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[Danse] Chorégraphie « 2.0 » au Kinneksbond de Mamer


Créé en 2013, The Smartphone Project arrive enfin au Grand-Duché avec deux dates au Kinneksbond de Mamer. (Photo : DR)

Le Kinneksbond de Mamer présente, vendredi et samedi, l’étonnant The Smartphone Project de Fabien Prioville. Un spectacle de danse hyper-connecté et interactif autour des téléphones portables.

Accueilli par une hôtesse, le public de The Smartphone Project est averti: non seulement il ne doit pas éteindre son téléphone portable, mais il est, au contraire, invité à installer une application* et à communiquer avec les danseurs tout au long du spectacle. Aussi amusant que profond, The Smartphone Project se veut un petit concentré d’interactivité, servi par une comédienne, Florence Minder, et deux danseurs, Fabien Prioville et Pascal Merighi, deux anciens de la troupe de Pina Bausch. Le chorégraphe, Fabien Prioville, présente son Project.

Vous avez tenu à faire cet entretien par Skype, vous auriez plutôt dû demander à le faire par téléphone portable, non?

Fabien Prioville : Effectivement, ça aurait eu du sens.

Vous avez dansé, par le passé, sur la sonnerie de Skype…

Oui, vous faites référence à Experiment on Chatting Bodies où j’ai un peu travaillé sur les technologies dites sociales, dont Skype, qui était, à l’époque un peu différent, plus facile à manipuler. Mais comme le logiciel a changé, on ne peut plus jouer la pièce aujourd’hui.

Vous avez donc travaillé sur les réseaux sociaux et désormais sur les téléphones portables. Là encore, avec les évolutions rapides de ce milieu, vous risquez de connaître la même mésaventure dans quelques années.

Si je veux être fidèle à mon idée, à moi de faire des mises à jour de mes spectacles à chaque fois que de nouvelles technologies sortent. Mais c’est vrai que ça va très vite. On remanie un peu comme on peut, mais tout refaire demanderait beaucoup trop de temps et d’argent.

Plongeons dans ce The Smartphone Project. Comment ça se passe concrètement entre vous sur scène et le public?

C’est un peu comme quand on prend l’avion. Il y a des habitués qui s’installent tranquillement et sont à l’aise, mais aussi des personnes qui prennent l’avion pour la première fois, qui ont plein de questions, qui sont un peu nerveuses, car elles ne savent pas comment ça va se passer. Les hôtesses sont là pour les rassurer. Dans The Smartphone Project, c’est un peu pareil. Florence Minder a un peu ce rôle. Elle accueille les spectateurs, les aide à télécharger l’application, les guide à travers le spectacle, elle fait le lien avec le plateau, etc., le tout avec beaucoup d’humour et d’énergie. Tandis que Pascal et moi sommes plus les performeurs, on est moins dans l’interaction directe avec le public.

Réseaux sociaux, jeux vidéo, téléphones portables… vos spectacles sont-ils réservés aux geeks?

Pas du tout, au contraire. The Smartphone Project n’est pas du tout un spectacle pour les seuls geeks, c’est un spectacle grand public.

Mais une fois que le spectateur a téléchargé l’application, il fait quoi avec?

Le smartphone n’est pas une télécommande! Mais là, à travers lui, le spectateur va recevoir tout un tas d’informations à différents moments de la pièce, il va pouvoir aussi interagir avec l’actrice, et un peu aussi avec nous. Mais je ne veux pas donner d’exemple précis, car si on le fait, le spectateur a tendance à être dans l’attente de ce qu’il a lu.

Et que deviennent ceux qui n’ont pas de smartphone, ou pas de réseau?

Disons que l’application apporte une couche supplémentaire et différente par rapport au spectacle. Il y a toujours quelque chose qui se passe sur le plateau. Ceux qui n’ont pas l’application vont plus s’amuser à regarder ce qui se passe sur scène, bien sûr, mais aussi ceux qui ont un téléphone pour les voir intéragir avec le spectacle. The Smartphone Project nous ramène finalement à notre propre utilisation des nouvelles technologies et du téléphone portable et nous questionne sur la place qu’on veut bien lui donner dans notre espace vital. Il propose donc une réflexion sur les téléphones, les nouvelles technologies, le virtuel, etc. Il y a donc plein de niveaux de lecture possibles.

Mais toute cette technologie est plutôt mal vue en ce moment, créant des relations de plus en plus virtuelles et de moins en moins réelles.

C’est vrai. Mais ce spectacle crée un peu l’opposé. Dans le sens où il est vrai que la technologie peut isoler ces gens avec le téléphone constamment à la main, mais ici, comme il y a des gens qui n’ont pas ces téléphones ou des spectateurs chez qui l’appli ne marche pas, on constate que les spectateurs se retrouvent souvent à partager à plusieurs un même écran. Tout le monde communique ensemble, s’aide, partage… Ainsi, on fait partie d’une communauté. On vit une expérience tous ensemble.

Finalement, l’immatériel vous permet aussi de casser ce fameux mur entre la scène et le public.

Oui, grâce à la réalité augmentée qui fait apparaître des objets virtuels en 3D en scannant des marqueurs au sol. Les gens descendent des gradins, se déplacent dans la salle, viennent sur le plateau, etc. Les gens sont libres. Ils peuvent aussi prendre des photos, faire des vidéos, téléphoner, tweeter… bref, utiliser tout le potentiel de leur smartphone.

Et la danse dans tout ça?

La danse est partout. Il y a quelques références à Pina Bausch et d’autres chorégraphes avec lesquels j’ai pu travailler dans le passé. Pour le reste, c’est une danse au service de la technologie, du concept. Elle apporte à chaque fois une nouvelle esthétique, une interaction, etc. Mon solo, par exemple, est dans le noir, la seule façon pour les gens de voir ma danse c’est de prendre des photos avec flash. Il y a un autre passage pendant lequel les spectateurs peuvent utiliser les musiques enregistrées dans les portables; à nous de nous adapter. Bref, la danse est toujours contextualisée autour du téléphone.

Entretien réalisé par Pablo Chimienti

Kinneksbond – Mamer. Vendredi à 20 h (en anglais) Samedi à 20 h (en français).

* Téléchargeable sur iTunes et Google Play.

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