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En Iran, le feu sacré des zoroastriens continue de brûler


(photo AFP)

Un feu qui ne doit jamais s’éteindre : au temple de Yazd, au cœur de l’Iran, un prêtre fait perdurer l’élément symbolique du zoroastrisme, une religion vieille de 3 500 ans, prédominante au temps de l’Empire perse et pratiquée aujourd’hui par 200 000 personnes.

Tout de blanc vêtu, le prêtre dépose délicatement une bûche sur les braises : brûlant depuis des siècles, le feu ne doit pas s’éteindre pour que perdure la religion zoroastrienne, l’un des plus vieux cultes monothéistes du monde. «Ce feu est actif depuis plus de 1 500 ans. Pour qu’il ne meure jamais, deux personnes le surveillent jour et nuit par roulement», explique Simin, une jeune femme accueillant les visiteurs dans le «temple du feu» de Yazd, ville du centre de l’Iran.

Doté de pouvoirs purificateurs et symbole de la vérité, le feu est vénéré dans le zoroastrisme, cette religion fondée il y a environ 3 500 ans par le prophète Zarathoustra (ou Zoroastre). Toutes les précautions sont donc prises pour que «le feu ne soit jamais contaminé», indique Simin. Seul le prêtre peut s’approcher de la vasque où il se consume, un masque sur la bouche pour que son souffle ne le souille pas. Croyants et visiteurs le regardent derrière une vitre depuis une grande salle vide, dont le seul décor est un grand tableau représentant Zarathoustra.

Le zoroastrisme a été la religion officielle de la Perse jusqu’à ce que la plupart de ses adeptes ne se convertissent à l’islam lors de la conquête arabe au VIIe siècle. Depuis, malgré les répressions et les conversions forcées, les zoroastriens ont réussi à traverser les siècles. Mais leur nombre ne dépasserait pas les 200 000 dans le monde, surtout en Iran et en Inde, selon les estimations. «Notre religion a toujours sa place dans l’histoire du monde et elle continuera à exister», affirme, optimiste, Bahram Demehri, 76 ans, l’un des piliers de la communauté de Yazd.

Les zoroastriens, très discrets

Ce professeur retraité cultive le volontarisme en assurant que le zoroastrisme possède des réponses aux préoccupations spirituelles et environnementales de l’époque. Notamment en accordant une dimension sacrée aux quatre éléments indispensables à la vie : l’air, l’eau, la terre et le feu, qui «ne doivent pas être contaminés par l’action de l’homme». Le code de bonne conduite du zoroastrisme – «bonnes pensées, bonnes paroles, bonnes actions» – est symbolisé par les ailes géantes de l’homme-oiseau (le Faravahar), qui est sculpté aux frontons de tous les temples, celui de Yazd en tête.

«Cultiver la joie de vivre est essentiel dans la pratique de notre religion», souligne Simin. L’année est rythmée par une succession de célébrations, dont les plus anciennes ont été adoptées par l’ensemble des Iraniens, pourtant en très grande majorité musulmans chiites. C’est le cas de la fête très populaire de Norouz, qui marque, le 21 mars, le nouvel an persan et l’arrivée du printemps.

Depuis la révolution de 1979, la République islamique reconnaît les zoroastriens comme une «minorité religieuse» et leur accorde la liberté de culte. Ils sont représentés au Parlement avec un député élu par leurs soins, qui siège aux côtés de trois chrétiens (deux Arméniens et un Assyrien) et d’un juif. «Les lois nous protègent. Les zoroastriens sont des membres actifs de la société iranienne. Beaucoup d’entre eux sont secrétaires, professeurs d’université, employés du gouvernement ou ouvriers», assure Bahram Demehri. En revanche, le rang d’officier de l’armée leur est interdit, ainsi que la possibilité d’être candidat à la présidence de la République.

Freddie Mercury, le plus célèbre

Au fil des siècles, les zoroastriens ont pris l’habitude de rester discrets, se gardant de tout prosélytisme. Ils ont également dû abandonner certaines de leurs traditions, comme les «funérailles célestes» au sommet des «tours de silence», des monticules situés dans le désert, à la périphérie de Yazd. Ils y disposaient leurs morts pour qu’ils y soient dévorés par les oiseaux charognards, vautours et corbeaux en tête. Depuis l’interdiction de cette pratique pour raisons sanitaires à la fin des années 1960, le site déserté accueille les curieux et les zoroastriens enterrent leurs défunts dans un cimetière implanté à proximité.

Pour l’avenir, l’un des défis est de maintenir les rites alors que la communauté s’éparpille dans le monde, avec le départ de nombreux jeunes vers les États-Unis, le Canada ou l’Europe. «Des efforts ont été faits pour moderniser les rites. Mais il est difficile de demander à des jeunes qui aiment la pizza de manger nos pains traditionnels insipides cuits à l’occasion des célébrations», explique Bahram Demehri.

Alors qu’il ne resterait qu’environ 35 000 zoroastriens en Iran, des centres ouvrent à l’étranger, comme celui qui occupe depuis peu un bâtiment historique en Californie, où vit une importante communauté iranienne. Le plus célèbre de ces exilés est Freddie Mercury, le chanteur du groupe Queen, dont la famille zoroastrienne avait quitté l’Inde pour s’installer en Angleterre. Après son décès en 1991, une partie de ses obsèques se déroula selon les rites zoroastriens.