Retrouvez la critique cinéma de la semaine.
Avec The Gentlemen (2019), on s’était réjoui de retrouver le Guy Ritchie des débuts, façon Lock, Stock and Two Smoking Barrels (1998) et Snatch (2000). Celui d’un cinéma inventif, déjanté, branché sur 220 volts et à la signature identifiable, avec ses folles galeries de personnages, présentés brièvement, qui s’agitent, se croisent, se chambrent et se tuent sur une BO qui fait bouger la tête.
Malheureusement, le réalisateur britannique n’a pas su garder la cadence, et malgré l’adaptation en série de ce retour aux sources rafraîchissant, il est rapidement retombé dans ses travers. Ce qui s’observe par des réalisations faciles et creuses, bouclées en un temps record. En 2023, le public a ainsi eu le droit à une double ration avec Operation Fortune et The Covenant, deux productions qui mêlent mission d’infiltration et guerres féroces. Car sa nouvelle passion, c’est l’armée, qu’il décline à l’envi en streaming à défaut d’être destinée aux salles.
The Ministry of Ungentlemanly Warfare, son petit dernier, garde le même cadre : brièvement sorti aux États-Unis, il s’installe sur Amazon Prime Video ailleurs avec, comme argument de vente, une histoire basée sur des faits réels et une bande de mercenaires qui flinguent à tout-va. On file en 1942, en pleine Seconde Guerre mondiale, alors que l’Angleterre est au bord de la capitulation.
Sous l’impulsion du Premier ministre Winston Churchill et d’un groupe de responsables militaires (dont l’auteur Ian Fleming, futur papa de James Bond), l’opération Postmaster est lancée. Une mission «non autorisée et sécrète» (déclassifiée et dévoilée en 2016) visant à saboter les navires qui réapprovisionnent les sous-marins allemands (les U-Boote) qui font un massacre dans l’Atlantique, empêchant ainsi l’aide tant espérée des Américains. En somme, on parle ici de la toute première organisation de forces spéciales, qui posera les bases des services secrets britanniques.
Avec cette équipe, la vengeance se consomme sans attendre, et avec furie tant qu’à faire
Sur papier, le projet, lui, ne s’embarrasse pas de subtilité : dépêcher sur l’île de Fernando Poo (dans l’actuelle Guinée équatoriale), une bande de cinq baroudeurs aux spécialités diverses (du tir à l’arc au maniement du couteau en passant par les explosifs et les renseignements). Pour cette équipe de «dingues» tendance Suicide Squad, apparemment les «seuls capables de réussir» le travail, la préparation semble secondaire et l’exécution enthousiaste.
Leur mantra : «sang, meurtre et chaos». Cohérent quand on apprend que chacun a des comptes à régler avec le IIIe Reich et ses soldats nazis. Sous les ordres de Gus March-Phillipps (qui, selon le film librement adapté d’un livre de Damien Lewis, inspira la personnalité de l’espion 007), la troupe, soutenue par deux agents de terrain, va s’en donner à cœur à joie, flinguant sans sourciller et sans la moindre égratignure en retour. Avec elle, la vengeance se consomme sans attendre, et avec furie tant qu’à faire.
The Ministry of Ungentlemanly Warfare (traduit par Le Ministère de la Sale Guerre en français) est un pur défouloir qui, par son sujet et son exécution, ramène à un précédent : Inglourious Basterds de Quentin Tarantino (2009). Mais cette version de Guy Ritchie, malgré les références appuyées (la violence des mercenaires, le grand méchant officier allemand, la jeune femme juive vengeresse) ne tient pas la comparaison, car manquant cruellement de profondeur et d’idées.
La seule qui prête à sourire est celle de retrouver l’acteur Til Schweiger du côté des souffre-douleur, alors qu’il y a quinze ans, il était de ceux qui mettaient des coups de couteau à la jugulaire sur une musique funk… Sur deux heures, c’est l’essentiel de ce que propose le film : dézinguer du nazi par parquet de douze à coups de rafales de silencieux (quand ce n’est pas les bombes et grenades qui s’en chargent), ce en quoi excelle, bien sûr, cette brigade de gros bras décontractés et rieurs face à des ennemis plus pathétiques que réellement dangereux. Un déchaînement festif dont les intentions finales sont purement récréatives. C’est peu, mais vu le climat ambiant, ça ne peut pas faire de mal.