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En Charente-Maritime, les vols d’huîtres ont quasi quadruplé


Pour voler des quantités aussi importantes, "il faut des moyens humains et matériels. Ça ne peut être que l’œuvre de professionnels". (illustration AFP)

Marennes Oléron, fines de claire : les huîtres de Charente-Maritime attirent les convoitises pour les fêtes et, malgré la surveillance renforcée des gendarmes, les vols ont repris de plus belle cette année avec près de quatre fois plus de coquillages dérobés qu’en 2018.

La brigade nautique de la gendarmerie de Charente-Maritime a beau faire, les vols d’huîtres sont en nette recrudescence depuis le début de l’année : 24,7 tonnes ont disparu des parcs qui s’étendent le long du littoral ou dans les claires d’affinage, à terre, contre 6,6 tonnes l’an dernier. Les gendarmes multiplient pourtant les opérations de surveillance : contrôle des claires et des routes à terre, approche en canoë-kayak à travers les canaux d’irrigation qui relient les claires à l’océan, drones aériens, surveillance nautique, inspection des étals de marchés…

Malgré tout, 24 plaintes ont déjà été déposées cette année. « On nous a volé 600 kilos d’huîtres en même pas trois quarts d’heure en octobre, témoigne Patricia Margat, exploitante à Fouras, en face de l’île d’Aix. On a mis les huîtres en parc le vendredi et le lundi c’était fait. Et encore, les voleurs ont dû être dérangés par quelqu’un qui arrivait sur la passe d’accès parce qu’ils avaient détaché des poches qu’ils n’ont pas prises. Des huîtres prêtes à vendre. Ce n’est pas la première fois qu’on nous vole, mais là la quantité est importante ».

« C’est la catastrophe, une année noire, on ne comprend pas ce qui se passe, se désole l’adjudant-chef Christophe Laferrière, qui commande la brigade nautique de Charente-Maritime, chargée de surveiller le littoral. Et l’enjeu économique est important car la Charente-Maritime représente le tiers des expéditions nationales d’huîtres, soit quelque 30 000 tonnes faisant vivre un petit millier d’exploitants locaux.

Des huitres « connectées » comme solution

Il faut remonter à 2011 pour trouver un total de vols plus important. Cette année-là, 40 tonnes avaient disparu, souvent la nuit. Mais à cette époque, la très grande mortalité des huîtres juvéniles, qui impactait jusqu’à 90% du cheptel depuis 2008, pouvait expliquer ces razzias, souvent attribuées à d’autres ostréiculteurs. Aujourd’hui, les huîtres sont en bonne santé et cette explication ne tient plus. « C’est plus facile de voler que de travailler », tranche Daniel Coirier, président du Comité régional de la conchyliculture de Poitou-Charentes.

L’adjudant-chef note un autre changement : « d’ordinaire les vols sont commis à l’automne, avant les fêtes, mais cette année on en a eu dès les mois de janvier et février, puis en juillet et en août, dans les claires comme dans les parcs ». Parfois, ce sont quelques poches de 13 kg d’huîtres qui disparaissent, ce qui pourrait être le fait de particuliers. Mais lorsque 2,4 tonnes sont volées sur l’île de Ré, ou encore 3,8 et 5,3 tonnes d’un seul coup dans le bassin de Marennes-Oléron, « il faut des moyens humains et matériels. Ça ne peut être que l’œuvre de professionnels », pense Daniel Coirier.

Pour enrayer le phénomène, « il faudrait que l’on puisse clairement identifier les parcs à huîtres, qui ne sont délimités que par un bâton ou un fanion, expose l’adjudant-chef Laferrière. On a fait une demande au service des cultures marines de Charente-Maritime pour avoir le cadastre des claires et effectuer ainsi des contrôles plus facilement. Il faudrait aussi que les ostréiculteurs installent des clôtures autour des claires, ou des caméras, ou bien fassent appel à des agents de sécurité ».

Emmanuel Parlier, fondateur de la société Flex-Sense, qui développe les huîtres connectées par GPS et cachées dans les poches de coquillages, plaide pour son système. « Les huîtres connectées sont très efficaces, mais je constate régulièrement que des ostréiculteurs ne veulent pas payer une dizaine d’euros d’abonnement mensuel pour se protéger. Ils veulent attraper les voleurs. Ils font alors supporter le coût de la surveillance par la force publique », dit cet expert judiciaire en aquaculture auprès de la cours d’appel de Poitiers.

LQ/AFP