Mardi 24 novembre, trois chefs ont donné libre court à leur inspiration lors d’un dîner d’exception organisé par Julien Elles, aux commandes du Two6Two, à Strassen.
La mode est à la pluralité dans les cuisines des chefs de la Grande Région. Deux semaines après le duo entre Cyril Molard, de Ma Langue Sourit, et Loïc Villemin, du Toya, il fallait être à Strassen pour profiter d’un nouveau festival des goûts. Un moment rare dans les restaurants luxembourgeois.
Les vases communicants n’en finissent plus de couler, au Luxembourg comme dans la Grande Région. Au milieu de ces échanges culinaires, le prometteur Loïc Villemin, chef étoilé du restaurant Toya, à Faulquemont, en Moselle. Deux semaines après sa démonstration, à domicile, avec Cyril Molard, de Ma Langue Sourit, il s’est exporté avec talent, dans les cuisines de Julien Elles, le chef du Two6Two de Strassen. Et comme «plus on est de fous…», René Mathieu, de La Distillerie, à Bourglinster, s’est joint à la fête.
Un menu à trois avec, forcément, un trio de mises en bouche. Le maquereau pour René, la forêt de Loïc et le dashi de Julien. Soit un maquereau mariné et parfumé, une délicate forêt de champignons et d’herbes puis un homard dans une gelée japonaise. Quand les chefs ont carte blanche, ils s’amusent.
Par exemple à décliner le potiron en trois façons, pour l’entrée. Julien Elles choisit un risotto de cubes de potirons parfait, parfumé par un bouillon de viande, Loïc Villemin trempe sa Saint-Jacques dans une émulsion de potiron pendant que René Mathieu interprète les courges de Sandrine, comme il sait si bien le faire dans son restaurant.
La grandeur des légumes
La suite est un surprenant, pour ne pas dire sublime, navet rôti et caramélisé, relevé de raifort, citron et poivre, dans une version parfaite de ce légume, préparé par Loïc Villemin. René Mathieu, docteur ès légumes, y va de ses ravioles végétales, tout à tour à la betterave et citron, au céleri rave et fenouil, à la carotte et coriandre, au chou rave et truffe et à la betterave jaune et coing. Du grand art. Julien Elles relève le gant avec des poireaux confits parfumés de trompettes de la mort.
La viande est, elle, préparée à trois. Un dos de biche de Sologne saignant, presque bleu, à la tendreté sans faille, servi avec une réduction de jus de chocolat et une déclinaison de choux.
En dessert, René Mathieu interprète les parfums du Château Pauqué, vin luxembourgeois aux essences de coing, de poire et d’abricot. Julien Elles déconstruit la tarte au citron dans un exercice délicat. Loïc Villemin, qui aime le risque, livre un céleri rave (oui, oui !) en croûte de sucre avec un sorbet au vinaigre de coing.
Une expérience que les clients du Two6Two ne devraient pas oublier de sitôt, tant les talents réunis ce soir-là ont rendu une impeccable copie.
« Ce concept est bon, je vais essayer de faire des quatre mains une fois par mois à la Distillerie dès l’année prochaine , envisage maintenant René Mathieu, visiblement amusé. On était trois générations de chefs. Un trentenaire, un quadra et un quinqua. Et on voit la différence de caractère, entre le jeune qui déborde d’énergie et moi qui suis plus posé. » Pour Loïc Villemin, le jeune trentenaire énergique, « il ne faut pas le prendre comme un défi mais comme un moment de partage ». Même discours chez Julien Elles qui, comme ses collègues, a profité de la soirée pour apprendre et observer. « On commente nos plats, on les goûte et on n’hésite pas à suggérer. » Tant mieux pour les gourmands.
Christophe Chohin
Très bonne table. Restaurant Two6Two, 262 route d’Arlon, 8010 Strassen. Tél. : 26 11 99 97. Menus : 28, 32, 55, 90 euros.