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Enoteca Pinchiorri : le mystère de Florence


La beauté froide des assiettes laisse peu de place à l'émotion gustative. (photo DR)

L’Enoteca Pinchiorri, à Florence, est présenté comme une des meilleures tables d’Italie, et comme la meilleure de Toscane. Le tout est pourtant surfait.

Trois macarons et quatre couverts dans le Michelin Italie, la success story d’un couple de cuisiniers se cache dans un Relais & Châteaux situé à quelques rues du Palazzo Vecchio de Florence. Mérite-t-elle pour autant le détour?

De l’Italie, on aime les petits restaurants sans prétention, ceux qui servent la cuisine ancestrale de la Botte, modernisée au fil du temps par des générations de cuisinières qui maîtrisent à la perfection la tradition de la pasta.

En Italie, il est impossible de ne pas se régaler, quelle que soit la région visitée. Chaque ville, chaque village, possède son enoteca ou son auberge à même de préparer plats régionaux et classiques. Alors, à quoi bon prendre le risque du restaurant star quand la moindre adresse conseillée dans les guides sait séduire? Parce que c’est l’Italie, sa grandeur culinaire, son mythe de l’exigence de bonne chère.

Classé 32e meilleur établissement du monde par le magazine britannique Restaurant en 2008, l’Enoteca Pinchiorri est une institution à deux têtes, Giorgio Pinchiorri et son épouse, la Française Annie Féolde. Deux personnalités fantasques que l’on croise autour des tables, le premier chien dans les bras, la seconde brushing impeccable. Des stars de la cuisine qui se comportent comme telles.

Des assiettes picturales

Mais la cuisine, justement, est-elle celle des stars? Sans doute, car le restaurant a su se construire une réputation à l’international. À tel point que le soir de notre visite, peu d’Italiens étaient à table. Des Français, Russes, Japonais et Américains s’offraient le mythe toscan. Une pointe d’inquiétude nous étreignait alors que le menu était chichement servi sans mise en bouche, à l’exception d’une tomate issue de la cuisine moléculaire, sans grand intérêt. La suite relevait le niveau, avec un choix parfait des ingrédients et une cuisine fine et dosée, entre les inévitables pâtes à la poutargue et le poisson et ses petits légumes, sans oublier la viande, fondante et goûteuse. Mais rien, à aucun moment, avec le souffle épique de ces surprises culinaires que savent concocter les grands chefs. Le dessert, une déclinaison autour de l’abricot, mettait fin à une dégustation plaisante à défaut d’être inoubliable.

Il en va ainsi à l’Enoteca Pinchiorri. Les assiettes sont belles, pour ne pas dire picturales, mêlant couleurs et matières pour le plaisir des yeux. Un design que l’on retrouve dans les différentes salles de cet ancien palais florentin.

On est sans doute en droit d’attendre davantage d’un tel établissement qui a su, au fil du temps, devenir incontournable pour les gastronomes du monde entier. Un peu de générosité, celle-là même qui s’exprime dans les mises en bouche et autres intermèdes lorsqu’il s’agit de préparer le palais pour le plat suivant, curieusement absents. Ou encore dans le service, froid et surtout peu italien. Aller dans un temple de la gastronomie toscane pour être servi en anglais par des employés qui font le tour du monde des palaces, il y a de quoi être déçu en matière d’authenticité. C’est le principe de l’Enoteca Pinchiorri, la perfection à défaut de l’émotion. Pour cette dernière, on se retournera donc vers ces petites adresses transmises discrètement entre Italiens. Ces salles bruyantes sans pianiste à la mode, mais plutôt avec un brouhaha et une joie communicatifs.

Christophe Chohin

Table d’exception. Enoteca Pinchiorri, 87, via Ghibellina, 50122 Florence (Italie). Tél.  :  00  39  05  52  42 757. Menu  : 175  euros/225/250. Carte  : 150/200  euros.

Une sublime carte des vins

L’Enoteca Pinchiorri est aussi, et surtout, connue pour sa carte des vins, l’une des plus complètes, sinon la plus complète, du monde. Toutes les folies sont possibles, avec des vins du monde entier, de l’Opus One californien au Cloudy Bay néo-zélandais en passant par de rares Romanée-Conti et des merveilles italiennes. Attention, la moindre bouteille vaut une centaine d’euros et les tarifs peuvent rapidement atteindre des sommets, à quatre voire cinq chiffres.