Bien décidée à fêter ses quinze ans et celle de son programme «Fräiraim», la Philharmonie honore la scène nationale en grande pompe. À l’affiche, 60 concerts et plus de 800 musiciens de tout bord, pour mieux transcender les frontières… et les clichés.
Malgré ses efforts et ses bonnes intentions, la Philharmonie n’est pas, à proprement dit, le premier lieu auquel pense la scène locale pour s’en mettre plein les oreilles. Pour peu que l’on ne verse pas dans le classique ou le jazz, la réponse est souvent identique : on s’y rend une fois par an, et encore ! Question de goût et sûrement de standing. C’est ce qu’il en ressort d’un rapide tour de table avec les intéressés, invités à participer au tout premier Fräiraim Festival, calqué sur le cycle du même nom. Un rendez-vous annuel défendu par son coordinateur Serge Schonckert, fervent soutien des musiciens du cru et de la Grande Région, auxquels il donne accès aux salles à raison de «six à neuf concerts» par saison, et ce, depuis 2005.
Le principe se veut pourtant sans contrainte : sur inscription libre, un artiste ou groupe, sans préférence de style, peut proposer son projet, qui sera accepté d’abord pour son sérieux, ensuite pour une question d’homogénéité dans le planning : «On cherche toujours à avoir un beau bouquet équilibré», précise-t-il, avant de détailler : «On a déjà tout eu ! Du metal, du flamenco, du ballet…». Malgré tout, ce décloisonnement qui «ratisse large» peine à exister au cœur d’une programmation toujours plus dense. «Mais bientôt, tout le monde va le savoir !», se persuade-t-il, conscient d’avoir entre ses mains un argument de poids qui va agir, selon lui, comme une «caisse de résonance».
Un anniversaire doublement repoussé
Soit le Fräiraim Festival, à l’équation qui ne cache pas la motivation et les envies de grandeur : 3 jours, 6 scènes, 60 concerts et quelque 800 musiciens de tout bord. Bref, une sorte de grosse fête de la Musique, sans groupe électrogène et dans un écrin de qualité, qui fait comme toutes les autres avec une affiche patchwork : pop, rock, folk, reggae, jazz, hip-hop, harmonie, fanfare, orchestre, chant, musique contemporaine, de chambre… Qu’importe la forme pourvu qu’il y ait le fond, répondrait Stephan Gehmacher, directeur de la Philharmonie : «ll est toujours impressionnant de voir à quel point les artistes au Luxembourg, amateurs comme professionnels, font preuve d’engagement et contribuent activement à maintenir une scène locale.»
D’où cette généreuse ouverture qui permet, au passage, de fêter les quinze ans de l’établissement, anniversaire déjà deux fois repoussé par la crise sanitaire. Cette dernière, selon Serge Schonckert, n’a d’ailleurs pas été tendre avec certains projets musicaux : «Le covid en a détruit quelques-uns!». Durant deux années pénibles se mélangeront quand même sur sa table de travail plus de «200 demandes», dont celle du jeune DJ Morfaz, retenu pour cette première et «créature multiple» branchée masque et cosplay, comme il aime à se définir. Le festival lui permettra ainsi de continuer à «dévoiler son jardin secret» fait de blues, de jazz, de rock et beaucoup d’électronique.
Karaoké «live» et «olympiade des instruments»
Tout aussi heureux, impatient et un brin déstabilisé, Jean-Claude, guitariste de Metal & Pipes, se trompe et parle de la Rockhal, avant de se reprendre : «Être ici, dans cet endroit magnifique, c’est un grande fierté. Le metal n’est pas le genre de musique que l’on associe à la Philharmonie, mais comme on fait aussi dans le symphonique, on est à notre place!» (il rit). Son collectif, tout de noir vêtu, qui marie gothisme et grand orgue, aura pour le coup les honneurs de l’Auditorium. D’autres se partageront les cinq scènes reparties dans et autour de la Philharmonie, dont une sur la place de l’Europe, à travers des projets aussi divers qu’un karaoké «live» (assuré par la fanfare Rollengergronn) ou encore une «olympiade des instruments».
L’invitation, gratuite et facile (grâce à un site dédié «interactif»), répond tout de même à plusieurs préoccupations : en premier lieu, souligner que la Philharmonie est ancrée dans son territoire et auprès de ses acteurs. Ensuite, qu’en mélangeant allègrement les initiatives, elle apporte sa part à la consolidation de la scène locale et de la Grande Région. «Si ça se trouve, de nouveaux groupes, de nouvelles collaborations naîtront» après ce week-end, ose Serge Schonckert. Enfin, malgré ses côtés guindés et exclusifs, elle rappelle qu’elle est faite pour toutes les musiques et pour toutes les populations. Jean-Claude, de Metal & Pipes, trouve les mots justes : «Souvent, après nos concerts, les gens nous disent : « Au début, on avait un peu peur, mais finalement, ça nous a plu!« ». Une formule adéquate dont pourrait s’approprier la Philharmonie pour convaincre les sceptiques.
«Fräiraim Festival» Du 24 au 26 juin.
Le Fräiraim Festival en chiffres
3 jours
6 scènes
60 concerts
800 musiciens