Abandonné à HBO Max aux États-Unis, The Witches sort aujourd’hui au Luxembourg. Mais le nouveau coup de baguette magique de Robert Zemeckis et Guillermo del Toro fait difficilement effet…
Elles nous ont manqué mais attendaient avec impatience de pouvoir accueillir à nouveau le public : les salles de cinéma reprennent du service dès aujourd’hui au Luxembourg. Avec, déjà, un obstacle, celui de proposer à la mi-janvier une programmation grand public taillée sur mesure pour les vacances de fin d’année.
En termes d’exploitation cinématographique, le premier mois de l’année se repose surtout sur les grosses sorties de la fin de l’exercice précédent, dominé ces dernières années par le même schéma : une grosse machine Disney (Star Wars, Marvel, Pixar) pour piloter le vaisseau, un autre blockbuster pour contrer cette dernière et un choix de films pour jeune public, américains et européens, pour compléter l’offre. Une donne qui a été redistribuée cet hiver, avec la sortie de Wonder Woman 1984 et de la dernière production Pixar, Soul, en streaming, laissant les salles amputées à la fois de leur activité, mais aussi d’un film à grand spectacle capable de fédérer les publics. L’autre possible locomotive pouvait donc être The Witches qui, sur le papier, avait tout pour reprendre cette casquette, avant d’être vendu à la plateforme américaine HBO Max, laissant la sortie en salles à l’Europe, où les salles, elles, sont encore majoritairement fermées.
Adapté du roman de Roald Dahl, maître de la littérature pour enfants, le film transpose son excellente histoire de sorcières dans le sud des États-Unis à la fin du mouvement des droits civiques, avec un tandem de héros afro-américains, laissant peu de doutes quant à la portée politique du discours qui se cache derrière le divertissement. Surtout, l’attente d’un tel film n’avait d’égal que l’excitation qu’il génère quand il s’agit de l’œuvre de Robert Zemeckis (scénario et réalisation). Le réalisateur de Who Framed Roger Rabbit ? (1988) et de la trilogie Back to the Future s’est toujours fait un point d’honneur à explorer les possibilités qu’offre le cinéma en tant que spectacle, dans le mélange des genres et des techniques. Depuis 2004 et The Polar Express, le réalisateur a fait son cheval de bataille de la rencontre entre le cinéma traditionnel et les techniques d’animation en 3D, avec des hauts très hauts – The Polar Express, donc, et plus récemment Welcome to Marwen (2019) – et des bas très bas – Beowulf (2007).
Sous le signe du ratage
Quand il s’agit des possibilités infinies des effets spéciaux chez Robert Zemeckis, on pense immédiatement aux cauchemars provoqués par la transformation finale de l’antagoniste en personnage de dessin animé sorti tout droit des enfers, dans Roger Rabbit. L’un des deux acolytes de Zemeckis au scénario de The Witches étant Guillermo del Toro, la promesse du frisson était la plus belle que le film puisse offrir. Et quand il s’engouffre dans la brèche de l’horreur, il y va peut-être trop fort. Actrice largement surcotée, Anne Hathaway n’en est pas moins terrifiante quand elle passe d’une imitation de Melania Trump à sa véritable nature de sorcière, chauve, le crâne recouvert de croûtes, des bras qui peuvent s’étendre à l’infini (la meilleure trouvaille visuelle du film) et une bouche à la Joker version Heath Ledger qui s’ouvre jusqu’aux oreilles, révélant d’effrayantes dents acérées. Si ça fonctionne sur un trentenaire biberonné aux films d’horreur, vos enfants risquent d’être traumatisés.
À l’exception des rares points à sauver – la transformation des acteurs, la musique du toujours fidèle Alan Silvestri – The Witches se déroule malgré tout sous le signe du ratage et d’une intrigue qui part dans tous les sens. L’accent d’Anne Hathaway est, lui, autant à côté de la plaque que la majorité des effets numériques. Et que dire de la dimension «Black Lives Matter-friendly», qui truste la première partie du film pour, finalement, ne rien avoir à montrer de plus que les habituels clichés ? Certains s’en remettront à la première version, identique, de The Witches (Nicolas Roeg, 1990), portée par une Anjelica Huston toujours superbe dans les rôles macabres. D’autres regretteront que cette nouvelle relecture n’ait pas été confiée à Tim Burton ou, mieux, au Robert Zemeckis qui a fait Roger Rabbit et Death Becomes Her (1992), plutôt qu’à celui qui a fait Beowulf.
Valentin Maniglia