliné un peu plus loin dans toute une série de gravures, celles-ci accompagnant les peintures de l’époque car fonctionnant comme une sorte de « photocopie », dixit les organisateurs. Moins onéreuse et plus facile à diffuser, elle était en effet le meilleur moyen pour dupliquer les motifs des maîtres, bien qu’ils soient, technique oblige, toujours reproduits à l’envers. En tout cas, ici, le monde paysan flamand – coutumier, apparemment, du tabac – est largement représenté.
Parmi les toiles exposées, si certaines font référence à des artistes ayant marqué leur temps comme Rembrandt (L‘Enfant au tambour) et encore Pieter Brueghel le Jeune (La Conversion de Saint-Paul), d’autres proposent de réelles surprises, fruits hasardeux de la restauration. Ainsi, après « dépoussiérage », on apprend que le Couple costumé en pèlerin et en lingère, aux origines jusqu’alors floues, est bel et bien un tableau d’Alexis Grimou. Ailleurs, on doute sérieusement de la paternité d’Antoine-François van der Meulen pour ce portrait de Don Ferdinand d’Autriche. Un autre atout ou une autre utilité de cette actualisation.
De notre journaliste Grégory Cimatti
Villa Vauban – Luxembourg. Jusqu’au 31 janvier.