Accueil | Culture | [Critique ciné] Petits sentiers et grand cœur

[Critique ciné] Petits sentiers et grand cœur


C'est ce tandem, dans une avancée capricieuse, qui incarne l'esprit du film, à la fois drôle, léger et fantasque, comme les rencontres qu'il fait sur la route. (Photo : DR)

Notre journaliste, Grégory Cimatti, passe en détail Antoinette dans les Cévennes, tout de même sur la liste de la sélection officielle du festival de Cannes 2020.

On la connaît déjà dans la série à succès Dix pour cent, dans laquelle elle incarne une assistante mordue de son patron. Pleine de vie et d’énergie, mais aussi naïve, peu confiante et maladroite quand les sentiments sont trop à fleur de peau. Un rôle qui sied parfaitement à la pétillante Laure Calamy qui, dans un tout autre décor, remet ça sous l’œil de Caroline Vignal, qui signe là son second long métrage… en vingt ans (après Les Autres Filles, 2000). Autre ambiance, donc, mais même cœur qui palpite, comme le montre la scène d’ouverture où ladite Antoinette, institutrice de son état, enfile sa robe limée argentée pour entonner avec les enfants, en guise de spectacle de fin d’année, la chanson Amoureuse de Véronique Sanson. En face d’elle, son amant, à qui elle envoie des regards appuyés, et des parents sidérés…

Oui, les vacances arrivent, et avec elles, la promesse d’un peu de temps avec l’homme qu’elle aime, Vladimir (joué par Benjamin Lavernhe). Seulement voilà, un brin grave, il lui annonce qu’elle doit faire une croix sur leur semaine en amoureux, car il part marcher dans les Cévennes avec sa femme et sa fille. Ni une ni deux, Antoinette décide de lui emboîter le pas….

Avec sa grosse valise rose, son short en jean moulant et ses chaussures compensées, elle prend la direction du GR70 (en Haute-Loire), célèbre (et prisé) chemin de randonnée. Le même que l’auteur écossais Robert Louis Stevenson prit il y a bien longtemps, pour dompter justement un chagrin d’amour. Son ouvrage, devenu culte (Voyage avec un âne dans les Cévennes, 1879), sert d’ailleurs de livre de chevet à la nouvelle aventurière parisienne.

Mais quid de l’âne ? Il arrive à son rythme, farouche et têtu. Un compagnon à quatre pattes qui a l’élégance de s’appeler Patrick et qui, comme on dit de ceux de son espèce, n’en fait qu’à sa tête. Sauf, apparemment, quand on lui parle. Et comme Antoinette a beaucoup de choses à dire – sur la vie, l’amour, ses doutes, ses espoirs –, le duo singulier part à l’assaut des montagnes cévenoles, bon gré mal gré. C’est ce tandem, dans une avancée capricieuse, qui incarne l’esprit du film, drôle, léger et fantasque, comme les rencontres qu’il fait sur la route : des randonneurs curieux et à la langue bien pendue, une cavalière-médecin énergétique-vétérinaire, le couple bienveillant d’une auberge, un groupe de motards…

Non, Antoinette dans les Cévennes (tout de même sur la liste de la sélection officielle du festival de Cannes 2020) n’a pas de gros arguments à défendre, mais sur si peu, le film arrive à garder la cadence et le cap. D’abord parce qu’il procure un bon bol d’air, avec ses paysages superbes, ses balades à la fraîche et ses personnages résolument humains, même dans des moments plus sévères.

Certes, la cinéaste s’amuse aussi de l’exploitation touristique de la région car, aujourd’hui, la randonnée, c’est «hype» ! Laure Calamy, dans la peau de cette «star du GR», symbolise à merveille ce dualisme : fragile car en terre inconnue, mais forte à travers cette forme de dépassement de soi qu’est la marche. Au bout de la randonnée, qu’importe, se dit-on, des amours d’Antoinette. Comme le souffle avec philosophie un personnage lors de son arrivée dans les Cévennes : «L’important n’est pas le but mais le chemin».

Grégory Cimatti

Antoinette dans les Cévennes, de Caroline Vignal.

PUBLIER UN COMMENTAIRE

*

Votre adresse email ne sera pas publiée. Vos données sont recueillies conformément à la législation en vigueur sur la Protection des données personnelles. Pour en savoir sur notre politique de protection des données personnelles, cliquez-ici.