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[Cinéma] Tous pour un, un succès populaire pour tous !


Pas d’effets numériques ni de tournage en studio : le château de Fontainebleau, où est né Louis XIII, a été l’un des décors du film. (photo Ben King)

En garde ! Les Trois Mousquetaires reviennent mercredi avec une brochette d’acteurs en vue, sur une partition fidèlement inspirée du monument de la littérature française.

Le chef-d’œuvre d’Alexandre Dumas Les Trois Mousquetaires a été décliné, pour sa nouvelle version, en deux chapitres, soit deux films dotés chacun d’un budget de 36 millions d’euros. C’est l’un des plus gros paris du cinéma français depuis la pandémie de Covid-19. Mercredi sortira en salle le premier volet, consacré au jeune d’Artagnan, en attendant la suite et fin prévue pour le 13 décembre.

 

Parmi une distribution quatre étoiles, c’est François Civil qui incarne d’Artagnan. L’épreuve du feu pour cette figure montante du cinéma français, dont le dernier rôle remarqué remonte à BAC Nord (Cédric Jimenez, 2020). Le cadet de 33 ans pourra compter sur la camaraderie de ses mousquetaires, Vincent Cassel, Pio Marmaï et Romain Duris, dans les rôles d’Athos, Porthos et Aramis. Et tombera comme il se doit amoureux de l’insaisissable Constance Bonacieux, interprétée par une autre étoile en devenir, Lyna Khoudri.

Louis Garrel amuse en Louis XIII dépassé par les événements, dans son mariage malheureux avec Anne d’Autriche (Vicky Krieps), et sous la surveillance ombrageuse du cardinal de Richelieu (Éric Ruf). La redoutable Milady est interprétée par Eva Green, mais il faudra attendre le second volet, qui lui sera consacré, pour la voir plus longuement à l’écran.

«Chasse au vrai»

Un film de cape et d’épée en 2023? Les Trois Mousquetaires n’abuse pas des séquences de combat, élégamment chorégraphiées, et se veut comme une œuvre «romanesque et tirant du côté du thriller», dit son réalisateur, Martin Bourboulon. Comme dans le roman, on suit d’Artagnan, un jeune Gascon venu à Paris afin de tenter d’intégrer le corps des mousquetaires du roi. Par amour pour Constance Bonacieux, il se lancera à la rescousse de la reine en récupérant des mains du duc de Buckingham ses précieux ferrets, et déjouant au passage une conspiration de Richelieu.

Côté production, le film tire parti d’une production garantie sans effet numérique ni tournage en studio. De nombreuses scènes ont été filmées au château de Fontainebleau, en région parisienne, où est né Louis XIII. «Nous avons été guidés par le principe de la chasse au vrai, dans les scènes d’action comme dans les costumes, afin de tout faire pour croire au maximum à l’histoire», indique le réalisateur, revendiquant aussi une lecture «au premier degré» de l’intrigue.

«Dans l’intimité des grands»

Lorsque Alexandre Dumas écrit le roman, en 1844, il a 41 ans et est l’une des plumes les plus aimées de Paris. Malgré la forme du feuilleton, dans laquelle est initialement publiée Les Trois Mousquetaires (entre mars et juillet 1844, dans le quotidien Le Siècle), Dumas est très préparé et «investit cette formule avec son art du suspense, une tension dramatique, un goût pour l’histoire qui touchent un très grand public», explique Julie Anselmini, professeure de littérature française. Son humour fait mouche, aussi, et le quatuor s’attire ainsi les faveurs des lecteurs dès les premières pages. En se montrant fidèle à son modèle, le film fait le même pari.

Pour le chercheur en littérature Karl Akiki, «le roman nous fait entrer dans l’intimité des grands. Les mousquetaires sont dans les bals, à la cour, au plus près d’Anne d’Autriche, en Angleterre… De la même façon qu’on regarde la série The Crown aujourd’hui, à l’époque, on lit Les Trois Mousquetaires et on se cultive sur l’histoire de France.» Il ajoute : «Dumas est le meilleur pour nous entraîner dans l’accoutumance. On se dit : « Je ne vais pas éteindre, je vais lire le chapitre suivant. » Mais le chapitre suivant nous donne d’autres réponses et fait naître d’autres mystères (…) Il n’y a pas tellement de portraits ou de descriptions comme chez Balzac. Tout le monde finit par entrer dedans.»

Pathé cherche succès

Jérôme Seydoux, à la tête de la société de production Pathé, décrétait en octobre 2022 que «les gens ne veulent pas aller au cinéma pour se faire chier». On imagine qu’il aura les yeux rivés dès mercredi sur les chiffres de fréquentation. À charge pour Les Trois Mousquetaires de faire revenir en nombre au cinéma voir du grand spectacle «made in France», de préférence dans les salles premium au tarif plus salé, dans lesquelles Pathé imagine son avenir.

À côté du cinéma de superhéros américain notamment, hégémonique chez les plus jeunes, «la France a le droit de faire des grands films d’aventure populaires à spectacle», veut croire Martin Bourboulon. La pression est d’autant plus élevée que, jusqu’à présent, la réussite n’a pas franchement été au rendez-vous avec lui : son dernier film, Eiffel, au budget conséquent (23,4 millions d’euros) mais avec seulement 1,5 million de spectateurs en salle, a été rapidement oublié après sa sortie en 2021. L’autre grand projet de l’année chez Pathé, Astérix et Obélix : l’Empire du Milieu, de Guillaume Canet, n’a pas non plus rempli toutes les attentes, avec 4,5 millions de spectateurs (pour un budget de 64 millions d’euros). Soit trois fois moins que le Mission Cléopâtre d’Alain Chabat, vingt ans plus tôt.

Trois mousquetaires, 50 adaptations

Alexandre Dumas est mort en 1870, peu avant l’invention du cinéma, mais ses œuvres ont inspiré des dizaines de films en tout genre depuis un siècle. S’il fascine autant, encore aujourd’hui, c’est parce qu’il est «comme un continent. Parmi son œuvre, une douzaine de titres ont été régulièrement adaptés. Pour tous ces titres, on compte plus de 250 versions dans le monde», cinéma et télévision confondus, dénombre Stéphanie Salmon, commissaire de l’exposition «Alexandre Dumas à l’écran, de l’aventure à la démesure», présentée jusqu’au 15 juillet à la Fondation Jérôme Seydoux, à Paris.

Cette fascination débute dès 1898, avec une première version britannique des Trois Mousquetaires, puis une italienne en 1909. Un siècle plus tard, la mode du film de cape et d’épée est passée mais «Les Trois Mousquetaires (reste) un roman qui voyage facilement dans le temps», salue le réalisateur Martin Bourboulon. Sa force? Il véhicule «des valeurs de camaraderie, de courage, de bravoure, de panache et de solidarité». Et continue de prouver son succès, avec plus de 50 adaptations au cinéma ou à la télévision pour ce seul roman.

Les «dumasiens» soulignent le découpage cinématographique par l’écrivain de certaines scènes, ou le feuilletonnage des récits, ponctués de «cliffhangers», ces moments qui font culminer le suspens, dignes des séries modernes. Traduite dans le monde entier et tombée dans le domaine public, l’œuvre de Dumas permet en tout cas de limiter les risques, avec des intrigues à l’efficacité garantie.

De La Fille de d’Artagnan (Bertrand Tavernier, 1994) aux Three Musketeers 3D (Paul W. S. Anderson, 2011) version blockbuster, en passant par The Man in the Iron Mask (Randall Wallace, 1998), avec Leonardo DiCaprio, certaines adaptations s’écartent franchement des romans jusqu’à opter pour la parodie. Au compte de celles mettant en scène les Charlots, mais aussi une version bollywoodienne de 1960, une série télévisée soviétique de 1978, une adaptation italienne qui replonge l’intrigue dans l’univers du western spaghetti en y mélangeant du film de kung-fu… et même une comédie musicale ukrainienne réalisée en 2005, avec Volodymyr Zelensky dans le rôle de d’Artagnan et trois femmes dans les rôles des mousquetaires!

Avant François Civil, d’Artagnan a été interprété à de nombreuses reprises par Douglas Fairbanks, star de Hollywood à l’époque du muet. Les Beatles eux-mêmes devaient dans un premier temps interpréter les mousquetaires dans les fameuses adaptations de Richard Lester (1973 et 1974), qui avait déjà mis en scène les «Fab Four» dans A Hard Day’s Night (1964) et Help ! (1965). Et l’univers de Dumas n’a pas fini d’inspirer : à l’automne 2024, c’est une nouvelle adaptation du Comte de Monte-Cristo qui doit voir le jour, avec Pierre Niney dans le rôle principal.

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