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[Cinéma] «The Last Bus», aller simple pour un retour


Pour interpréter un personnage de 90 ans, Timothy Spall, 65 ans, s’est surtout appuyé sur le scénario. Même si l’illusion est parfaite, le maquillage, lui, est minimaliste. (Photo : Samuel Goldwyn Films)

Dans The Last Bus, l’acteur Timothy Spall, vieilli de trente ans, entreprend seul le chemin qu’il avait emprunté soixante ans plus tôt avec son épouse, mais dans le sens inverse. Un retour en arrière dans l’espace et dans le temps, qui fait la part belle à l’émotion.

Le trajet est connu, c’est un symbole : John o’ Groats est le village le plus au nord de la Grande-Bretagne, situé sur la pointe nord-est écossaise. De là, la plus grande distance réalisable sur l’île trouve son terminus dans le village bien nommé de Land’s End, à l’extrême sud-ouest de l’Angleterre.

Soit plus de 1 400 kilomètres que Tom et Mary avaient parcourus direction nord, il y a bien longtemps. Et que Tom, aujourd’hui veuf, va refaire dans le sens inverse, en empruntant exclusivement les lignes de bus, pour disperser les cendres de sa chère et tendre à Land’s End, où ils sont nés, ont grandi et se sont aimés.

«C’est une histoire qui parle d’amour, de perte et d’une sorte de devoir qu’une personne estime nécessaire, celui d’exorciser ses fantômes et ceux de sa bien-aimée», explique Timothy Spall. C’est aussi, ajoute-t-il, «l’une des plus grandes odyssées, vers l’inévitable», qui permettra au personnage de «revenir bizarrement à la vie par la découverte du monde à travers ses yeux de personne mourante».

L’acteur, sacré meilleur interprète masculin à Cannes pour Mr. Turner (Mike Leigh, 2014), insuffle une grande délicatesse au personnage de Tom. Pour le réalisateur, Gillies MacKinnon, le choix semblait naturel.

«J’étais juré au festival de Turin, quand j’ai appris que Timothy était sur place, dans une pièce quelque part (…) Quand je me suis retrouvé face à lui, on aurait dit qu’il s’attendait à me voir», racontait le cinéaste écossais à l’occasion du festival du Film de Mill Valley, en Californie, en octobre dernier. L’idée de confier le premier rôle à Timothy Spall a été, en premier lieu, une affaire de «confiance».

Si, au moment où MacKinnon lui a proposé le rôle, l’acteur avait tout juste dépassé la soixantaine (il a fêté ses 65 ans cette année), le personnage de Tom, lui, le dépasse de trois décennies. «Quand je l’ai rencontré (…) je savais qu’on allait y arriver», glisse MacKinnon. «Au bout du compte, (le personnage est né) d’un mélange entre le travail de recherche de Tim sur sa façon de s’approprier le corps et les mouvements de ce vieil homme (…) et une très, très bonne maquilleuse.»

L’acteur fétiche de Mike Leigh, qui a également marqué les esprits dans la saga Harry Potter et en Winston Churchill dans The King’s Speech (Tom Hooper, 2011), est habitué aux rôles nécessitant une bonne couche de maquillage. Mais selon lui, «le personnage et sa vie sont des éléments inhérents au texte». Le scénario contenait déjà tout.

Par ailleurs, Timothy Spall ne passait pas «trois heures au maquillage», le minimalisme était le maître mot. Une perruque et un passage sous le pinceau de l’équipe de maquillage – pour vieillir la peau et jouer sur les ombres –, et l’illusion est parfaite.

(Cette histoire) est l’exemple classique de quelqu’un d’éminemment insignifiant face au monde, mais pas face aux vraies trajectoires de vie

Avec un dialogue réduit au minimum, Timothy Spall donne vie à son personnage à travers une allure un peu raide et en marmonnant des phrases inintelligibles qu’il se raconte à lui-même, une façon d’être parfaitement crédible que la présence de l’acteur finit d’envelopper d’une couche d’émotion que l’on sent de plus en plus vive au fil du voyage.

L’impossible «road movie» donne lieu à bien des rebondissements et des rencontres, derrières lesquelles le personnage de Tom est dépeint, avec une bonne dose d’optimisme, comme une belle et poétique réponse au portrait que brosse le réalisateur d’un pays cosmopolite, mais pas toujours uni.

Ici, une brève conversation devant un arrêt de bus redonne confiance en lui à un jeune Écossais en mal d’amour. Là, une bande d’Ukrainiens décide d’embarquer Tom dans une fête folle. À un autre moment encore, le vieil homme affronte dans un bus, et sans sourciller, un homme franchement raciste qui prend à partie une femme voilée.

Et, en parallèle du périple, se dévoile sous forme de flash-back le passé de Tom et Mary, avec, en point d’orgue, une révélation sur la raison qui les a poussés à quitter Land’s End pour l’extrême nord-est.

«Nous avons tous nos histoires, conclut Timothy Spall, et celle-ci est l’exemple classique de quelqu’un d’éminemment insignifiant face au monde, mais pas face aux vraies trajectoires de vie.»

The Last Bus, de Gillies MacKinnon.