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Entretien avec Joan Baez, la reine du folk (à Wiltz le 27 juillet)


Joan Baez médite dans une cabane de son jardin pour garder la forme. (photo DR)

Vingt ans après s’être produite à Bettembourg, Joan Baez sera de retour au Luxembourg, le 27 juillet, en marge du festival de Wiltz. À 74 ans, la reine du folk n’a rien perdu de sa verve.

Joan Baez est l’une des dernières représentantes de la génération Woodstock et regarde cette époque avec nostalgie. Celle qui a chanté,et aimé, Bob Dylan, repris des tubes de The Band ou des Rolling Stones,apprécie toujours le contact avec le public et sort régulièrement de saretraite californienne pour honorer quelques tournées dans le monde.

Le Quotidien : Vous souvenez-vous de votre dernier passage au Luxembourg?

Joan Baez  : Absolument pas! Je voyage tellement que j’oublie parfois où je suis passée. En tout cas, c’est avec plaisir que je vais rencontrer le public luxembourgeois cet été.

Savez-vous déjà ce que vous allez chanter lors de votre tournée européenne?

Le set n’est pas totalement finalisé, mais je sais déjà quels morceaux le composeront. Après, j’ai l’habitude de l’adapter en fonction des endroits où je passe. J’aime jouer des morceaux dans la langue du pays. Au Luxembourg, je risque donc de chanter en français ou en allemand.

Aurons-nous droit à des classiques comme Diamonds and Rust ou Here’s to You ?

Quand je monte sur scène, je sais que le public s’attend à ce que je chante certains de mes tubes et c’est normal, je lui suis redevable. Alors je les lui offre, mais je vais également chanter de nouveaux morceaux.

Des compositions pour un nouvel album?

Oui, je travaille à un nouveau disque, même si je n’ai, à l’heure actuelle, aucune idée du moment où il sera prêt.

Vous avez fêté l’année dernière vos 55  ans de scène. N’êtes-vous pas lassée par cette vie de saltimbanque?

Oh mon Dieu, 55 ans (soupir). Je sais que j’arrêterai un jour, mais je ne sais pas encore quand. Vous savez, les cordes vocales sont un muscle et comme tous les muscles, elles fatiguent. Elles sont rattrapées par la gravité. Quand elles ne pourront plus produire ce que je leur demande, j’arrêterai.

Vous êtes la reine du folk, mais aussi l’incarnation des chanteurs engagés. Pensez-vous qu’il y ait encore une place pour les chansons de contestation aujourd’hui?

Toutes les époques sont différentes et celle que j’ai connue ne se répétera sans doute pas, en tout cas de mon vivant. Cela a duré dix ans avec l’explosion de talents comme Bob Dylan, les Rolling Stones, Joan Baez, Janis Joplin, Jimmy Hendrix. Le public attend que cela arrive à nouveau, mais je n’y crois pas. Aujourd’hui, vous avez des artistes comme Rihanna. Elle est très fraîche, très douée. Je crois que le public actuel ne veut pas de chansons politiques. Les choses autour de nous les dicteront.

Le monde aujourd’hui n’est pas vraiment meilleur que celui que vous dénonciez dans les années 60.

Je crois même qu’il est pire. Mais le fait est que dans les années 60, sans doute grâce à la musique, nous avions la sensation d’appartenir à une même communauté de personnes qui travaillaient ensemble et dans un même but. La plupart des jeunes, aujourd’hui, n’ont jamais connu cela. Sauf peut-être quand Barack Obama s’est présenté en 2008. À cet instant, ils ont pu ressentir ce que cela fait d’être frères et sœurs et de pouvoir changer les choses.

Mais il est aujourd’hui très difficile de donner de l’espoir aux gens. Il y a de nombreuses personnes qui font des choses pour rendre le monde meilleur, mais cela se voit moins que dans les années 60. À l’époque, c’était plus facile, il y avait la guerre du Vietnam, le mouvement pour les droits civiques. C’était des objectifs très clairs pour nous. Aujourd’hui, nous sommes plongés en plein chaos, dans un monde désastreux. Ce qui compte, ce sont toutes les petites victoires, tous ces petits actes qui ont de grandes conséquences.

Vous parlez de Barack Obama que vous avez soutenu en 2008. Son second mandat touche à son terme, comment jugez-vous son action depuis presque huit ans?

Il s’est battu comme un fou, mais il a été arrêté à chaque fois qu’il a tenté de changer les choses par les républicains, qui ont utilisé toute leur énergie pour bloquer les réformes. Je ne sais pas comment il a fait pour traverser ces deux mandats. Bien entendu, je pense que certaines choses auraient dû être faites, mais qu’on l’en a empêché.

Les récentes émeutes raciales à Baltimore montrent-elles que les choses n’ont pas changé, notamment pour la communauté noire américaine?

Il y a eu des changements irréversibles dans la société américaine mais il y a aussi des problèmes qui sont restés dans l’ombre, toutes ces années. C’est terrible. Quand on voit qu’un jeune Noir ne doit pas être aperçu la nuit dans certains quartiers. Nous, les Américains qui vivons hors de ces ghettos raciaux, nous ne le savions pas et, heureusement, nous sommes scandalisés quand nous l’apprenons. Je crois que les manifestants font un vrai effort pour éviter que leurs marches pacifiques tournent à l’émeute. Mais c’est souvent impossible car les agents du gouvernement interviennent et mettent de l’huile sur le feu. La plupart des manifestants ont fait preuve d’une immense patience. Et cela permet de faire connaître au monde entier ces affaires qui étaient étouffées par le passé.

Vous incarnez les années 60, avec votre apparition à Woodstock, votre relation avec Bob Dylan. Gardez-vous des contacts avec ceux qui ont croisé votre chemin à cette époque?

J’ai vécu une vie relativement solitaire, avant les années 60 et après. J’ai un très grand respect pour mes collègues. Mais quand je rentre à la maison après mes tournées, je ne voyage pas beaucoup.

Méditez-vous beaucoup dans la cabane que vous avez construite dans un arbre de votre jardin?

Non, pas trop, juste ce qu’il faut pour ne pas perdre la tête (rire).

Après votre passage en Europe, vous mettrez le cap sur l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Vous appréciez ces longues tournées?

Lors de mon dernier passage en Australie, mon fils et moi avons poursuivi le voyage vers Alice Springs, au milieu du pays, et nous avons campé au pied d’Uluru, sous cet incroyable ciel étoilé. Je n’ai même pas le temps de souffrir du décalage horaire.

Qu’écoutez-vous aujourd’hui?

Rihanna est un de mes derniers coups de cœur. Sinon, j’écoute énormément le dernier album de Damien Rice, My Favourite Faded Fantasy , et tout ce que chante Mumford, même ce qu’il fait avec son nouveau groupe électrique. Mais comme beaucoup de personnes de mon âge, je reviens vers ce que j’ai toujours aimé et la musique classique. J’ai toujours admiré le ténor suédois Jussi Björling et les œuvres de Bach et Schubert et, de temps en temps, Tchaïkovski.

Vous êtes assez actives sur les réseaux sociaux, c’est important pour vous?

Je dois vous avouer que je n’y touche pas. C’est mon assistante qui m’a proposé de s’en occuper et je lui ai donné mon feu vert. Je préfère peindre, c’est ce qui m’intéresse actuellement.

À Wiltz, vous vous produirez en plein air. Appréciez-vous ce cadre d’expression?

En plein air, cela ne ressemble jamais à ce que vous espériez. Il y a une petite incertitude que l’on ne connaît pas en intérieur. J’aime les concerts à l’extérieur

Savez-vous ce que vous jouerez à Wiltz?

Non, je vous laisse deviner. Mais je vous garantis que cela sera bien.

Serez-vous seule sur scène, avec votre guitare?

Je serai accompagnée d’un multi-instrumentiste et d’un joueur de percussions.

Propos recueillis par Christophe Chohin

>> Joan Baez sera en concert à Wiltz (château), le 27 juillet à 20 h 30.

 

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