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De Läb, toujours «dans la place»!


De Läb est toujours dans la place, et il a «faim». (Photo : danny epstein)

Fonctionnant désormais comme un groupe, De Läb, figure tutélaire du hip-hop «made in Luxembourg», est de retour avec un nouvel EP. Une manière de se «faire plaisir» et de montrer que, malgré les années, il a toujours «faim».

Survêtement large, capuche et bonnet, David «Fluit» Galassi traîne sa longue silhouette au cœur du Creative Hub de Differdange. Il y connaît chaque recoin, familier qu’il est du 1535°, sa seconde maison à en croire les plaques posées sur les murs. Une première indique ainsi le label Beast, une seconde, la plateforme de booking Konektis. Sans oublier la boîte des partenaires de Foqus. Ici se posent, à une échelle modeste, les embryons d’une industrie musicale jusqu’alors absente du paysage national.

La tâche est laborieuse, comme le confirme le musicien-manager à travers une équation de vie imparable : «En ce moment, c’est boulot-répétition, et ainsi de suite!» Car dans sa déambulation tranquille, ses yeux reviennent souvent au studio Sonotron, lieu de lâcher-prise et de franche camaraderie où il retrouve, à un rythme régulier, sa bande. Oui, les cheveux grisonnent (un peu), oui, les impératifs familiaux priment sur le freestyle et oui encore, le travail mange le peu de temps disponible, mais il reste encore deux fondamentaux, essentiels : De Läb est toujours dans la place, et il a «faim».

Des compositeurs face aux machines

Un appétit qui pourrait se mesurer à la taille du ventre, élastique. Au temps de la mise en bouche en 2007, frugale, ils étaient trois (avec au micro le «meilleur pote» Corbi et Spenko aux platines). Après deux EP et le départ du «beatmaker», voilà que la formation s’enrichit d’un batteur (Benoît Martiny) et d’un bassiste (René Macri). Jamais rassasié, sur le grand buffet d’anniversaire des dix ans, fêtés en grande pompe en 2018, De Läb s’adjoint enfin les services d’un saxophoniste (Georges Sadeler) et d’un claviériste (Michel Lopes). «Sept en comptant le DJ! (Funkstarr)», solde David Galassi, presque étonné du total.

Une croissance qui n’est pas sans conséquence, notamment celle, importante, de mettre de côté les machines pour laisser parler le talent des musiciens. Ween Ass am Haus (Gemaach?!), minialbum (quatre titres et un prélude) qui sort dans deux jours, en est une démonstration : «Toutes les productions sont purement instrumentales!», lâche fièrement le MC, qui explique la raison, à ses yeux évidente : «On a trois compositeurs sous la main, on n’allait sûrement pas ramener des sons!», rigole-t-il. Soit Benoît Martiny, Michel Lopes et Georges Sadeler – ce dernier a été retenu, cette année, pour créer l’œuvre musicale de l’anniversaire du Grand-Duc.

De la «spontanéité» en cuisine

Du beau monde, certes, mais synchronisé avec ça! «De Läb, c’est une question d’harmonie, d’alchimie», précise David Galassi pour mieux raconter comment fonctionnent, de l’intérieur, les interactions au sein d’un groupe qui a bien grossi. «Il y a un proverbe allemand qui dit : « s’il y a trop de cuisiniers, ça met la pagaille en cuisine ».» Ici, derrière les fourneaux, c’est plutôt Top Chef. «On se comprend très vite. Avec Corbi, on vient avec une idée, un texte, et quinze minutes après, on a quelque chose sur lequel travailler.» Mieux vaut d’ailleurs que la sauce prenne vite. «C’est qu’on n’a plus vingt ans, on ne squatte plus comme avant les studios!»  (Il rit)

De Läb, c’est une question d’harmonie, d’alchimie

En résumé, si tout devient plus long à développer (son dernier disque, l’EP Dekäd, date de 2018), De Läb y gagne parallèlement en qualité. Sur plusieurs points, même. Musicalement, la base jazz-funk, immuable, se love aujourd’hui dans un son plus «organique». D’où la volonté d’enregistrer ce nouveau disque en prise directe (chez le tout aussi immuable Charles Stoltz), afin de rester au plus près de cette «spontanéité» collégiale. Un atout qui devient même une force sur scène. «Un sample, une fois lancé, ça ne bouge pas. Là, en concert, on peut jouer avec les musiciens, prendre plus de liberté… Et même quand on se trompe, que l’on démarre un morceau en retard, derrière, ça s’adapte!»

Du «freestyle» et du fun!

De quoi rester fidèle à l’esprit de la bande : du freestyle et du fun. Philosophie qui s’observe d’autant plus sur scène, «une obsession» chez eux (ces quinze années à arpenter de manière compulsive tous les podiums du pays en témoignent). D’ailleurs, l’expression «Ween Ass am Haus», dans le titre de l’EP, n’est qu’un rappel du slogan qui les accompagne depuis le début, adressé à un public dévoué malgré le poids des ans. Le MC en a conscience : «Oui, on est toujours motivé de créer, de jouer. Mais c’est aussi parce que les gens réagissent que l’on reste légitime. S’il n’y avait plus personne derrière nous, on aurait sûrement arrêté.»

Les plus fervents seront contents : De Läb, malgré son apparent embonpoint, n’a pas tellement changé. Certains signes ne trompent pas, comme le fait de rajeunir le morceau De Stolze Bauer, ancien son de 2013, «le plus écouté sur Spotify et le plus demandé», précise David Galassi. Ou encore d’appeler cet album Ween Ass am Haus (Gemaach?!), jeu de mots pour «fait maison», ramenant à la confection du tout premier, en 2007, avec «une boîte à rythmes et des ciseaux». Sans oublier les constantes : celle d’abord de se moquer avec sarcasme du Luxembourg et du monde qui part de travers. «Tout a empiré! Alors certains sujets reviennent, c’est normal», s’excuse-t-il presque.

Un disque pour «se faire plaisir»

On ne s’étonnera donc pas de le retrouver, après tout ce temps, auprès du même camarade pour les balancer, micro en main, au public. Et leur ping-pong verbal reste efficace. «Oui, ça marche encore! La dernière fois, avec Corbi, on est parti ensemble à Hasselt, en Belgique, pour travailler sur du son. Se dire que l’on fait ça depuis quinze ans, c’est cool. On arrive toujours à se retrouver», dit-il. Une association qui, selon lui, pourrait durer encore longtemps : «À 80 ans, on s’adaptera légèrement!» (Il rit) En attendant, De Läb aborde l’avenir en toute tranquillité, «sans pression», conscient d’avoir «fait le tour» du propriétaire, il est vrai petit, dans les moindres détails.

«On a joué pour de grands artistes, et sur toutes les scènes du pays. On n’a plus besoin d’alimenter la machine» comme avant. Malgré tout, le groupe s’adapte aux lois du marché (qui préfère les petits formats aux longs) et aux exigences numériques en sortant ce nouvel EP, même s’il avoue l’avoir fait surtout pour le «plaisir». Loin d’oublier ses auditeurs, De Läb les gâte même avec des «goodies» (il faut voir les vidéos rigolotes de présentation sur YouTube, en mode téléachat), de nouvelles chansons et un clip qui ne demandent qu’à sortir. Mieux, 2023 sera une année pleine de concerts (dont un au festival Usina, avant Peter Fox), ne serait-ce que pour conjurer la précédente, la «moins productive de l’histoire» du collectif. Alors, De Läb est-il toujours «dans la place»? Avec autant d’arguments, la question ne se pose plus.

Ween Ass am Haus (Gemaach?!), de De Läb. «Album Release Show» vendredi à partir de 20 h à la Kulturfabrik – Esch-sur-Alzette.

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