Alors que la France, la Belgique ou l’Allemagne, à nouveau confinées, ont fermé pendant un mois au moins toute une série d’établissements dans la culture et les loisirs, le Luxembourg fait figure d’exception. Mais pour combien de temps encore? Les théâtres, musées et autres institutions se tiennent-ils prêts à un second coup d’arrêt ? Tour d’horizon.
Kinneksbond
«L’incertitude est
le pire des sentiments»
Malgré un optimisme assumé, on est conscient, à Mamer, de l’épée de Damoclès qui se tient au-dessus des lieux de culture, celle du reconfinement. Jérôme Konen peut être fier que sa salle ait «fait complet quasiment chaque soir» depuis le début d’une saison malheureusement à capacité réduite et qui n’est pas à l’abri «d’une perte, à long terme, d’une partie du public», mais le directeur du Kinneksbond reste attentif malgré le brouillard. «L’incertitude est le pire des sentiments», lâche-t-il, avant de poser la question rhétorique et fatale : «Combien de temps pourrons-nous rester ouverts ?» Pas seulement pour le public, mais aussi, Jérôme Konen ne manque pas de le souligner, pour les artistes, comme ceux qui occupent en ce moment le centre culturel pour présenter Girls & Boys, de Dennis Kelly, vendredi prochain. «Paulette Lenert a dit qu’il ne fallait pas suivre aveuglément les mesures qu’imposent les autres pays. Sam Tanson pourra le confirmer : les salles de spectacle sont les endroits qui suivent le plus rigoureusement les protocoles sanitaires, et j’espère qu’ils tiendront leur engagement. Même en confinement, qu’on laisse au public la liberté de s’évader le temps d’un spectacle, ce serait un bel acte civique de notre gouvernement», conclut-il.
Théâtre du Centaure
«Chaque représentation est une victoire»
Myriam Muller, directrice du Centaure mais aussi metteuse en scène et comédienne, cumule les étiquettes et, donc, les points de vue. Quand elle regarde les voisins fermer leurs théâtres, elle se dit que les deux ans de travail autour de sa pièce, Breaking the Waves (qui devait tourner en France), tombent à l’eau, mais, parallèlement, elle souligne cette «note d’espoir» et ce «message fort» portés par le Luxembourg : «On est un des rares pays à encore jouer. Le gouvernement nous permet d’être des résistants, d’être physiquement présents.» Pour elle, en effet, le «pansement» numérique (et ces spectacles sur YouTube) n’est pas une solution. Elle préfère les vraies rencontres, sur de vraies scènes, même si celles-ci nécessitent de trouver des «plans B», devant des «jauges très restreintes» et des «mesures drastiques de distanciation». Avec le Centaure sûrement fermé jusqu’en 2021, son équipe joue au nomade, accueillie par ses confrères aux «moyens logistiques» plus importants. «On est dans un petit milieu : on peut vite s’entendre entre nous, dit-elle. C’est positif et même si on doit être confinés demain, on trouvera des solutions, tous ensemble.» Un scénario qu’elle espère toutefois ne pas revivre : «Ce serait dur! On est déjà dans une certaine précarité de travail. Si le peu de sécurité que l’on a disparaît, ça devient psychologiquement difficile. On s’investit beaucoup dans les projets, et on a besoin de se projeter un minimum. Au bout d’un moment, trop, c’est trop…»
Casino
«Si on nous enlève cette échappatoire,
qu’est-ce qui nous reste ?»
Au Casino, jusqu’à vendredi prochain, on travaille sur la mise en place d’une nouvelle exposition collective, «L’homme gris», qui interroge la représentation du Diable dans l’art contemporain. Ses traits prennent aujourd’hui ceux d’un virus et son rire sardonique s’entend dans les couloirs du musée… «On se demande si on va pouvoir finir de la monter, puis de la montrer, et, si oui, pour combien de temps», lâche Kevin Muhlen, le directeur de l’établissement, inquiet, certes, mais pas naïf : «On se tient toujours prêt à ce que les choses changent, dans un sens ou dans un autre.» Un réflexe acquis depuis mars : «On est en équilibre constant, à chercher à se tenir la tête hors de l’eau…» Depuis septembre, le geste se matérialise à travers la reprise d’une activité «bridée» mais «volontaire». «Contrairement à l’art vivant, on peut fonctionner avec une jauge réduite, sans être dépendant de coûts de production élevés et d’une billetterie», précise-t-il. D’ailleurs, pour lui, un musée n’est pas un lieu où «le risque de transmission» est le plus élevé. «Il y a de l’espace, et l’on peut s’y déplacer sans être les uns sur les autres», soutient-il. Surtout que le public, lui, est plus «frileux», plus «hésitant», à revenir. Malgré tout, il le sait : demain, c’est «toute une activité qui peut s’écrouler». Dramatique pour son équipe, qui a «attaqué la rentrée avec entrain et énergie». Triste pour tout le monde, car, globalement, «la culture constitue un moment de répit qui permet de se détacher de la sombre actualité». «Si on nous enlève cette échappatoire, qu’est-ce qui nous reste ?»
Kinepolis
«Ce fonctionnement en yo-yo,
ce n’est pas le plus confortable»
Dès les dernières mesures annoncées par la ministre de la Santé, Paulette Lenert, le groupe Kinepolis n’a pas attendu pour agir : «On a devancé le vote de la loi!», indique Christophe Eyssartier, le responsable des sites au Luxembourg. Car pour lui, la priorité reste la santé, et «chacun a un rôle à jouer dans cette crise». Depuis une semaine et demie, voir un film au Grand-Duché se fait donc avec masque sur le nez, sans nourriture ni boisson, et avec une distance de deux mètres par rapport aux voisins. Un curseur très «restrictif» qui ne s’observe pas dans les restaurants aux alentours et qui a une répercussion sur l’affluence des salles obscures, elles qui avaient retrouvé un second souffle avec la sortie de Tenet, seule production XXL à avoir osé braver la pandémie. Malgré des bleus à l’âme, ici, c’est le pragmatisme qui domine devant une «situation tendue» (notamment chez les voisins) et cette «incertitude flottante» qui persiste depuis huit mois. «On a confiance dans les décisions politiques, qui sont basées sur des projections légitimes. C’est dans l’intérêt général!», martèle Christophe Eyssartier. Seul bémol : cette étrange chorégraphie imposée, où l’on avance pour mieux reculer. «Ces alternances entre ouverture et fermeture, ce fonctionnement en yo-yo, ce n’est pas le plus confortable, dit-il. En caricaturant, on préférerait s’arrêter plus longtemps et avoir une projection dans une plus grande durée.» Mais dans la réalité, il sait que c’est très compliqué : «Je n’aimerais pas être à la place des autorités par rapport aux décisions à prendre», conclut-il. Devant des chiffres de contamination qui se stabilisent difficilement, son équipe, elle, «reste optimiste pour le futur». La seule chose, finalement, à défendre, dans un climat pesant.
Le Réservoir
«On fera le maximum
pour survivre !»
Les manœuvres du gouvernement français concernant la fermeture des librairies (et, avant de faire marche arrière, le maintien de l’ouverture des Fnac) mettent gravement en danger les commerces culturels indépendants. Ce que veut absolument éviter Christophe Ayroles, le gérant du Réservoir à Luxembourg, qui vend bandes dessinées, DVD/Blu-Ray, jeux vidéo et articles de collection. «Dans les commerces, le sentiment du reconfinement est là depuis un moment, car la fréquentation recommence à baisser», dit-il. Sa boutique s’y est préparée, elle qui vient de lancer, «il y a quinze jours», son «propre site de vente en ligne au cas où ça doit arriver de nouveau». Lors du confinement de mars, le Réservoir avait déjà pu sauver la mise grâce à une boutique en ligne sur Letzshop. «On ne sait pas où on va, mais on maximise les options pour continuer notre activité.» Mais à l’approche de Noël, conscient que «les ventes en ligne ne remplacent pas les ventes en magasin», qui ont affiché pour lui une belle hausse depuis juin jusqu’à ces dernières semaines, Christophe Ayroles craint surtout qu’un reconfinement soit synonyme de crainte de ne plus pouvoir régler ses charges et les factures de ses fournisseurs, même si les achats de Noël doivent se faire en ligne. «On est arrivé à un stade où il faut survivre, donc on fera le maximum pour ça.»
Grégory Cimatti et Valentin Maniglia
Il y a des preuves scientifiques sérieuses que le confinement ne sert à rien et serait même contreproductif. Tous les pays qui ont confiné au printemps sont ceux qui ont eu le plus de morts par million d’habitants. Cerise sur le gâteau, si l’on peut dire, ils ont saboté leurs économies.
La Suède montre le contre-exemple : pas de confinement, pas d’économie qui plonge de 10%, autant de morts/million habts que ceux qui ont confiné. Ayant pris le parti de l’immunité collective, celle-ci permet actuellement –et pour le moment- de constater qu’il n’y a pratiquement pas de deuxième vague.
Puisse le Luxembourg tenir compte de ces faits et d’éviter de copier les erreurs fatales des pays voisins (exception faite pour l’Allemagne) et notamment de la France qui a fait, avec le RU, le plus d’erreurs de tous.