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«Dead Man Walking» : le chant du condamné


Dead Man Walking, plaidoyer moral et émotionnel contre la peine de mort, a ouvert la saison du prestigieux Metropolitan Opera à New York et se redécouvre aujourd’hui au cinéma. (Photo : afp)

L’opéra qui a lancé la saison du Metropolitan Opera de New York, fin septembre, arrive sur grand écran. L’occasion de plonger dans une œuvre radicale, plaidoyer moral et émotionnel contre la peine de mort.

Un livre best-seller, un film oscarisé et maintenant un opéra : Dead Man Walking, plaidoyer moral et émotionnel contre la peine de mort, a ouvert la saison du prestigieux Metropolitan Opera à New York et se redécouvre aujourd’hui au cinéma. Cet opéra contemporain, composé par Jake Heggie avec un livret de Terrence McNally, est tiré de la vie de la religieuse catholique abolitionniste Helen Prejean, 84 ans aujourd’hui, et de sa relation spirituelle avec un homme exécuté aux États-Unis en 1984.

L’histoire est adaptée des propres mémoires de la sœur, Dead Man Walking, en 1993 (traduit en français par La Dernière Marche : une expérience du couloir de la mort). Deux ans plus tard, un film du même nom, réalisé par Tim Robbins, avec Susan Sarandon et Sean Penn dans les rôles titres, sera couronné aux Oscars. «Je suis tout simplement si heureuse que le public puisse toucher du doigt la réalité» des exécutions capitales, a confié Helen Prejean lors d’un intermède de la répétition générale avant la première, fin septembre, de la saison 2023-24 du Met Opera.

«Rituel secret»

Le châtiment suprême – toujours pratiqué dans plusieurs États américains, même si le président Joe Biden s’est engagé à l’abolir à l’échelon fédéral – constitue «un rituel secret» dont peu de gens sont témoins, analyse encore l’octogénaire, rendue célèbre par son best-seller mondial et son combat contre la peine de mort aux États-Unis, comme à l’étranger. «Ce que les yeux ne peuvent pas voir, le cœur ne peut pas le ressentir», souffle la sœur Helen Prejean en reprenant à son compte un proverbe latino-américain.

«Si bien que nous avons besoin de l’art pour lever le rideau sur une réalité dans laquelle les gens peuvent s’immerger», explique cette sœur catholique née à Baton-Rouge en Louisiane et qui a consacré sa vie aux plus pauvres et aux condamnés à mort. Dans l’opéra new-yorkais Dead Man Walking – dont une première adaptation avait déjà vu le jour en 2000 à l’Opéra de San Francisco –, la cantatrice mezzo-soprano Joyce DiDonato incarne Helen Prejean et le très athlétique baryton-basse Ryan McKinny joue le personnage de Joseph De Rocher, inspiré de la vraie histoire d’Elmo Patrick Sonnier.

Viol et double meurtre

Ce jeune homme de Louisiane fut condamné à mort en 1978 – son jeune frère Eddie James Sonnier à la perpétuité – pour le double meurtre, précédé d’un viol, d’un couple d’adolescents de 18 et 17 ans, Loretta Bourque et David LeBlanc. Elmo Sonnier fut exécuté sur la chaise électrique en 1984. Helen Prejean a ainsi accompagné dans les années 1980 plusieurs hommes dans le couloir de la mort, devenant leur conseillère spirituelle jusqu’à leur dernier souffle, comme Robert Lee Willie, violeur et meurtrier d’une jeune fille en Louisiane à la même époque.

Nous avons besoin de l’art pour lever le rideau sur une réalité dans laquelle les gens peuvent s’immerger

Après quarante ans de lutte abolitionniste, un livre, un film et deux opéras, la religieuse catholique espère que «les gens se réveilleront» face à une peine capitale qu’elle juge moralement mauvaise. Le spectacle, monté et dirigé par Ivo van Hove (l’un des dramaturges les plus demandés), commence par un court métrage dépeignant les crimes pour lesquels le personnage Joseph De Rocher est condamné. Dans la scène suivante, Helen Prejean débute une correspondance épistolaire avec lui avant de faire sa connaissance au pénitencier de l’État de Louisiane.

«Pardon possible»

Les deux chanteurs américains – Joyce DiDonato et Ryan McKinny – sont souvent ensemble sur une scène dépouillée et austère, transmettant au public un sentiment d’enfermement et de fortes émotions. Certes, «c’est un opéra sur la peine de mort», constate Ryan McKinny. Mais pour lui, il s’agit plutôt de «ce qu’on peut voir d’humanité en chacun de nous» et «si le pardon est possible», estime le baryton-basse.

D’ailleurs, dans le célèbre film de Tim Robbins, le personnage d’Elmo Patrick Sonnier reconnaît sa responsabilité auprès d’Helen Prejean et lui demande le pardon. Pour la sœur catholique, l’œuvre opératique Dead Man Walking permet aussi de comprendre ce qu’est la souffrance, pas uniquement celle des individus, mais aussi celle de toute une société. «Qu’avons-nous fait de mal?», s’interroge-t-elle.

«Dead Man Walking», lundi 23 octobre à 13 h 45.
Version sous-titrée en anglais : Kinepolis (Kirchberg) et Utopia (Luxembourg)
Version sous-titrée en français : Kinepolis (Esch-Belval)