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Déroutant, captivant : « 3 Billboards », l’outsider devenu favori des Oscars


L'équipe du film qui a décroché quatre récompenses majeures aux Golden Globes, l'antichambre des Oscars. (photo AFP)

Drame policier mâtiné d’humour noir, « 3 Billboards » du Britannique Martin McDonagh, en salles mercredi, excelle autant par son scénario, ses dialogues, son ambiance que ses comédiens, au point d’être devenu un des favoris aux Oscars, après sa récente moisson aux Golden Globes.

Lauréat en septembre du Prix du public au Festival de Toronto, qui est généralement un premier indicateur fiable pour dresser des pronostics, 3 Billboards vient de remporter quatre récompenses majeures aux Golden Globes, l’antichambre des Oscars : « Meilleur film dramatique », « Meilleur scénario », « Meilleure actrice dans un film dramatique » pour Frances McDormand et « Meilleur acteur dans un second rôle » pour Sam Rockwell. Seul le prix du « Meilleur réalisateur », décerné au Mexicain Guillermo Del Toro pour La forme de l’eau, a échappé à Martin McDonagh, 47 ans, dramaturge passé par le théâtre et dont le talent de scénariste et de dialoguiste a été salué à la dernière Mostra de Venise, qui a récompensé le film du Prix Orsella du meilleur scénario.

Dire que son troisième long métrage (après Bons baisers de Bruges et Sept psychopathes), bénéficie d’une écriture inspirée, ciselée, dynamique est un doux euphémisme. Chaque réplique prononcée par les comédiens est d’une justesse imparable.

Tension et suspense émotionnel

Impressionnante même, surtout pour ce qui est de dresser un portrait réaliste de l’Amérique profonde, des sans droits, de la part d’un cinéaste anglais d’origine irlandaise, dont 3 Billboards est la première incursion outre-Atlantique.

L’histoire se situe à Ebbing, une bourgade imaginaire du Missouri. Plusieurs mois se sont écoulés depuis le viol et le meurtre de la fille de Mildred Hayes (Frances McDormand) et l’enquête ne progresse toujours pas. A bout, elle décide de faire placarder sur trois panneaux publicitaires géants à l’entrée de la ville des messages qui fustigent l’inefficacité du chef de la police locale, le pourtant très respecté William Willoughby (Woody Harrelson).

Entre les forces de l’ordre, dont l’impulsif et violent officier Jason Dixon (Sam Rockwell), et Mildred, c’est le début d’une escalade incontrôlable, dont les conséquences sont imprévisibles.

Car c’est aussi une des grandes qualités de ce film que d’éviter tout manichéisme. A ce titre, Martin McDonagh ne cède à aucune facilité scénaristique et parvient à garder sous tension son spectateur, tout en installant un véritable suspense émotionnel. A la gravité de certains instants succèdent parfois subitement des pics d’humour inattendus mais jamais incongrus. Le parfait équilibre obtenu tient autant aux dialogues qu’aux personnages imaginés par McDonagh. Tous sont passionnants à suivre pour leur psyché, leur mode de pensée, leurs traumatismes et in fine leur évolution à l’écran et dans l’histoire.

L’ombre des Frères Coen

Du pain bénit pour le mésestimé Sam Rockwell, en qui George Clooney avait vu le gros potentiel dans sa première réalisation Confessions d’un homme dangereux et qui trouve là le rôle de sa carrière, en policier bas du front duquel se dégage quelque chose d’enfantin. Et pour Frances McDormand, formidable en mère dure à cuire, animée par le chagrin et la colère.

Une performance plus dense encore que dans Fargo, qui lui avait valu un Oscar en 1997. L’ombre des frères Coen, qui dressent depuis trente ans un tableau désopilant et sans concession de l’Amérique profonde, plane d’ailleurs sur 3 Billboards, inutilement sous-titré « Les panneaux de la vengeance » en français. On pense aussi à leur grand film No Country for Old Men où violence et humour à froid faisaient également bon ménage. Mais contrairement à ce dernier, qui ne se départait jamais de son côté sombre, l’espoir perce derrière les panneaux de 3 Billboards.

Et avec lui, la possibilité d’une rédemption, de parvenir à accepter la mort, de continuer à vivre malgré elle. Même si l’habile séquence finale se garde bien d’induire si au bout de la route il y la reconstruction ou l’autodestruction.

Le Quotidien/AFP

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