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« Domina », du mummy porn à Venise


L'auteure anglaise L. S. Hilton livre le deuxième volet de sa trilogie noire et érotique. (photo Maki Galimberti)

Après Maestra, voici Domina – le deuxième volet du triptyque de L. S. Hilton. À Venise, un thriller dans le monde de l’art. Du noir mais aussi du rose, c’est du «mummy porn»…

L’an passé, ce fut une vague. Le monde des livres était submergé par le «mummy porn» –en français, le «porno pour maman» ou encore «le porno pour la ménagère de 50ans». Ainsi, quatre ans après les Cinquante Nuances de Grey d’E.L. James, une Britannique ayant tout juste passé la quarantaine proposait Maestra, premier volet d’une trilogie et, selon son éditeur français, «le thriller le plus scandaleusement original que vous lirez cette année»…

dominaEn cette fin de printemps, L.  S. Hilton est donc de retour avec le deuxième tome de sa trilogie. Cette fois, c’est Domina , et on retrouve l’héroïne Judith Rashleigh, jeune femme diplômée et talentueuse, à Venise après l’avoir quittée sur la Côte d’Azur.

« La suite des aventures de Judith devait avoir lieu à Venise, confie l’auteure , parce que cet endroit lui ressemble. Judith est à la fois légère et attachée à la vérité, elle rêve de gloire, mais souhaite échapper à son identité. »

Premières phrases du prologue  : «Je mourais d’envie d’en finir, mais je me suis forcée à y aller lentement. J’ai fermé les volets des trois fenêtres, ouvert une bouteille de gavi pour en servir deux verres, et allumé les bougies. Un rituel familier, identifiable, rassurant. Il a posé son sac, enlevé sa veste et l’a pendue au dossier d’une chaise sans me quitter des yeux»…

«Toute nue, je suis allée jusqu’au dressing…»

Deux pages plus loin, toujours Judith  : «Toute nue, je suis allée jusqu’au dressing chercher un paquet de feuilles Rizla dans un tiroir, en prenant soin d’activer au passage le brouilleur de wifi. Plus de mises à jour en temps réel pour lui. J’ai ajouté de l’eau froide et un filet d’huile d’amande douce…»

Installée dans un bel hôtel de Venise la sérénissime, Judith tient une galerie d’art et mène grande vie. Le luxe, elle s’y baigne avec délectation. Enfin, nous dirait-elle.

Mais on sait aussi, par expérience et surtout dans les livres, que le passé inévitablement ressurgit un jour, toujours. Une personne connaît ses méfaits, les crimes du passé, va tenter de la faire chanter, lui demander de retrouver un tableau mythique –  c’est le prix du silence.

Problème  : Judith n’est pas la seule à la recherche dudit tableau. Vite, elle comprend qu’elle est manipulée mais ne peut rien y faire. Pis  : si elle ne retrouve pas le tableau, elle ne finira pas vivante dans cette histoire.

Le rose et le noir

On l’aura compris, si L.  S. Hilton avait déroulé ainsi son intrigue, ce ne serait rien de plus qu’un thriller ordinaire. De ces polars qu’on trouve au kilomètre sur les linéaires des librairies… Mais l’auteure britannique qui revendique son intérêt tant pour Marcel Proust que pour le couturier Marc Jacobs est une des stars du «mummy porn».

Donc, comme par obligation, dans Domina comme elle le fit dans Maestra , elle mêle au noir le rose.

Ce qui donne un roman furieusement cru  – qui flirte sans cesse avec le goût de l’interdit, du scandale mais qui, en fait, ne bouscule pas les lois du genre avec son théâtre de beautiful people et des passages qui sentent vaguement la sulfure  – un ami s’adresse à Judith  : «Il y avait un couple, hétéro, un mec et une nana. Des touristes français. Quelqu’un les avait repérés dans la ville et les avait amenés à la villa –  pour des rapports. – Des rapports? – Sexuels. Devant tout le monde. Ils ont fait l’amour devant nous. Elle, elle avait l’air de prendre son pied, mais on voyait que le mec était triste, même s’ils étaient payés. Et nous, on a regardé »…

L’an prochain, l’universitaire de formation qu’est L.  S. Hilton sortira l’ultime volet de son triptyque. Mais déjà, la télévision s’est emparée de l’histoire  – l’adaptation est en cours avec six à huit épisodes de prévu. Le «mummy porn» a encore de beaux jours.

Surtout avec Judith, beauté vénéneuse tout droit sortie des films noirs hollywoodiens.

Serge Bressan

Domina, de L.  S. Hilton. Robert Laffont.