Le salut de l’humanité viendra-t-il d’une énorme météorite, comme ce fut le cas avec les dinosaures ? C’est l’hypothèse retenue par le réalisateur Ric Roman Waugh, qui lui permet d’offrir un nouveau film «catastrophe», dans la lignée d’Armageddon et de Deep Impact.
Allez comprendre, mais dans la longue liste de films consacrés aux catastrophes naturelles, qui mettent l’humanité en péril depuis la naissance du cinéma (volcan, tsunami, ouragan, tremblement de terre), la comète reste en queue de peloton, irrémédiablement boudée par les réalisateurs amateurs de fléaux et carburant aux sensations fortes. L’Apocalypse sur grand écran s’est donc passée de gros cailloux tueurs, en dehors d’un obscur Meteor en 1979 (avec Sean Connery et Henry Fonda tout de même), suivi bien plus tard de deux autres long-métrages fumants : Armageddon et Deep Impact.
Tous deux sont sortis en 1998, ce qui n’est sûrement pas sans rapport avec la réelle et spectaculaire rencontre de la comète Shoemaker-Levy 9 avec Jupiter, quatre ans auparavant, collision rare filmée pour la toute première fois par l’Homme. Rappelons également que le cataclysme observé a servi de détonateur à la mise en place d’un recensement international d’objets célestes en mesure de menacer la Terre. On ne rigole plus avec ça… C’est pourquoi, dans le premier film, on a le temps d’envoyer Bruce Willis et des copains sur l’astéroïde pour qu’ils y creusent un puits dans lequel sera insérée une charge nucléaire. Dans le second, on fait d’ailleurs exactement la même chose, et c’est Robert Duvall, en mode sacrificiel, qui s’y colle.
Mais voilà qu’arrive Greenland (complété par «Le dernier refuge» en français), prouvant dès le début que l’on fait des progrès en la matière… Dès les premières minutes, en effet, tout le monde semble avoir bien compris qu’une comète hargneuse traine dans les alentours, une certaine Clarke, mais on minimise (pour ne pas dire ignore) totalement les conséquences qu’elle peut avoir. Avec jumelles ou devant un poste de télévision, on badine en famille, on rigole avec les potes comme devant le Super Bowl, on compte les secondes avant l’impact, genre Saint-Sylvestre, mais alors qu’un de son premier fragment devait tomber dans l’océan, manque de pot, elle frappe de plein fouet la Floride !
Ric Roman Waugh, réalisateur-cascadeur
Bien évidemment, l’ambiance est gâchée, ce qui n’arrange rien au moral de John Garrity (Gerard Butler), alors en pleine séparation. Il tourne autour de sa femme Allison (Morena Baccarin) comme un chien triste, mais retrouve le sourire avec leur enfant, Nathan (Roger Dale Floyd). Une famille qui se fissure, donc, mais qui, face à la tragédie en cours, doit s’unir pour le meilleur et pour le pire, comme on dit.
Surtout qu’elle a eu la chance de recevoir un message venu des plus hautes sphères étatiques, lui annonçant qu’elle fait partie d’un groupe d’élus, soit environ 2 000 personnes qui pourront s’envoler au Groenland, la nouvelle terre promise, celle de l’après cataclysme…
Une fois encore, Greenland reste fidèle aux canons du genre catastrophique, bien qu’il essaye de tracer sa propre route avec cette histoire d’amour, centrale. Ou comment aborder la science-fiction à travers un drame familial. Pourquoi pas, mais les arguments apportés sont bien minces, peut-être en raison des penchants de Ric Roman Waugh, le réalisateur, pour l’action – il a débuté au cinéma comme cascadeur, notamment dans L’Arme Fatale, Tango & Cash ou Total Recall).
Et comme c’est un esthète (ou alors qu’il n’a pas eu les moyens financiers pour le faire), il ne charge pas son film d’effets spéciaux gargantuesques. Mieux, il évite les traditionnels élans patriotiques aux sons des violons, ce qui est de bon ton. Ce n’est malheureusement là les seules qualités d’un modeste blockbuster, qui cherche quand même à s’aligner en sortant la même formule d’usage : pillages, autoroutes bondées, militaires dépassés, et au beau milieu, l’Homme dans son aspect le plus bestial. Sans oublier le pendant, positif, avec humanité, entraide, courage et gros câlins.
Restent quelques questions, parmi tant d’autres : pourquoi certaines rues et routes sont étrangement vides, alors que la panique est totale ? Pourquoi le président des États-unis a décidé de sauver les gens en fonction du métier qu’ils exercent, sachant que John ne doit pas être le seul ingénieur-architecte de tous les États-Unis ? Et pourquoi, enfin, de telles largesses prises avec les faits scientifiques (une comète aussi grande que celle du film anéantirait tout bonnement l’espèce humaine, comme ce fut le cas avec les dinosaures il y a 66 millions d’années) ? Malgré tout, qui sait, l’humanité sera peut-être une nouvelle fois sauvée. De quoi souffler, avant de remettre notre masque.
Grégory Cimatti