Le peintre et sculpteur colombien Fernando Botero, célèbre pour ses personnages aux formes voluptueuses et considéré comme l’un des plus grands artistes du XXe siècle, est décédé.
« Fernando Botero, le peintre de nos traditions et de nos défauts, le peintre de nos vertus, est mort », a annoncé vendredi sur le réseau X (anciennement Twitter) le président colombien Gustavo Petro.
« Le peintre de notre violence et de notre paix. De la colombe mille fois rejetée et mille fois placée sur son trône », a ajouté le chef d’Etat, en référence à l’un des animaux emblématiques de l’artiste.
Il n’a donné aucuntre précision sur le lieu de son décès. Fernando Botero, né en 1932 à Medellin, dans le centre de la Colombie, est considéré comme l’un des plus grands artistes du XXe siècle.
Selon la presse colombienne, qui saluait vendredi matin à l’unisson « le plus grand artiste colombien de tous les temps », le maître avait vu son état de santé s’aggraver ces derniers jours, souffrant notamment d’une pneumonie.
« Quitter ce monde »
« Je pense souvent à la mort et cela m’attriste de quitter ce monde et de ne plus pouvoir travailler parce que je prends beaucoup de plaisir à mon travail », avait confié le « maestro » lors d’un entretien à l’occasion de ses 80 ans en 2012.
Fils d’un représentant de commerce, il s’initie à l’art très tôt. À l’âge de 15 ans, il vendait déjà ses dessins de tauromachie aux portes des arènes de Bogota.
« Quand j’ai débuté, c’était un métier exotique en Colombie, qui n’était pas bien vu et n’offrait aucun avenir. Lorsque j’ai dit à ma famille que je comptais me dédier à la peinture, ils m’ont répondu : Bon d’accord, mais nous ne pouvons pas t’aider », racontait l’artiste colombien le plus coté au monde.
Après une première exposition individuelle à Bogota dans les années 1950, il part pour l’Europe, séjournant en Espagne, France et Italie où il découvre l’art classique. Son œuvre est aussi influencée par l’art précolombien et les fresques du Mexique, où il s’installera plus tard.
Sa carrière décolle dans les années 1970 lorsqu’il rencontre le directeur du musée allemand de New York, Dietrich Malov, avec lequel il organisera plusieurs expositions à succès. « Totalement inconnu, sans même un contrat avec une galerie de New York, j’ai alors commencé à être contacté par les plus grands marchands d’art du monde », racontait-il.
Les dimensions hors du commun de son art, qui deviendront sa marque de fabrique, se révèlent en 1957 dans le tableau « Nature morte avec mandoline ». Il peint alors l’ouïe centrale (ouverture) de la mandoline trop petite, en comparaison avec la taille de l’instrument.
Ainsi, expliquait-il, « entre le petit détail et la générosité du tracé extérieur, une nouvelle dimension apparaît, plus volumétrique, plus monumentale, plus extravagante ».
Pas « gros »
Pour l’artiste, le qualificatif de « gros » ne convenait pas à ses personnages. Amoureux de la Renaissance italienne, il se disait « défenseur du volume » en art moderne. Sa sculpture, également marquée par le gigantisme, a occupé une place très importante dans sa carrière, développée essentiellement à Pietrasanta, en Italie.
Il a partagé pendant des années sa vie entre ce coin de Toscane, New York, Medellin et Monaco où il continuait de créer.
L’artiste, qui disait ne jamais savoir ce qu’il allait peindre le lendemain, s’est inspiré de la beauté, mais aussi des tourments de son pays, marqué par un conflit armé de plus d’un demi-siècle.
En 1995, une bombe placée au pied de sa sculpture « L’Oiseau » avait tué 27 personnes à Medellin. Cinq ans plus tard, il avait fait don d’une réplique baptisée « L’Oiseau de la paix ».
Son œuvre met en scène guérillas, séismes, maisons de passe. Il a aussi peint une série sur les prisonniers du pénitencier américain d’Abu Ghraib, en Irak.
L’artiste a aussi été un grand mécène, avec des donations estimées à plus de 200 millions de dollars. Il a donné aux musées de Medellin et de Bogota nombre de ses œuvres, et des dizaines de tableaux de sa collection privée, dont des Picasso, Monet, Renoir, Miro…
Pour ses 90 ans, sa ville natale lui avait consacré une exposition pour lui dire « merci ».
Ses œuvres sont aussi visibles en plein air dans de nombreuses villes du monde, l’artiste estimant que les expositions dans les espaces publics sont un « rapprochement révolutionnaire » de l’art avec le public.
Une idée qu’il avait étrennée en 1992 sur les Champs-Élysées à Paris, puis près du Grand canal de Venise et face aux pyramides d’Égypte. Ses statues ont aussi voyagé jusqu’en Chine en 2015.
Marié trois fois, la dernière à la sculptrice grecque Sophia Vari, le « maestro » a souffert de la mort de l’un de ses enfants, à l’âge de quatre ans, dans un accident de voiture.
Son œuvre, de plus de 3 000 tableaux et 300 sculptures, démontre son insatiable appétit de créer. La seule idée d’abandonner les pinceaux « me terrorise plus que la mort », disait-il.