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[Critique ciné] «Sentinelle», y a-t-il un flic pour sauver La Réunion?


Sentinelle

d’Hugo Benamozig et David Caviglioli

Avec Jonathan Cohen, Raphaël Quenard, Emmanuelle Bercot…

Genre comédie

Durée 1 h 39 – À voir sur Prime Video

Jonathan Cohen est le talisman de l’humour français. Depuis Serge le Mytho (personnage créé en 2015 dans la série courte Bloqués, sur Canal+, puis développé dans sa propre série), il a décliné et enrichi la figure du menteur patenté jusqu’à en faire l’incarnation du «gentil con».

Gaffeur et idiot, quoique profondément sensible, il se montre toujours bien trop sûr de lui; il est donc aussi râleur, pleurnichard, macho et jusqu’au-boutiste… Des caractéristiques qu’il mesure en déroulant sa large palette d’acteur, selon qu’il est Joseph Hazan, le fils raté qui prend la tête d’un commerce familial (mais illégal) de cannabis dans la série Family Business (2019-2021), ou Marc, le pilote de ligne, séducteur et star de téléréalité de La Flamme (2020), puis du Flambeau (2022).

À ces deux totems vient désormais s’ajouter une nouvelle variation, sur laquelle le comédien pousse tous les boutons au maximum : François Sentinelle, flic de choc et chanteur de charme sous le soleil de La Réunion.

Dans ses deux métiers, il est évidemment le pire, et il n’est pas rare que, lors d’une intervention de police, l’interpellé reconnaisse dans celui qui lui passe les menottes l’interprète du Kiki, un zouk grivois à la Francky Vincent au succès lointain et relatif. Aujourd’hui, Sentinelle veut se défaire des étiquettes et renaître comme chanteur de variété, avec le tournage d’un clip et la sortie d’un nouvel album. Des plans qu’il refuse de changer, y compris lorsqu’il est envoyé en mission à travers l’île pour retrouver une figure de l’élite locale, kidnappée par une brigade terroriste en pleine période d’élections…

Si François Sentinelle est un personnage de plus à ranger aux côtés des losers magnifiques, en décalage total avec le monde, dans lesquels excelle Jonathan Cohen, il est aussi celui qui assume le mieux ses références, notamment américaines. On saisit chez lui les personnages simplets et irritants de Danny McBride (ainsi que le même amour pour la coupe mulet), une mise en scène du malaise héritée de Will Ferrell ou Steve Carell, et une résignation dans la pitrerie incessante qui fait de Sentinelle un avatar de Frank Drebin, le flic incompétent joué par Leslie Nielsen dans la trilogie The Naked Gun (1988-1994).

Aux côtés de tels référents, les réalisateurs et scénaristes, Hugo Benamozig et David Caviglioli – scénaristes du Flambeau et réalisateurs de Terrible jungle (2020), avec, déjà, Jonathan Cohen en policier stupide et autoritaire –, inscrivent autant le film dans une veine française de la comédie extrême et absurde, à l’image de La Cité de la peur (Alain Berberian, 1994) et Mais qui a tué Pamela Rose? (Éric Lartigau, 2003).

Et payent même un tribut à De Funès et Bourvil dans la dynamique qui lie Sentinelle et son second (le génial Raphaël Quenard), seul personnage sérieux et sensé du film, quoique tenu pour souffre-douleur de son abruti de chef.

Déroulant deux intrigues parallèles, Sentinelle sait imiter sans trop de chichis le cinéma d’action, tout en osant l’humour un peu crasse (l’interpellation au début du film qui tourne à la double bavure). On sent cependant les réalisateurs plus libres dès lors que le film se concentre sur l’autre carrière – musicale – du personnage.

Si Sentinelle peut techniquement se résumer à une suite de gags qui compliquent, puis dénouent, l’intrigue, les plus fous d’entre eux comprennent le tournage délirant du clip de Est-ce que tu regrettes?, les scènes entre Sentinelle et son producteur (Ramzy Bedia, fagoté d’une perruque blonde à la Claude François et d’une «marionnette de la vérité»), une «jam session» improvisée pendant une planque, ainsi qu’une petite surprise finale.

Au milieu de tout ce joyeux bordel, Jonathan Cohen, 50 % flic, 50 % chanteur, 100 % ringard, est de toutes les scènes, mais sans jamais prendre toute la place. Comme un chef d’orchestre, qui se rêve autant en Will Smith qu’en Patrick Fiori…

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