Les 17 et 18 octobre, Everwaiting Serenade et Versus You fêteront leurs dix ans. Un anniversaire qui permet à ces «vétérans» de la scène luxembourgeoise de revenir sur une riche décennie. Entre Columbo, cafés et vieux groupes.
L’un est adepte de metal hardcoreet sort un nouvel et remuant album,No Harbor. L’autre fait dans le punk à consonance pop et se couvre la tête parce qu’il commence «à perdre sescheveux». Julien Primout, chanteurd’Everwaiting Serenade, et les deuxcompères de Versus You (Giordano Bruno et Eric Rosenfeld), réunis aucafé Renert, évoquent les évolutionsrespectives de leur groupe, cellede la scène luxembourgeoise et lamince frontière entre les styles.Souvenirs, souvenirs…
Le Quotidien : Ça vous fait quoi d’avoir dix ans, en même temps que la Rockhal?
(Cri général) Ouais!!!
Julien Primout : Elle va sûrement attirer tout notre public avec son anniversaire. Si tout le monde picole vendredi soir, qui restera disponible et frais le week-end?
Eric Rosenfeld : Disons qu’on n’a pas grand-chose en commun avec la Rockhal. On y répète, on y joue des fois des concerts. C’est tout.
Giordano Bruno : Et, chose importante, on ne touche pas de subventions de l’État non plus ( rire ).
E. R. : Et nos fêtes sont forcément plus petites! Plus sérieusement, pour nous, c’est juste une salle, trop froide à mon goût. Peut-être à cause de l’architecture…
J. P. : Quand on y entre, on a envie de mettre une veste (il frissonne) .
G. B. : Même en été!
Comment la scène a évolué ces dix dernières années?
J. P. : Il y a eu de gros changements. Comme la Rockhal, justement, ou l’Atelier et la Kulturfabrik donnent la chance à de jeunes groupes de s’y produire, ces derniers s’habituent à un certain confort et deviennent de plus en plus réticents à jouer dans des cafés. C’est même une pratique en train de mourir. C’est triste, d’autant plus que c’est dans ces endroits que l’on a commencé tous les trois.
E. R. : Aujourd’hui encore, avec Versus You, nos quelque 70-80 concerts annuels se passent dans de petits bars. Certaines jeunes formations du Luxembourg, elles, jouent leur deuxième ou troisième concert devant 2 000 personnes. Elles se disent « waouh ça marche mon groupe! ». Eh ben non , faire de la musique, c’est du travail. Mais comme on vit dans un petit pays, tout va trop vite…
G. B. : En tournée, on discute souvent avec des groupes anglais, français, américains, belges… Ils ne comprennent pas que l’on puisse faire de belles premières parties ou jouer devant un large public. Eux vivent de la musique, et pourtant, n’ont pas ces opportunités.
Défendez-vous cette culture « underground »?
E. R. : Depuis notre tendre jeunesse, on est dans le punk, et ça n’a jamais changé. J’aime l’idée d’une scène qui fasse bouger les gens. Mais tous les deux ans, il y a un turn over qui s’observe. Le public en a comme assez. Il a tout vu. Et se rabat alors sur les grosses structures, en consommateur, plutôt que sur des lieux plus intimistes, plus vivants.
J. P. : Sans oublier qu’un groupe a une durée de vie limitée. Il sort un EP, passe sur Eldoradio, joue directement au Rock-A-Field… et disparaît aussi vite. D’où aussi cette fierté d’être toujours là, dix ans après.
E. R. : C’est dans la durée qu’un groupe a des arguments à faire valoir. Car, encore une fois, tout est une question de travail. (Il regarde alors son ami Giordano en soufflant) Et on a beaucoup donné, non?
G. B. : Clairement.
Ces « passerelles » faciles nuisent-elles à la qualité des groupes?
E. R. : Il y a toujours eu de bons groupes au Luxembourg, et de bons musiciens. Et tous les styles sont aujourd’hui représentés, ce qui n’était pas le cas au début des années 2000.
Dix ans, c’est un anniversaire qui marque?
E. R. (tranchant) : Non. Simplement parce que j’ai écrit ma première chanson en 1997. C’est même bientôt mes 20 ans, en tant que musicien qui en a fait son métier. Après, pour Versus You, c’est différent. On y a investi pas mal de temps et d’argent. On a aussi perdu beaucoup de copines à cause de ce groupe. Autant alors célébrer cet anniversaire…
G. B. : Je ne suis pas, comme Éric, un « songwriter » qui a joué dans 10 000 groupes! Moi, je fais de la musique pour le plaisir, pas pour vivre. Fêter dix ans, c’est cool.
J. P. : Pour moi aussi, c’est très important. C’est le tiers de ma vie, avec tous les aléas qu’elle comporte en compagnie de quatre autres musiciens… À chaque album que l’on sort, on se dit : « On y est encore! » Ce qui n’a rien d’une évidence.
Quelle(s) qualité(s) appréciez-vous chez l’autre?
E. R. : Everwaiting Serenade a toujours été un groupe de qualité. Il n’a rien à envier aux pointures américaines du genre. Ce n’est pas moins bon.
J. P. : On avait organisé un concert ensemble, au Jahbar. Après notre passage, Eric a pris le micro et a dit : « Je n’écoute pas beaucoup de metal, mais quand j’en écoute, c’est Everwaiting Serenade! »
E. R. : Et tu t’en souviens encore!
J. P. : Ça m’a marqué à l’époque. Tout ça pour dire qu’au pays, il y a un profond respect entre les groupes.
E. R. : Même quand on n’aime pas, il faut respecter la création!
G. B. : Quoique votre dernier morceau est un peu trop « hardcore » à mon goût ( rire ).
Versus You aurait-il pu faire du metal et Everwaiting Serenade du punk?
J. P. : Je n’étais sûrement pas le plus punk des punks, mais j’ai commencé par là. Je me rappelle qu’en 1999, j’ai vu des concerts d’Eric et Giordano en train de foutre le bordel. Personnellement, à l’époque, je me faisais déglinguer parce que je portais des tee-shirts Korn! De toute façon, avec mes premiers groupes (NDLR : Major Damage et Hot Buddha), on était toujours à la limite entre les styles. Et, en plus, je n’ai jamais su faire autre chose que crier. Ça limite les genres!
E. R. : Moi, je ne suis pas fan de metal, mais j’ai joué dans des groupes aux riffs puissants (il se lance dans une démonstration d’air guitar) . Après, je n’aime pas trop quand les chanteurs changent leur voix et beuglent. Avec l’opéra, j’ai la même réticence!
G. B. : J’étais étudiant avec Julien, à Bruxelles, et on s’est tapé un paquet de concerts ensemble. Je n’ai aucun a priori sur aucun style.
Qu’est-ce qui pourrait unir vos deux groupes?
G. B. : L’époque d’où l’on vient, avec cette génération de 98-99 et ses Petrograd, Defdump, Time Sickness, Ex-Inferis… sans oublier la Kulturfabrik, qui débordait d’énergie. Et tout le monde jouait ensemble.
J. P. : Et ce n’était pas à la Rockhal, ni à l’Atelier, mais plutôt dans les petits bars comme le 911, La Malice…
E. R. : Finalement, dans le lot, tout le monde a disparu. Il ne reste plus que les Toxkäpp qui, eux, pour le coup, sont encore plus vieux que nous!
Dix ans, ça se fête. Qu’allez-vous prévoir le week-end prochain?
E. R. : Je vais regarder Columbo ! Je ne loupe aucun épisode…
J. P. : On va quand même essayer d’aller partout, même à la Rockhal… pour faire de la promotion pour samedi et dimanche!
Grégory Cimatti
- Everwaiting Serenade, «No Harbor» Album Release Party.
Melusina – Luxembourg. Samedi 17 octobre à 19 h. (Support : My Area, Another From Above & DJ CosmoFab).
- Versus You, «10 years later, Old & Bald» Party.
De Gudde Wëllen – Luxembourg. Dimanche 18 octobre à 14 h. (Support : The Majestic Unicorns from Hell et Freshdax).